Jour
3
:21 juin 2015
Dernier jour de festival, et comme d'hab', seuls les plus braves (ou les plus sages la veille au soir) se sont levés pour être aux portes du site pour le premier créneau de la journée. Et il fallait y être de toute façon, puisque c'était Hypno5e (Altar - 10h30) qui était en charge d'ouvrir les hostilités sur l'Altar ! Et de toute évidence, les fans étaient bien avertis car le groupe jouira d'un public en nombre, clairement au-dessus de la fréquentation normale à cet horaire pour le moins ingrat pour les groupes. Pourtant, difficile pour Hypno5e d'exposer toute la versatilité de son répertoire en une demi-heure de set pour sa première venue en terre clissonnaise... Mais si on avait à ce sujet quelques peurs légitimes avant de fouler le gazon bien piétiné de la scène, celles-ci se verront vite balayées. Car le groupe livrera le show le plus compact qu'il pouvait imaginer, enchaînant tous les titres les plus efficaces de sa disco sans pause, allant même jusqu'à intégrer des medleys bienvenus pour optimiser au maximum le set. On aura même le droit à une rapide exclu du prochain album qui passe ni vu ni connu ! De toute évidence, le groupe avait répété son numéro au millimètre avant de venir et ça c'est grandement ressenti ! Chapeau bas ! On enchaine ensuite cette dernière matinée de violence avec la Warzone, où ça défouraille déjà sèchement.
C'est en effet les durs de Birds In Row (Warzone - 11h05), groupe français ultra-prometteur (signé chez Deathwish, pour un groupe de HxC cela veut tout dire) et qui nous vient de Laval, petite ville des Pays de la Loire - de Mayenne pour être plus précis - connue peut-être pour certaines spécialités locales (NDLR : en fait non, sauf si entre dans cette catégorie le fait d'héberger une équipe de foot médiocre et qui végète en deuxième division depuis des temps immémoriaux), mais vraisemblablement pas pour son punk hardcore. C'est en tout cas chose désormais réparée puisqu'au vu de la prestation détonante de ce Hellfest, on se dit que décidément le trio mériterait une reconnaissance nationale bien plus importante ! Pas de compromis, on baigne en pleine orthodoxie du genre avec des titres très courts, efficaces, aux riffs fracassants et aux vocaux hurlés à haut débit, faisant que le brailleur guitariste n'ait jamais vraiment le temps de reprendre son souffle ! Le larron reste donc courbé sur sur micro contenant son énergie dans son gosier, tandis que son comparse bassiste se fait une joie de sauter dans tous les sens avec des mouvements de grande envergure, tout cela rappelant forcément un certain Converge. Seul bémol à ajouter à la prestation - indépendante du groupe - c'est encore une nouvelle fois ce fichu soleil qui tape très dur dès cette fin de matinée, et qui ajouté à la fatigue générale, enlève le brin de folie qu'on aurait attendu dans la fosse.
Il est l'heure de rejoindre les mainstages, et voir Rachel au Hellfest et entendre de nouveau les compos de Eths (MS1 - 12h15) sont deux idées qui vont plutôt bien remplir le devant de la MS en ce dernier jour de festival. Le set va être court donc tout le monde sait que le groupe va envoyer les hits de la discographie. Pas si facile pour la chanteuse aux capacités vocales très impressionnantes de se faire un nom trois ans après de l’énorme vide qu’a laissé le départ de Candice. Mais toutes ces discussions de comptoir vont pouvoir disparaître encore un peu plus avec la prestation du jour. Même si parfois le son grésille un peu, le trio de musiciens et la belle vont le ravir à grand coup de "Samantha", "Méléna" et autre "Crucifère". Les compositions sont bien carrées et bien jouées, et le set semble ne durer que cinq minutes. Rachel remercie personnellement le public et le festival, preuve probablement d’un objectif personnel atteint. Et cette joie se ressent : ça grogne dure, ça tape fort et ça gratte puissant. Le Eths 2.0 doit vite sortir de nouvelles compositions et tourner. Le public en tout cas n’attend que ça.
C’est aussi, hélas, la dernière journée pour la Warzone, qui, sous un soleil de plomb, accueille Code Orange Kids (Warzone - 12h15), les nouveaux prodiges US du hardcore « à la Deathwish », le label du légendaire Jacob Bannon (Converge). Peu de monde semble encore connaître les jeunes Américains, et il faut dire que le son qu’ils proposent, particulièrement lourd, fracassé et torturé, n’aide en rien. Mais pour les fans, c’est un vrai plaisir de les voir, d’autant que c’est une des premières fois que le combo se frotte à l’exercice périlleux des festivals européens. Pari relevé haut la main avec un set abrupt d’une lourdeur et d’une violence absolues, porté par trois styles de chant tous plus haineux les uns que les autres (la guitariste, son comparse à l’autre six-cordes, et le batteur) et des morceaux d’une originalité indéniable (on recommande chaudement l’écoute de leur dernier bébé difforme, I Am King). Un peu un truc de spécialistes comme on croise souvent au Hellfest, mais une réussite évidente pour ce jeune groupe qu’on imagine bien régner sur les pans les plus extrêmes du hardcore au cours des prochaines années.
On n'oublie évidemment pas les grandes tentes Altar et Temple, et un dimanche à l’heure de la messe, pourquoi ne pas aller déguster sans retenue le black lovecraftien de The Great Old Ones (Temple - 12h15) ? D’autant plus que, forts de deux excellents albums, les adeptes de Cthulhu se sont également forgés une bonne réputation sur scène. Officiant derrière une sculpture tentaculaire à l’effigie de leur maître et sous un portrait de son créateur, arborant des capuches noires (le t-shirt à capuche, élément indispensable de la panoplie du métalleux occultiste par forte chaleur?), les Français vont livrer une offrande black-métal chargée en lourdeur rythmique et en riffs puissants. Les deux guitaristes-chanteurs se relaient au micro et parviennent, malgré la chaleur et la lumière déjà très présentes, à imposer leur ambiance sombre. Mais il y a fort à parier qu’une lumière plus tamisée et une setlist plus longue auraient beaucoup plu aux amateurs… Une très bonne manière de poursuivre la dernière journée de ce Hellfest, décidément très riche ! On enchaîne sur la scène voisine avec les frères Loez qui, depuis vingt-cinq ans, sont SUP (Spherical Unit Provided), ex-Suppuration (Altar - 12h50), et qui déroulent pendant quarante minutes leur death metal racé et technique - certains diraient « intello » - qui les distingue de la plupart de leurs confrères. Concentrés, un peu trop même tant ils ne bougeront guère de leur emplacement initial, les musiciens peinent à enthousiasmer le public, en raison de basses trop présentes éclipsant pratiquement toutes les subtilités mélodiques qui font l'attrait de la formation valenciennoise. Dès lors, les morceaux étant assez longs, une certaine monotonie s'installe. Quant aux tentatives de communication avec l'assistance, elles sont quasiment inaudibles, confirmant que le son n'est décidément pas très performant. Il convient cependant de noter le choix audacieux de terminer la setlist maigrichonne (sept titres) par une reprise, en l'occurrence "Shattered" de Paradise Lost. Pourquoi pas, mais ce n'est pas ce morceau des gotho-death-doomsters britanniques qui risque de réveiller la foule. Dommage.
Les classieux américains de
Russian Circles (Valley - 14h20) rendaient également visite au Hellfest cette année et c’était évidemment un petit événement, tant leurs albums ont toujours eu tendance à mettre tout le monde d’accord. Ces derniers ont, comme à leur habitude, proposé un set envoûtant, technique (ce batteur…) et puissant, mais un bon ton en dessous de celui proposé au Roadburn 2015 à notre sens. La faute à des conditions nettement moins idéales (notamment un son de batterie plus brouillon qu’en avril dernier aux Pays-Bas), à un set obligatoirement raccourci de 20-30 minutes (un créneau de 40 minutes pour
Russian Circles, c’est franchement court) et un choix de setlist légèrement plus «
bourrin » qu’à l’accoutumée, Hellfest oblige. Or ce sont leurs morceaux les plus nuancés et ambiancés qui nous parlent le plus, et ils ont un peu manqué en ce début d’après-midi, ce qui encore une fois se conçoit aisément. Un set plus percutant, mais moins marquant qu’attendu en somme, sans pour autant constituer une déception de quelque manière que ce soit. Coté Altar c'est également l'heure d'un autre groupe attendu pour beaucoup, un de ces groupes qu’on pensait ne jamais voir en concert notamment du fait de leur origine géographique.
On veut bien entendu parler des Australiens de
Ne Obliviscaris (Altar - 14h20), lesquels ont dû faire appel au crowdfunding (avec succès, prouvant encore une fois toute la dévotion de cette scène que nous aimons tous tant) pour aller rendre visite à leurs fans, et dont la tournée mondiale faisait, ô joie, escale par le Hellfest. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le public venu en nombre recevra l’une des plus belles claques de ce Hellfest. Menée par son chanteur Xen au growl impeccable, accompagné par son compère violoniste officiant au chant clair, la formation va livrer un set de quarante minutes de grande classe. Riffs acérés, basse virtuose, soli puissants, batterie implacable, le tout accompagné de lignes de violon qui donnent au groupe un son unique, viendront passionner un public admiratif tout au long des quatre (et oui, juste quatre !) morceaux joués en ce début d’après-midi. Les musiciens semblent très impliqués et mettent leurs cervicales à rude épreuve à de nombreuses reprises, et Benjamin, le guitariste soliste, recevra les acclamations de rigueur quand il remerciera les fans dans sa langue maternelle. Une représentation de grande classe menée par une formation d'immense talent, et faisant part d'une générosité de tous les instants, très appréciable et très appréciée.
Sous un soleil de plomb toujours, et sur de la Mainstage 1, le rap-métal de Hollywood Undead attire l’oreille (MS1 - 15h05). Sur scène, les nombreux membres du groupe arborent des masques à l’image d’un Slipknot un peu au rabais et le premier morceau entendu fait penser à Body Count, qui a tout détruit la veille. Mais non, le groupe va rapidement et sûrement faire état de tous ses talents et de son identité propre en gratifiant la foule massée devant la scène d’un cocktail assez détonant et délirant de rap, de rock, de metal, de beats techno, de folk, de hardcore mélodique, le tout en un seul concert ! Un mélange qui flirte assez souvent avec le très putassier, tant l’ensemble est sucré et gras comme un donut et pourrait amplement mériter son qualificatif de « metal de stade ricain ». Et quand on voit successivement tous les membres du groupe échanger leurs instruments au gré des morceaux après avoir tombé les masques, passant du micro à la guitare puis à la basse, des percussions au micro, du chant à la guitare sèche, le tout avec une énergie débordante, on comprend pourquoi les Américains sont positionnés à cette heure sur cette scène : c’était la programmation parfaite ! Le public scandera les refrains des différents morceaux et s’en donnera à cœur joie, au cours de l’un des sets les plus festifs du week-end.
Toujours sur les mainstages, un scandale est dûment pris en flag' par l'escouade des Eternoz : comment ça, soixante-quinze minutes pour Limp Bizkit et seulement cinquante pour Exodus (MS02 - 15h50) ? Même dans un monde où Charles Pasqua n'aura pas dormi une nuit en prison avant de casser sa pipe bien tranquille dans son gros plumard, il y a des injustices qui ne passent pas ! Pour justifier cette honte, il paraîtrait que les premiers nommés vendraient plus de disques. Eh bien, Céline Dion et David Guetta aussi : du coup on fait quoi, on les programme l'année prochaine ? ...Bon, que l'on veuille bien pardonner ce double accès de colère et de mauvaise foi, mais lorsque l'on voit ce que sont capables de générer les co-fondateurs du thrash metal, on se dit que leur prestation aurait mérité de durer un peu plus longtemps. Se présentant sur scène sans leur leader Gary Holt, resté au pays terminer l'enregistrement du prochain Slayer et remplacé par Kragen Lum, le second guitariste de Heathen – le premier, Lee Altus, étant déjà intégré au groupe – le quintet affiche une forme et une sérénité qui font plaisir à voir. Steve Souza, l'éternel chanteur intérimaire, sermonne d'emblée les acharnés du circle pit : « de la violence d'accord, mais en toute fraternité : relevez vos camarades, bandes de petits sacripants ! » C'est que des mouvements de foule, ce n'est pas ce qui va manquer durant la performance d'Exodus. Son puissant et agressif, précision et vitesse d'exécution : avec un cocktail aussi explosif et des morceaux truffés d'accélérations, le gang américain n'a guère de mal à déclencher de torrides corps-à-corps dans la poussière. Les extraits du dernier enregistrement, bien que décidément trop longs, se bonifient sur scène – le refrain de "Body Harvest" est assez dévastateur dans ce contexte – tandis que les classiques achèvent l'assistance, avec un monstrueux et supersonique "Strike of the Beast" en point d'orgue. Côté musiciens, on retiendra l'excellente cohésion du collectif – Holt n'est pas là, ah bon ? - ainsi qu'un Souza en pleine bourre dont les hurlements suraigus filent la chair de poule. Et en plus, l'imposant et superbe backdrop inspiré de la pochette du dernier album ridiculise la concurrence. Un sans-faute.
On retourne ensuite à la Valley, et dans la famille « Wilmington, Caroline du Nord, USA, fracasse la Valley », je voudrais maintenant le deuxième frère consanguin (pour le premier, rdv sur la page de reports du samedi), le très vilain petit canard de la famille, j'ai nommé l’inénarrable Weedeater (Valley - 15h50). Il est vrai que les Américains sont vraiment l’image d’Epinal typique du hillbilly « ‘muricaaahhh fuck yeah », mais cela ne les empêche aucunement pour autant de proposer un set absolument génial, bardé de tubes d’une lourdeur absolue et d’un groove massif, emmené par une voix dégueulasse qui change un peu des canons du genre (et c’est tant mieux) et un batteur qui propose un show dantesque à lui tout seul. Les poutres doom psyché enfumées s’enchaînent entre les « we ‘ppreciate y’a’ll » et les « cheeerrrs fuckers, whiskey ! » du chanteur bassiste complètement allumé, et tout le monde passe un très bon moment, qui s’achève par un "Weed Monkey" dantesque, issu du premier album des américains (God Luck & Good Speed) et lancé par un mémorable « this last song’s about weed and monkey. It’s called Weed Monkey! » qui nous aura beaucoup fait marrer. Définitivement un bon moment. Quelques groupes plus tard, chaleur, fatigue, lendemain de cuite et sieste aidant ... Les Allemands de Morgoth (Altar - 17h30) sont de retour en 2015 avec un nouvel album et viennent le défendre devant leur public. Au programme, du bon vieux death metal à l’ancienne, pas étonnant quand on sait que le groupe est né à la fin des années 80. Une prestation de bonne qualité, mais qui manque un poil d’originalité, la faute à un death metal peut-être trop classique, et trop « à l’ancienne », du coup. La faute sans doute aussi à la journée qui avance doucement mais sûrement, au gré des concerts, toujours sous une chaleur étouffante et éprouvante.
Retour sur les mainstages pour constater qu'à l’instar d’un Max Cavalera ou d’un Phil Anselmo qui rendent visite au Hellfest tous les ans avec des groupes différents, le légendaire Danny Lilker nous rend visite cette année avec Nuclear Assault (MS2 - 17h40) - l’année dernière c’était en mode Brutal Truth - . Mais que reste-t-il de nos thrashers historiques en ce début de fin d’après midi ? La fosse est clairsemée, mais le public présent est tout dédié au groupe qui va jouer chichement ses compos naviguant entre thrash et hardcocre punk as fuck, pour le plaisir poussiéreux de circles pit allant crescendo tout au long du set. Le plaisir semble surtout nostalgique pour une bonne part du public, le reste étant surtout venu pour du riff acéré en forme de gros alibi au pétage de plombs généralisé : on danse les uns contre les autres, on court les uns après les autres, on ne se déteste pas, on aime Nuclear Assault, que la disco soit ou non maîtrisée. Seule leur programmation sur la Mainstage peut interroger, puisqu’un Onslgauht, dans le même registre et programmé sur l'Altar a pu, en configuration moindre, mieux s’exprimer sur son set. La question se pose moins pour un Connelly remonté comme pas deux et gueulant comme à ses vingt ans sur toutes les chansons dont un bon "Critical Mass" et un très beau final sur "Trail of Tears" que pour le reste du groupe, qu'on sent un peu fatigué (chaleur ?) bien que volontaire. Agréable en trois quart d’heure quoi qu'il en soit, et chacun remporte avec soi un peu d’histoire du genre en souvenir.
Toujours sur les mainstages et en cohérence avec ce qui vient d'être dit plus haut, il est clair que quand Max ne passe pas au Hellfest avec un groupe, il y passe avec un autre. 2015 a pour sa part retenu Cavalera Conspiracy (MS1 - 18h35) pour ce chaud début de dernière soirée. La Mainstage est évidemment pleine et tout le monde attend, non seulement Max, mais également Igor et son jeu de batterie puissant. Tout est d’ailleurs dit, la grande majorité du public est venue écouter du Sepultura. Et même si le dernier Cavalera Conspiracy était violent et plutôt pas mal, personne ne se trompe sur les envies musicales du festivalier. Les frangins l’ont bien compris puisque le groupe va égrainer les grosses tueries sépulturiennes, faisant sauter la fosse et créant de réguliers cratères de mosh pit un peu partout et jusqu’au sous bois. Il faut dire que des titres comme "Refuse/Resist", "Territory" ou un puissant trio de Beneath the Remains ("Beneath the Remains" / "Desperate Cry" / "Dead Embryonic Cells" ) font toujours le même effet implacable. La setlist est d’ailleurs très maligne puisqu'elle glissera également du Nailbomb et les deux ou trois singles de Cavalera Conspiracy. On finira sur un traditionnel "Roots" sans surprise, si ce n’est la coupure son machiavélique qui égratigne cette fois les Brésiliens (son plan, après s’être attaqué aux Australiens la veille, prévoira aussi une attaque contre des Allemands plus tard en soirée). Bref, on aurait pu appeler ce set le best of Cavalera sans que personne ne s'en offuque.
Retour à la Warzone avec une programmation pour le moins étonnante au Hellfest : Les Wampas (Warzone - 18h35), soit un spectacle susceptible de plaire aux petits et aux grands, bon enfant, déconnant, mais jamais vulgaire. Les chansons ne sont pas ébouriffantes d'inventivité et valent surtout par leurs textes caustiques : en résumé, du punk pas menaçant et rigolo. À vrai dire, la principale, pour ne pas dire unique attraction du groupe, c'est son chanteur, Didier Wampas. Faire le show, et accessoirement l'andouille, semblent être une seconde nature chez lui – voire la première – et il n'aura de cesse durant tout le concert d'arpenter les alentours d'une scène trop étroite pour lui, passant au final plus de temps dans la fosse et dans le public. Lancés en permanence à ses trousses pour rafistoler le décor et surtout assurer une longueur de fil suffisante pour le micro, les techniciens suscitent une admiration amusée, donnant l'impression de rejouer les fameuses scènes de poursuite accélérées de Benny Hill. De fait, Didier Wampas est un vrai dingue. Parmi ses nombreux voyages dans la foule, l'un d'entre eux s'effectue sur une chaise portée à bout de bras par de courageux volontaires durant "Les Bottes Rouges" où il incarne un enfant de cinq ans. Un autre consiste en une longue étreinte avec un membre féminin de l'assistance, celle-ci véhiculant de paumes en paumes le couple improvisé jusqu'aux barrières tandis que Didier chante la ballade "Julie London". Dans la catégorie des interludes hilarants – il y en a eu plusieurs - signalons l'interrogatoire d'une fillette que le titulaire du micro fait monter sur scène en lui promettant une poupée offerte par ses parents en cas de bonne réponse : la petite Kenza, six ans et demi, ne se démonte pas, même quand elle est sommée de répéter le nom incompréhensible de sa commune dont Wampas affirme bien connaître la boulangerie près de l'église. Quant au répertoire, le public retrouve la plupart des tubes du groupe, "Manu Chao" et son refrain fédérateur en tête. Et si "Chirac en Prison" manque à l'appel, "Rimini" est bien de la partie – la chanson évoquant le suicide du coureur cycliste Marco Pantani étant dédicacée « au futur vainqueur du Tour de France ». Bref, cinquante minutes de bordel, de mauvais esprit et de marrade, dynamitées par un type qui chante « C'est pas moi qui suis trop vieux, votre musique c'est vraiment de la merde ! ». Bravo et merci, le punk.
Changement de décor avec un retour aux tentes mais ambiance tout aussi festive en vue, moussaillons avinés : on a déjà dit que les groupes de folk metal avaient fait chapiteau comble à chaque apparition, et même s’ils officient dans un style assez WTF qualifié de « pirate metal », les Écossais d’
Alestorm (Temple - 18h45) ne vont pas déroger à la règle. C’est une véritable marée humaine, bouillante, déguisée et pressée d’en découdre qui attend ses pirates préférés, armée de drapeaux, de requins gonflables, et autres joyeusetés. Le public est acquis à la cause du groupe puisqu’il explose dès son apparition, après une courte introduction. Hop, un fan qui surfe sur la foule. Hop, un deuxième. Hop, un troi… Mais combien sont-ils ? La folie s’empare de la fosse, les crowdsurfers se multiplient comme par magie, au gré des hymnes ultra accrocheurs repris en chœur par une foule ivre de bonheur et de bière. Le son est excellent, les morceaux s’enchaînent, les navigateurs humains aussi, le chapiteau est chauffé à blanc. Le capitaine pirate multiplie les blagues à l’attention de ses fans déchaînés, et atteint son succès maximum lors de l’introduction de "Drink" » qui viendra, avec "Rum", conclure une prestation complètement démente et de grande qualité, à tous les niveaux. Suite à ces émotions et dans un registre nettement moins rigolard (à moins d'avoir un sens de l'humour un brin douteux et résolument porté sur la viande humaine),
Cannibal Corpse prend le relais et ne va pas non plus se faire prier pour exploser l'Altar (live-report
ici)
Juste à côté, sous la Valley, l'ambiance est toute autre : issu de la vague hardcore « alternative » de la fin 80’s-début 90’s (Type O Negative, Carnivore, etc.),
Life Of Agony (Valley - 19h30) a toujours été un groupe à part. Leur venue au Hellfest après plus de dix ans loin de la France était donc déjà un joli événement en soi, et c’était sans compter sur la sur-motivation de la bande à Mina Caputo (anciennement Keith Caputo) et de leurs fans hardcore venus nombreux (ça chantait les paroles par cœur dans tous les coins et des gens semblaient véritablement en transe). Un vrai grand moment de communion entre un groupe qui semblait retrouver son public pour la première fois depuis longtemps et une Valley très vite conquise par la flopée de tubes déployée par les Américains. Mina est intenable, sa voix est toujours aussi fabuleuse, et elle passera même deux ou trois morceaux à chanter dans la fosse en plein pit. Le reste de son groupe affiche un sourire radieux et déploie lui aussi une énergie au diapason de ses compos, nettement plus nerveuses et accrocheuses en live que sur album, où ce groupe a toujours été un peu « tout pour la voix ». Bref une vraie claque, d’autant plus appréciable qu’assez inattendue. Nouveau changement d'ambiance radical avec
Samael (Temple - 20h30) qui vient officier sous le Temple en ce début de soirée pour délivrer l’intégralité de l’un de ses albums les plus connus et les plus anciens,
Ceremony Of Opposites. Les Suisses, menés par les frères Vorph (guitariste) et Xy (batterie et claviers) ont, pour l’occasion, modernisé les compositions, leur donnant un côté « indus » présent dans la musique du groupe depuis de nombreuses années maintenant, et l’effet est plutôt réussi. Cependant, le spectateur attentif repèrera rapidement que Xy est calé derrière des claviers accompagnés de quelques cymbales, la majeure partie des lignes de batterie étant donc affectée à une boîte à rythme... Le semi-playback en concert de métal, pas top : première déception. Ensuite, la prestation sera un peu trop calme, trop carrée, les rythmiques martiales omniprésentes sont un peu trop uniformes, et lasseront quelque peu au fil du set. Malgré tout, le groupe fera le boulot de manière très, peut-être trop, sérieuse, on ne peut pas lui enlever ses qualités. La fatigue aidant, on ne pourra s’empêcher d’être déçu par ce concert un peu froid malgré la motivation évidente du quatuor, et d’attendre la suite avec impatience…
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La suite est là, et, hélas, la conclusion est bientôt là aussi. Mais avant ce funeste moment,
At the Gates (Altar - 21h35) (report
ici) vient en découdre. De même, quelques heures avant la clôture, ce sont les Suédois de
In Flames, leaders de la scène death mélodique à l'aura indéniable malgré des derniers albums décriés, qui auront l’honneur d’être l’antépénultième groupe à officier sur les Mainstages (MS2 - 22h05) (Live-report
ici). La fin du festival approche (déjà) à trop grands pas, mais il n’était pas question de se barrer de là sans avoir présenté nos respects à l’immense Tom G. « Warrior » Fischer (fondateur de Celtic Frost, pour ceux du fonds qui dorment). Et grand bien nous en a pris car la seconde incarnation de Fischer est une sacrée machine de guerre. Déjà impressionnant sur album (deux tueries, fans de noirceur de tous bords jetez-vous dessus),
Triptykon (Temple - 22h40) s’avère être en live un véritable rouleau compresseur : ultra carré, d’une lourdeur absolue, la bande à Tom G propose une sorte de gros doom blackisant finalement aussi direct qu’original et surtout, extrêmement efficace en live. Ajoutez à cela quelques massives tueries comme "Goetia" et vous obtenez un bon gros concert bien massif pour vous achever. Achevés ? Pas tout à fait… Car il n’était pas question de rater le passage des légendaires (du moins pour tout fan de la scène de NOLA qui se respecte)
Superjoint Ritual (Valley - 23h45) (Live-report
ici), qui donnaient au Hellfest, tenez-vous bien, rien de moins que leur tout premier concert hors des USA. Et on ne pouvait décemment pas rater ça, même si pour certains il fallait plutôt rejoindre une dernière fois l'Altar et ne pas manquer le set de
Arch Enemy (Altar - 23h45) (Live-report
ici). Pour d'autres et pour conclure cette dixième édition, il fallait miser sur
Nightwish (MS2 - 00h30). Pas si étonnant quand on connaît la renommée du groupe et ses qualités en live, notamment depuis l’arrivée de Floor Jansen au poste de chanteuse. Quoi de mieux pour terminer ces trois jours de folie musicale qu’un bon gros show de metal symphonique ? (live-report
ici)
Et voilà...Merde. C’est déjà fini. Le festival nous laisse et nous laissons le festival. Le désormais célèbre Jet Lag du hellfest nous attend pour ces prochains jours, trainant sa cohorte douce-amère de mélancolie et de nostalgie . L’organisation, meilleure d’année en année, n’aura montré aucune fausse note ou presque, même le nouveau moyen de paiement, s’il a créé de longue file d’attente par moments, a trouvé son rythme ; les nouvelles structures Altar, Temple et Valley ont permis d’accueillir encore plus de monde et de proposer de ce fait des concerts énormes à des groupes qui n'y sont pas forcément tous habitués. Seule la Warzone, victime de son succés, aura connu de gros embouteillages, comme tous les ans depuis des années maintenant. Allez, stop pour les remarques ! On n’a qu’une fois dix ans, alors souhaitons encore une fois un sincère et reconnaissant joyeux anniversaire au Hellfest ! Et alors que Ben Barbaud et son équipe travaillent déjà depuis plusieurs semaines sur l’édition XI , les rumeurs vont bon train, parlant déjà d’un Metallica ou d’un Blackmore rejouant son divin hard rock, ou encore de vente uniquement de pass trois jours ; le web grossit de gigas de vidéos et de photos nourrissant et gravant à jamais pour beaucoup de nouveaux souvenirs éternels. Thank you ! Goodnight, see you next year Motherfuckers !
PS- et que ceux qui se plaignent que le festival soit devenu trop gros, trop "disneyland des métalleux", trop que-sais-je, se taisent à jamais ! Vous n'avez pas la moindre idée de la chance que nous avons, toutes et tous, d'avoir chez nous ce merveilleux rendez-vous désormais connu et respecté dans le monde entier. Que ceux là se rappellent l'édition 2008 qui failli bien sonner le glas du festival et se réjouissent du chemin immense parcouru depuis, plutôt que de poser leur pêche aigrie et éternellement insatisfaite dans la soupe de la grande famille des musiques extrêmes.
A l'année prochaine, sans faute.
S1phonique, Silverbard, Sven, Merci-Foule-Fête, Dimebag, et toute la team des Eternoz.