Motocultor 2016


Motocultor

UN REPORTAGE DE...




SOMMAIRE

Jour 1 : 19 août 2016
Jour 2 : 20 août 2016
Jour 3 : 21 août 2016

REPORTS DU JOUR



GALLERY

Album photo du festival pour Les Eternels webzine :
Das Silverfoto

Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.

Un grand merci à Tabris pour ses photos complémentaires !

 


Jour 2 :20 août 2016



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ATLANTIS CHRONICLES -12h45 - Dave Mustage

Après une courte nuitée de sommeil et quelques joyeusetés estivales pour les plus matinaux, nous voici à nouveaux jetés sur le site de Kerboulard pour une seconde journée de réjouissances placées sous les faveurs d'Hélios (Ndlr : le dieu solaire, non point le groupe de black/death mélodique de notre cher Lucificum). La Bretagne est un beau pays où il fait soleil plusieurs fois par jour ! Et pour rester sous les auspices divins, nous rejoignons Poséidon et la Dave Mustage pour le set d'Atlantis Chronicles. Le back drop annonce d'emblée la mesure : le combo vient assurer la promo de son dernier né, Barton's Odyssey, un concept album tourné vers l'univers d'Otis Barton et le mythe de l'Atlantide. Le son choisi est quant à lui un intime mélange de brutalité et de technicité, comprendre un thrash/deathcore très proche de Sylosis et légèrement teinté de djent. Plongée vingt mille lieux sous les décibels garantie. La section rythmique nous frappe comme une lame de fond et l'on jouit de sa fureur. Le chant du lead, brutal, parfois appuyé par un backing de tout aussi bonne facture, n'a de cesse de soutenir cette déferlante avec succès. L'ensemble n'est cependant pas exempt de mélodies. Bien au contraire. Les cordistes font ainsi merveille et offrent par leurs harmoniques une grande éloquence à l'ensemble - l'un des deux guitaristes exécute la quasi intégralité de ses solos en tapping, très fort. Entrecoupées de samples offrant quelques instants de respirations, voire de contemplation bienvenue dans un corpus par ailleurs très homogène, les compositions s'égrènent agréablement et révèlent progressivement leur complexité. Au fil de la prestation, on se sent progressivement possédé par l'atmosphère captivante brossée par ces arrangements soignés et percutants, la fosse quant à elle explose en circle-pits et on en vient à regretter que ces quarante minutes touchent déjà à leur fin. Une plaisante manière de débuter sur les chapeaux de roues cette seconde journée.

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REGARDE LES HOMMES TOMBER - 13h35 - Massey Ferguscène

Pour certains d'entre nous, il y a maintenant de la fébrilité dans l'air. L'heure n'est point à la messe proprement dite, mais à la colère des dieux : la voix de Regarde les Hommes Tomber éclate en effet sur la Massey Ferguscène. Attendus de pied ferme pour leur second passage au Motocultor, et forts d'un Exile ayant démontré une évolution réussie sans perte d'identité, les attentes pesant sur nos artistes ne sont pas toutes minces. La rage, l'amertume, la fulgurance qui teintent les deux superbes albums de la section nantaise ont bien fait leur chemin dans nos veines et nous ne pouvions qu'être avides de les retrouver enfin, dans l'espoir de sentir déferler sur nous toute la noirceur de leur post-hardcore finement affûté, rêvant d'une tempête sournoise et d'un paroxysme de feu. Le souhait est-il exaucé ? Si pour certains, la prestation ne se révèle pas à la hauteur de sets passés (Ndrl : les balances sont un souci parfois délicat sur le site, nous l'avons déjà dit et le dirons encore !) pour d'autres, le seul plaisir d'être là l'emporte. Quelque soit le parti pris, soulignons que l'atmosphère dépeinte sur album est bel et bien présente : cette note éminemment dramatique propre à cette musique fend l'air ambiant, plombe les jambes, noue le ventre et clôt les yeux. La foule entre aisément en transe et oubliera sans doute bien volontiers les détails techniques pour se plonger tout à loisir dans le feu noir qu'allument nos artistes. Si de manière attendue, le concert débute sur Exile, la part belle sera faite au premier né. Et lorsque s'élèvera un "Ov Flames, Flesh and Sins", certains ne pourront maîtriser ni le frémissement de leur chair, ni les mouvements délirants et passionnés de leur tête. La volonté de conduire un sans-faute est manifeste et si tant est que le groupe rencontre quelques écueils sur ce set, on les occulte sans peine. La prestation est belle, puissante et habitée, c'est tout ce qui importe. … Belle, puissante et habitée, certes. Tout de même, il faut un apporter un bémol, un point de pinaillage. Le set, quoique parfaitement maîtrisé, manque d'ombre et de lumières. Il manque d'ombre : la musique apocalyptique de la formation n'est jamais aussi bonne que dans une ambiance nocturne, que le chapiteau de la Massey Ferguscene – si apprécié – ne parvient pas à retranscrire comme le ferait une salle traditionnelle. Le set manque également de lumières, pendant logique de l'ombre évoquée plus haut. Les personnes ayant pu voir le groupe en salle le savent bien : le set, musicalement au point, est également et surtout d'une efficacité visuelle dingue, absolument dingue, notamment en raison de jeux de lumières sans concessions au cours desquels les blancs-flashés-stroboscopiques enchaînent les nappes de rouge sang dans une perfection de fin du monde qui participe de la pleine réussite du show. Pour ces simples raisons, l'amateur éclairé du groupe n'aura pas retrouvé l'intensité ultime de celui-ci. Définitivement un groupe à voir toutefois (ce n'est pas bien dur : il tourne et routourne en permanence), si possible, en ombre et en lumières.

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FANGE - 15h10 - Massey Ferguscène

Fange a peut-être composé des morceaux - parler de chansons est de toute façon hors sujet - mais il est bien difficile de s'en rendre compte. Seule indication allant en ce sens, les quelques secondes de non-musique, ou plutôt de non-bruit qui surgissent de temps à autres telles des manifestations de clémence envers une assistance qui en prend plein la gueule pendant près de trois quarts d'heure. Au programme, un mélange de black sludge supra lourd et hyper grave, performance d'autant plus remarquable que le collectif rennais évolue sans bassiste. En lieu et place, le bidouilleur angevin Jean-Baptiste Lévêque martyrise de la paume et du poing une pédale d'effet manifestement bricolée ainsi qu'une console dont on serait curieux de savoir s'il en use avec la même rudesse auprès de ses stagiaires des Ateliers de Création Sonore. Dès lors s'installe rapidement l'impression d'assister à une sorte de happening d'art contemporain option bruitiste - les larsens étant manifestement déclenchés par les machines - auquel guitare et batterie servent essentiellement de caution rock. Le chant est conjointement assuré par le susnommé ou plutôt surnommé Jyb et Matthias Jungbluth, par ailleurs patron de l'estimé label Throatruiner qui publie le groupe de même que Cowards et Plebeian Grandstand. Malheureusement, le premier de ces messieurs est inaudible une bonne moitié du set alors que le chant du second, constitué d'éructations aussi stridentes que spasmodiques, peine à s'extraire de la gangue sonore sur laquelle il se meut, mi pantin désarticulé - mi fauve en cage, exhibant ses impressionnants tatouages après avoir prestement ôté son T-shirt Prurient (un des chefs de file de la musique bruitiste, justement). On ne pourra pas lui reprocher de ne pas faire le show, allant même jusqu'à ingurgiter son micro, mais lorsque la matière sonore semble ravalée au rang de prétexte, il devient difficile d'adhérer à une prestation qui fait surtout songer à un ersatz de celles que proposent habituellement Amenra. Il y a pire influence, mais comme souvent, l'original vaut mieux que la copie.

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HYPNO5E – 16h50 – Massey Ferguscene

Festivaliers lambda que nous sommes, c'est avec honte qu'il nous faut avouer un fait entouré d'un halo de peine : nous ne connaissons pas tout sur tout, et nos lacunes sont nombreuses et le seront probablement toujours. Aussi Hypno5e est un nom qui n'évoque parfois pas grand chose d'autre que : barré, français. Pourtant, l'inconnu n'est pas une raison pour rester au camping (la découverte de formations de qualités est l'un des énoooooorme attraits du Motocultor, et ceci tout particulièrement sur cette édition, un peu plus obscure que d'habitude en termes de programmation). C'est donc bien devant que nous découvrons ce mystérieux groupe et... (suspense) quelle baffe ! Une baffe de présence et de classe, les musiciens sont tous bien installés sur leur position, prêts à nous raconter leur histoire. Mais la baffe est musicale avant-tout. Et si de musique barrée il n'est pas véritablement question, l'alternance de passages calmes et aériens se crêpant le chignon à d'autres, présentant des syncopes à la limite du djent, puissantes et assurément extrêmes, est une vague en flux et reflux qui submerge l'assemblée. Le tout un peu trop ponctué de spoken-word pré-enregistrées toutefois. Les lumières suivent l'ensemble et se font tour à tour douces et stroboscopiques lors des passages les plus violents. La foule réagit au quart de tour à cette musique pourtant si complexe. L'ensemble, pour qui découvre Hypno5e ce jour, peut sembler un peu dense. Ce n'est rien face à l'excellente surprise musicale et scénique que constitue le set de la formation, dont plus d'un se sera entiché à l'occasion de ce festival. L'un des meilleurs sets de ces trois jours de folie : rien de moins, s'il-vous-plait.

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SORDID SHIP - 17h40 - Dave Mustage

Les Lorientais de Sordid Ship ont la classe. Tout d'abord parce que les vainqueurs du Tremplin Bretagne/ Loire Atlantique qui s'est tenu à Rennes en avril dernier tiennent à citer les finalistes malheureux qui, contrairement à eux, n'ont pas gagné le droit de se produire au festival cette année  : Duckhunters et TenvaL de Brest, Eliza Lane de Lorient ainsi que leur « coup de cœur » originaire de Nantes, Tina Turner Fraiseur – encore un groupe de grind core au nom génial. Et de les faire applaudir après avoir précisé qu'ils méritaient tous de jouer au Motocultor. Mais les Bretons du Sud ne sont pas seulement affables. Copieusement tatoués et vêtus de chemises hawaïennes, dont certaines patchées, ils savent faire preuve de générosité en balançant au public plusieurs jouets de plage dont un ballon et un requin gonflables - de quoi amuser petits et grands. Le chanteur, nettement moins offensif et sans doute aussi un peu moins à l'aise que la plupart des autres frontmen, fait preuve d'une rafraîchissante désinvolture qui contraste avec les exhortations parfois un peu surjouées de ses confrères metalleux. Le décalage est accentué par la musique proposée par le quatuor, un surf punk « vaguement » hardcore qui se résume en une enfilade de morceaux d'une minute trente exécutés à allure soutenue. Bien qu'il ne soit pas question ici d'incommensurable puissance sonore, ce qui sort des enceintes se révèle plutôt bien équilibré de sorte que les Morbihannais peuvent s'adonner à leurs délires et satisfaire un auditoire dont la grande majorité des membres n'avait sans doute jamais entendu parler d'eux. Uniformité musicale et ambiance sympathique : du punk, quoi.

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GOROD - 19h25 - Dave Mustage

Un an après la sortie de son dernier opus A Maze of Recycled Creeds, Gorod continue d'écumer les routes de France et de Navarre de façon plus ou moins sporadique depuis le début 2016, mais toujours avec la même fougue. En témoigne cette prestation grandiose au Motocultor qu'on hissera facilement parmi nos coups de cœur du week-end ! Bénéficiant d'un set confortable, les Bordelais nous offrent un best-of de leur presque vingt ans de carrière (eh oui quand même !), des débuts aussi frontaux que rythmiquement fous de "Harmony in Torture", aux derniers titres en date comme "Celestial Nature" ou "Inner Alchemy", toujours autant emportés techniquement mais aussi plus subtils et mélodiques. Cette qualité d'écriture n'échappe pas au public breton bien au fait de la discographie du groupe après un passage remarqué il y a trois ans. La fosse en délire honore avec fierté nationale le set de slams et mosh-pit incessants. Gorod, survolté, se nourrit de son côté de ce répondant pour livrer le meilleur de lui-même. Un set pachydermique, abrasif et surtout grandiose !

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MAYHEM – 21h20 – Dave Mustage

Mayhem. De Mysteriis Dom Sathanas. Concert intégral. La messe est dite et, très franchement, c'est la classe. Et clairement une grosse attente du festival. Le chapiteau (bonneidéebonneidéebonneidée) apporte un peu de noirceur à l'ensemble. Le concert en question impose le respect par sa mise en scène : bougies, lumières froides, tuniques et capuches... Les visages se cachent. Une musique de Nazgul. Certes, le show est un peu brouillon, old-skül-black-metal oblige ! Les mauvaises langues diront : « sans les bougies et les capuches, il ne reste rien ». Mais quelle idée de regarder un film sans l'image ? Mayhem en live, c'est une cérémonie, un retour aux sources de notre Art Noir, quelque part en Norvège, quelques décennies plus tôt. Mayhem est devenu une institution et se comporte comme tel : froidement, efficacement. Batushka, suit d'ailleurs, à l'occasion de ce même festival, avec fierté les principes établis par la bête Mayhem. Un concert tout en ambiance dans lequel il aura fallu rentrer, sous peine, et cela se conçoit sans mal, de rester loin derrière, l’œil narquois et moqueur.

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CULT OF LUNA - 22h20 - Massey Ferguscène

Oubliez la lumière qui a pu vous cramer les yeux tout le jour durant. Il est 22h20, la nuit est tombée et un voile de brume froide se lève soudain sur scène. Ne cherchez point à trop distinguer les êtres, vos pupilles sont trop abîmées et vous ne verrez de toute évidence que des silhouettes noires se découper dans un halo teinté de bleu. Et si tant est que vous parveniez à focaliser sur une forme, les éclats stroboscopiques viendront ruiner cet effort vain. Oubliez, donc ! La lumière et l'ombre chez Cult of Luna ne sont pas déployées pour faciliter le dessin des visages, mais sont justement traitées pour appuyer avec sens une musique qui conduit au transport. Il n'y a que des ondes dans l'air, des souffles, puis de l'électricité. La longue plage de "Vicarius Redemption" nous prend par la main d'entrée de jeu, comme une longue invite à l'oubli et ce n'est que passé cette étrange torpeur dans laquelle Cult of Luna sait plonger son auditoire qu'un - ardemment désiré - "I the Weapon" vient soudain brutalement nous assaillir. Le set, quatre titres seulement compte tenu du contexte festivalier, s'articule autour de Vertikal, et ne peut qu'illustrer merveilleusement tout le savoir-faire de nos musiciens à nous transporter dans un univers à part, proprement halluciné. Les musiciens délivrent leur art avec célérité et nul impair ne se ressent dans leur jeu. Quant à la voix, écorchée et rageuse, elle ne trahit pas les attentes. Mais le plaisir de ce concert est cependant entamé, une fois encore par un équilibrage laborieux, guitares et voix se faisant parfois à peine entendre, cet écueil gâtant par instants le pouvoir d'immersion de la musique. On dépassera cette critique pour ne retenir que la virtuosité déployée par les artistes et saluer - s'il s'en faut - leur capacité à créer un univers hors du temps où l'on se complaît dans un état de transe mélancolique assez unique.

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NEUROSIS - 23h15 - Dave Mustage

Encore troublés par le set de Cult of Luna, nous pivotons sur nos pieds et avançons, d'un pas incertain, vers la scène tout à côté. Le fils a quitté les lieux, le père prend sa place sur scène. N'est-il pas après tout LA source d'inspiration de nombreux groupes de postcore tels que celui qui vient juste de se produire devant nous ? On ne pouvait rêver transition plus parfaite. Neurosis. Souffrance et tristesse. Pour qui se souvient que la mélancolie et la tristesse sont les sentiments qui offrent le contraste à la beauté et la portent à elles seules vers sa place, au-dessus de tout. Vous le connaissez n'est ce pas ? Ce mur massif dans lequel vous avez si souvent envie de vous jeter, pétris autant du délices que de douleurs, inquiets peut-être d'une forme de masochisme émotionnel que vous ne savez pas bien maîtriser ou que vous voulez retenir. C'est celui dépeint par Neurosis avec puissance. Difficile en vérité de vous narrer ce set où l'on se laisse une fois encore emporter dans un songe fiévreux et où la pesanteur de la musique n'est là que pour être le dessin de tout ce qui nous serre les tripes. Pour comprendre, peut-être suffirait-il un instant d'ouvrir vos yeux imaginairement sur la fosse et d'observer les visages, fascinés par la scène ou emportés intérieurement dans leur propre ferveur.

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SOILWORK – 00h20 – Supositor Stage

Un peu plus loin, loin, loin derrière le monde éteint de Neurosis, là, quelqu'un part dans la forêt, un lutin ! Non... pas un lutin : Soilwork ! - Étonnante scène que cette petite Supositor Stage qui semble si frêle pour accueillir un groupe à la stature de Soilwork. Bjorn le note en début de set et – au moins publiquement, mais tout laisse à croire que cela soit une pensée réelle et sincère – se réjouit de la petitesse de ladite scène. Il faut dire que Soilwork est en état de grâce, dernièrement, et qu'une proximité avec le public n'est pas un grand risque. De même qu'assister à un show de Soilwork n'est pas un grand risque pour le public, sûr de repartir satisfait. Car pour cette soirée, le contrat est largement rempli. Si l'on regrette l'absence de Dirk Verbeuren derrière les fûts, parti officier chez Megadeth et remplacé par un jeunot ma foi tout à fait sympathique, le reste de la formation assure au quintuple, de cette grande asperge joviale de bassiste bondissant (un plaisir à suivre du regard !) au guitariste le plus badass du festival, tout de perfecto vêtu, en passant par un frontman au top de son chant. Niveau setlist, du vieux et pas mal de moins vieux, ce qui n'est pas pour déplaire au public. "Death in General" cartonne. "Bastard Chains" tout pareil. Pas de querelle : égalité entre les anciens et les modernes. Un set excellent, qui aura pour seul défaut d'être joué en même temps qu'un set de Carpenter Brut, caution non-metal du festival qu'il aurait été préférable de faire jouer seul, et tard, afin de pouvoir rassasier tous les curieux. Les présents devant Soilwork n'auront toutefois aucun regret.

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AMENRA - 1h15 - Massey Ferguscène

Le fameux tripode brille devant moi. Blanc sur noir. Il me semble ne voir que lui déjà. Le reste disparaît progressivement de ma vue. Je ne suis plus qu'attente fébrile. La brume alors s'élève sur la scène et mes yeux décident de se jouer de moi. Dans les volutes de fumée, la silhouette des trois corbeaux entrelacés semble se mouvoir tel un fantôme, une âme qui se serait détachée de son support physique et viendrait annoncer notre passage vers un étrange univers, éthéré et abîmé, gracieux et tortueux. Amenra se présente alors devant nous. Sa musique a simplement sur moi le pouvoir des plus puissants opiacés et je n'avais qu'une hâte en franchissant le seuil du festival : en jouir. "The Pain. It Is Shapeless. We Are Your Shapeless Pain." introduit l'instant. Mes mains ont alors beau crocheter l'appareil photo qui ne me quitte pour ainsi dire jamais, appuyer sur le déclencheur comme mues par réflexe, mon esprit lui, est déjà ailleurs, délaissant rapidement l'objet et tout désir de fixer l'instant de manière matérielle. Ainsi les images saisies par automatisme seront floues. Je m'étais promise cette fois-ci de garder les yeux ouverts pour mirer la représentation, observer tout à loisir l'énergie déployée pour nous, les désarticulations chargées de sens de Colin Van Heeckhout, être témoin de la transe folle qui habite Amenra lorsqu'il foule les planches, mais la magie opère trop bien et mes paupières ne résistent pas bien longtemps et se ferment. Et alors que "Razoreater" s'élève, des larmes d'émotion les traversent enfin. Je suis ici, maintenant et Amenra joue devant nous. Je peux entendre que pour certains ce set n'a pas la même couleur ou la même puissance que d'autres qui l'ont précédé. Mais bien des gens exigent toujours plus sans savoir savourer l'instant réel, présent. Quelle importance que le jeu soit trop court, que la setlist soit la même que la précédente et encore celle d'avant (Ndlr : croyez-vous que tout s'improvise aussi aisément ?). Non, tout ceci n'a bien aucune importance. Je ressens pleinement l'intensité de l'instant. Et alors que les crissements introductifs de l'attendu "Boden" s'élèvent, je perds pied et plonge là où seul Amenra sait m'emporter. Au plus profond de moi même, là où personne ne peut me trouver. La batterie devient mon pouls, les cordes sont les frissons qui me parcourent l'échine, la voix mon propre cri intérieur, l'ensemble porte ma contemplation du monde. Il n'y a aucun défaut à la musique qui se joue pour nous ce soir. Il n'y a que des artistes de talent qui savent, par leur musique, entrer au cœur de l'émotion et en tirer quelque chose de puissant. Le temps ne se compte pas durant des prestations de cette qualité. Long car l'on apprend dans ces instants à savourer les choses, et bref cependant car on s'y perdrait volontiers encore des heures et des heures durant. "Silver Needle / Golden Nail" se pose donc comme point d'orgue. Je n'ai plus envie que de parler d'Art et de saluer humblement nos musiciens pour les prestations toujours singulières qu'ils nous offrent. La musique est passion, ne l'oublions pas. Laissons-nous troubler par elle.

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