Jour
2
:23 juillet 2022
En provenance de Stuttgart,
VANISH (11h45) a l'honneur de débuter la conséquente journée du samedi. Au menu : une demi-heure de power à l'allemande avec stridence vocale de rigueur. Le chant est juste, son titulaire en haut-de-forme (au début) et veste à patches blanche (à la fin) s'adresse au public avec humour, les six-cordistes se débrouillent bien et le rendu global est plutôt plaisant, à défaut d'être mémorable.
Les Canadiens de
STRIKER (12h35) apportent une bonne dose de fun avec leur heavy speed qui lui non plus ne respire pas la prise de risque mais a le don de vivifier le festivalier qui n'aurait pas encore tout à fait émergé. Le bassiste se positionne favorablement au challenge de grimaces, fort relevé ce weekend, pendant que l'un des guitaristes arbore une tenue et une coupe de cheveux qui font probablement suite à un pari raté. Tout ce beau monde enchaîne les déhanchés chorégraphiés par
Status Quo après s'être présenté sur le générique de
X-Files. Aucun problème à signaler si ce n'est une légère déficience sur le micro du bassiste, l'exécution est impeccable. Après trente-cinq minutes, le public déjà consistant se retire sous les tonnelles, visiblement satisfait.
Vivement acclamés par l'auditoire, les quatre membres de
KHORS (13h30) venus remplacer
Sulphur Aeon initialement prévu se présentent tout harnachés de noir malgré la chaleur pour délivrer leur black pagan tendance héroïque. Drapeau bleu et jaune noué sur sa guitare, le leader fait résonner sa voix saturée légèrement surmixée, au contraire d'une batterie discrète, une fois n'est pas coutume. Les guitares bourdonnantes tissent une mélopée lancinante jusqu'au dernier morceau, "My Cossack Way", dédié à l'armée ukrainienne. Un prestation à part, à tous points de vue.
Les Belges pas contents de
CARNATION (14h30) se sont substitués à leurs confrères suédois de
Demonical qui ont dû renoncer peu de temps avant le début du festival. Le visage couvert de carmin et de suie comme à son habitude, le chanteur Simon Duson livre une prestation intense, soutenu par ses solides compagnons dont un bassiste plus audible que la moyenne. L'impact du death vintage des Flamands génère le premier circle pit de la journée, juste récompense d'une robuste prestation.
Les
SUICIDAL ANGELS (15h40) débarquent devant le plus imposant (et éloquent) backdrop du festival sur un sample martial et grandiloquent avant de balancer un heavy thrash assez convenu. Celui-ci passe bien la rampe, cependant, grâce à une ardeur de tous les instants et un son puissant, dont bénéficie notamment le guitarise lead qui se fait avantageusement entendre. L'affaire finit par ronronner un peu mais c'est du solide.
LONG DISTANCE CALLING (17h10) dispose d'un peu plus d'une heure pour valoriser son post rock instrumental. Les Allemands bénéficient pour ce faire d'un excellent son, à la fois musclé et chaleureux. Moins démonstratifs que la plupart de leurs confrères ayant arpenté la scène du Baden in Blut, les quatre instrumentistes parviennent à accrocher l'auditoire, à qui ils proposent une sorte de version heavy de
Maybeshewill, autrement dit du rock qui plane à distance raisonnable au-dessus du bitume.
Les démons satanistes de
NECROPHOBIC (18h45) déboulent tout spandex dehors, mais il ne viendrait pas à l'esprit d'oser une comparaison avec
Steel Panther, en tout cas pas en tête à tête avec ces gaillards. Clous et corpse paints complètent la panoplie des Suédois, adeptes d'un black death dense envoyé à fond de train sous la férule de Joakim Sterner, l'impassible batteur et membre fondateur de la horde de Stockholm formée en 1989. On serait tenté de dire que les mecs ne rigolent pas, littéralement et musicalement, mais ce serait faire fi des mimiques d'Anders Strokirk, vocaliste aussi vitrifiant qu'expressif. Doté d'un son parfaitement équilibré, les Nordiques empilent les mandales sonores administrées avec style, notamment un terrible "Revelation 666", titre qui aura certainement résumé le sentiment des auditeurs découvrant la troupe féroce en ce samedi de juillet. On espère vivement que les rumeurs relatives à un arrêt de ses activités sont infondées.
Changement de tonalité avec le black épique de
PRIMORDIAL (20h20), emmené par le bavard, magnétique et très tatoué Alan Averill, aka A.A. Nemtheanga. Les guitares grésillent et moulinent des motifs s'étirant en longues compositions censées évoquer des épisodes historiques majoritairement tragiques et celtiques. Le mid tempo généralisé participe de l'ambiance souvent saisissante - "
The Coffin Ships", seule occurrence sur laquelle le chanteur n'en rajoute pas - autant que d'une tendance à la linéarité qui peut lasser en bout de course. Heureusement, la monotonie qui guette est rompue à la faveur de quelques accélérations comme l'alerte "
Traitors Gate" et des interventions habitées d'Averill, enguenillé, nœud coulant autour du cou, qui tape dans le jaja à plusieurs reprises tandis que ses comparses se montrent nettement plus statiques. Les fans de la section irlandaise, qui ont accueilli le frontman venu prendre un bain de foule sur le morceau de clôture, auront probablement apprécié la performance.
L'honneur de conclure les festivités revient à
SOILWORK (22h25), valeur bien établie du melodeath suédois... dont la formation de plus en plus internationale basée à Helsingborg s'éloigne un peu plus à chaque album. La prestation axée sur le bientôt avant-dernier LP,
Verkligheten, n'est pour autant entachée d'aucune espèce de mièvrerie, à moins de considérer de la sorte le chant clair maîtrisé par un impérial Björn Strid, habilement secondé derrière le micro par le providentiel Rasmus Ehrborn, promu récemment bassiste officiel après avoir longtemps dépanné en live. Malgré l'absence de David Andersson, principal artisan de l'orientation sophistiquée du collectif entamée il y a une dizaine d'années, ce dernier affiche une cohésion d'autant plus appréciable qu'elle s'accompagne d'un plaisir communicatif de jouer ensemble. Les sourires fusent, Strid déconne gentiment avec l'auditoire à propos de sa nouvelle tenue... ailée – son obsession pour les épaulettes customisées lui valant quelques taquineries pas forcément injustifiées. Son et exécution sont nickel, tout simplement, et c'est encore ça le plus important. Il faut dire qu'avec des instrumentistes pareils, tout est sécurisé à 100%, avec notamment un Bastian Thusgaard écœurant de facilité derrière sa batterie et un Sylvain Coudret d'une précision diabolique à la guitare lead. C'est le Nancéien qui annonce "Nous sommes la Guerre", dernier single en date extrait d'
Övergivenheten, le prochain long-jeu à paraître mi-août et dont la chanson-titre reçoit elle aussi un accueil chaleureux. Le sextet fondé il y a un quart de siècle n'est pas du genre à se reposer uniquement sur de vieux standards et propose notamment "Death Diviner", composition entêtante de la
Feverish Trinity figurant sur l'ambitieux EP
A Whisp of the Atlantic paru en 2020. Toutefois, les fans de la première et deuxième heure ont quelques exocets à se mettre entre les gencives - "Like the Average Stalker" et "Bastard Chain" issus d'
A Predator's Portrait (2001), "The Bringer" (
Natural Born Chaos de 2002), "The Crestfallen", "Nerve" et l'incontournable "
Stabbing the Drama" (2005). Outre "Nous Sommes la Guerre" déjà cité, ce sont pourtant les plus récents "Stålfågel" et "Witan" qui déclenchent l'émotion la plus palpable, séquences porteuses d'une mélancolie singulière devenue la nouvelle marque de fabrique d'un groupe en pleine réinvention.
Qu'il fait bon vivre un festival comme le Baden in Blut en 2022 ! Site propre et agréable, dimensions raisonnables, organisation pas loin d'être parfaite, des sets haletants, des découvertes, des confirmations brillantes, une tête d'affiche magistrale : voilà un weekend qui en appelle d'autres du côté du Tripoint helvético-franco-allemand !