Winter : Salut, quelques mots de présentation ?
Valérie : Salut. Je viens ici parler de Masca. C'est un roman imprégné de metal et de légendes locales qui se déroule dans la région lyonnaise.
Winter : Quand tu vois/ressens les paysages de ta région, y associes-tu de la musique ? Si oui, laquelle ?
Valérie : Oui, j'associe de la musique à beaucoup de choses en fait ! Mais pour les paysages en particulier, le Lac Bleu m'évoque l'album
Slovo d'
Arkona, surtout le morceau "Zakliatie". Parce que c'est ce que j'écoutais dans mon MP3 la première fois que j'y suis montée et que les échos de la voix guerrière de Masha se mêlent si bien au chant de la rivière et des arbres. Concernant les montagnes où se passe mon récit, les ruines du château, les montagnes du Bugey, ce serait plutôt
Vintersorg dont la musique est un hommage aux forces de la nature.
Winter : Peux-tu envisager de raconter une histoire sans y incorporer de la musique ?
Valérie : Je ne pense pas. Musique, poésie et écriture sont si liées en moi ! Je crois qu'elles se mêlent sans même que j'en sois consciente. Non, je crois qu'il y aura toujours un minimum de musique dans tout ce que je fais.
Winter : Qu’attends-tu d’un bon récit ? Qu’attends-tu d’un bon album ?
Valérie : Pour les deux, j'attends qu'ils me fassent vibrer, qu'ils résonnent dans mes entrailles. Plus concrètement, pour un bon récit, j'aime surtout être surprise je crois. Si je devine trop tôt où l'auteur souhaite nous emmener, je suis un peu déçue. Pour un bon album c'est plus difficile à dire. J'aime les groupes qui ont une identité propre, une personnalité, un son bien à eux et qui mettent de la sincérité dans ce qu'ils font. Certains albums ont un son dégueulasse, mais une telle authenticité, une telle beauté justement due aux imperfections, que tu ne peux qu'adhérer.
Winter : T’identifies-tu à Damien, Sabrina et/ou Célia ? Dans quelle mesure as-tu mis du tien dans Masca ?
Valérie : Je ne m'identifie à aucun de mes personnages. Ce que j'ai mis de moi dans Masca ce sont surtout mes convictions personnelles, mes sentiments, mon vécu, mais plutôt de manière implicite ou à travers les petits détails. Il y a plein de petits bouts de moi dedans, semés au fil des pages.
Winter : Peux-tu nous donner trois adjectifs pour qualifier ton récit ?
Valérie : Féministe, éperdu, schizophrène.
Winter : Quels sont les cinq albums que tu emporterais sur une île déserte ?
Valérie : Genre la question qui tue ! Paradise Lost- Medusa, Katatonia- The Fall Of Hearts, Rotting Christ- Lucifer Over Athens, Samael- Passage, Devin Townsend- Ocean Machine. Ce ne sont pas forcément mes albums préférés, mais je crois qu'à écouter pendant des mois de solitude, ce sont ceux qui m'aideraient le mieux à tenir !
Winter : Ce sont les faiblesses de Damien qui le rendent attachant, non ? Apprécies-tu que les hommes montrent leurs faiblesses ? Les femmes ? Toi ?
Valérie : Je ne saurais dire ce qui rend Damien attachant. Peut-être en effet le fait qu'il ne se ment pas et n'essaie pas d'être plus fort que ses capacités. Ce qui peut sembler une faiblesse pour une personne peut être au contraire perçu comme une qualité par une autre personne. La clé c'est surtout d'être vrai, je pense. C'est aussi un des thèmes intrinsèques de Masca: montrer certaines choses et en cacher d'autres. Dans la vie, on est parfois obligé de jouer des rôles, de dissimuler certaines facettes, de faire semblant. Alors quand on trouve des gens avec qui on peut être soi-même, pleinement, sans fard, c'est précieux. Donc oui, j'apprécie que les gens qui m'entourent montrent ce qu'ils sont vraiment, y compris ce qu'ils considèrent comme des faiblesses. C'est intéressant que tu sépares hommes et femmes dans ta question, cela montre bien que la société catégorise et attend certains stéréotypes des uns et des autres. Fuck les petites cases !
Winter : Aimes-tu Lyon ? Pourquoi ?
Valérie : J'aime Lyon pour sa beauté déjà. Certains quartiers sont juste sublimes ! J'aime les activités culturelles que certains Lyonnais développent. J'apprécie aussi sa taille, un peu moins impersonnelle que Paris. Et bien sûr j'aime des endroits en particulier: des bars, des coffee shops, des boutiques, des salles de concert, des musées, des endroits personnels où j'aime passer du temps.
Winter : Masca est un roman ancré dans le passé, non ? Te définis-tu comme nostalgique ? C’était mieux avant ?
Valérie : Oui, l'un des thèmes de Masca est les répercussions que le passé peut avoir dans le présent. Je dirais plutôt l'Histoire que le passé, même.
Je suis romantique mais absolument pas nostalgique. Même si j'aime me remémorer des choses vécues et que je repense à ma vie passée avec plaisir, je suis au contraire très ancrée dans le présent et avide de découvrir la suite. Je suis convaincue que nous vivons la fin du monde, c'est comme ça, alors inutile d'avoir des regrets, hail the apocalypse !
Winter : Pas de folk metal au programme de Masca ?
Valérie : Arkona peut-être, quoi que plutôt pagan... ? Les morceaux qui se sont imposés à moi lors de l'écriture de Masca le sont surtout pour les paroles, l'idée générale qu'ils dégagent pour entrer dans l'ambiance de chaque chapitre et pour donner une piste de réflexion au lecteur. Ce ne sont pas les mêmes que ceux que j'écoutais en écrivant. Je crois que l'album qui a le plus tourné était Rituals de Rotting Christ dont les litanies m'hypnotisaient et me catapultaient dans mon récit. J'ai beaucoup écouté My Dying Bride aussi et Leprous.
Winter : Des fantômes du passé viennent-ils souvent te tourmenter, toi aussi ?
Valérie : Non, moi ce sont les fantômes du futur ! La crainte de perdre ce que j'ai, de ne pas trouver ce que je cherche, de ne pas avoir le temps de vivre tous mes projets…
Winter : Damien écoute du metal, mais je l’imagine volontiers avec un look pas spécialement metal. Que penses-tu du look metal ?
Valérie : Damien n'a pas du tout un look metal en effet ! C'est le beau gosse casual... J'aime LES looks metal car ils sont dans l'esprit du metal. Une identité, un besoin de montrer, d'afficher ce qu'on est et ce qu'on aime. Certains métalleux sont bloqués dans les années quatre-vingts, d'autres sont black en grands manteaux noirs et bottes à clous, il y a les coreux avec leurs bermudas et t-shirts stylés, certains peaufinent leurs look avec beaucoup de sérieux et d'autres le prennent comme un jeu. Perso je suis progressivement passée des robes velours noires de mes dix-huit ans au jean/t-shirt de groupes/piercing industriel. Toujours quelques signes ostentatoires d'obédience metallique mais moins criards... Les petits signes quand tu croises un mec dans la rue qui te font sourire: ah tiens, un metalleux lui aussi.
Winter : La présence du macabre est-elle un élément inamovible de ton écriture ? Le macabre est-il indissociable de ta conception du romantisme ? La mort est-elle belle ?
Valérie : Je pense que les récits avec du macabre, du sombre, sont ce que j'aime le plus. Mais je crois pouvoir écrire des choses totalement différentes à partir du moment où j'y mets mes tripes et que cela me parle personnellement. J'ai presque terminé une petite nouvelle dont le héros est un pirate, je m'éclate parce que c'est plein de clichés et que je me délecte d'un peu de virilité rustique. Le romantisme ultime pour moi c'est en effet un état d'esprit à la Dracula, Frankenstein (je parle là du récit originel de Mary Shelley), Dorian Gray, le Fantôme de l'Opéra. L'image de la mort, du morbide, cette beauté noire, sublimer la souffrance... C'est une esthétique qui choque certaines personnes mais je trouve au contraire très sain d'accepter sa part de ténèbres.
Winter : Le brouillard et la nuit t’inspirent-ils plus que le soleil ?
Valérie : Définitivement oui ! Je suis toujours plus productive dans la tourmente. Et je ne me verrais pas écrire un feel-good book, ni même un roman trop réaliste ou joyeux.
Winter : Qu’y a-t-il après la mort ?
Valérie : Je pense qu'il n'y a rien. Tes neurones s'arrêtent, fin de l'histoire. Et pourtant, parfois, j'espère bien qu'il y a plus. Parfois je crois au destin, aux retrouvailles spirituelles, à des conneries comme ça…
Winter : Y aura-t-il une suite à Masca ? Quels sont tes projets d’écriture ?
Valérie : Je n'ai pas prévu de suite pour Masca. Mais il semble que beaucoup de lecteurs souhaitent avoir des réponses à certaines de leurs questions. Il ne faut donc jamais dire jamais... J'ai dans l'idée de terminer un recueil de nouvelles contenant des histoires toutes dans des univers très différents. Et j'ai récemment fait une rencontre spirituelle et artistique extraordinaire qui m'a donné un souffle nouveau. Avec cette personne nous avons le projet d'écrire un roman à quatre mains. C'est une expérience nouvelle pour nous deux. Je suis extrêmement emballée par ce projet.
Winter : As-tu d’autres cordes à ton arc ? Chant, peinture, …
Valérie : L'art est pour moi l'essence de ma vie. Je fais de la musique mais juste en amateur. Je compose quelques trucs. Mes instruments de base sont mon clavier et ma voix, mais je fais aussi un tout petit peu de duduk et depuis quelque temps du cajón. J'ai fait un peu de peinture. J'aime aussi me mettre en scène, créer des personnages, élaborer des costumes et du maquillage, pour des photos par exemple. Je me suis éclatée à faire ça pour Masca ! Et j'adore aussi cuisiner, je fais la meilleure tarte-au-citron-meringuée-brutal-death du monde !
Winter : Aimerais-tu vivre de l’écriture ?
Valérie : J'adore mon métier actuel. Cependant si j'avais suffisamment d'inspiration pour que l'écriture me permette de gagner ma vie, oui j'adorerais ça ! Mais l'écriture est avant tout pour moi une envie de partager. À choisir entre gagner du fric pour mes livres ou partager mon univers avec de nombreux lecteurs, je prends la deuxième option !