Rouge. Quelques volutes de fumée. L’attente. Puis, la lumière qui s'éteint. Le premier groupe qui entre en scène. Bleu alors. Comme le froid, comme les nappes poisseuses de clavier, les basses lourdes, les riffs saturés, le chant death. Rouge à nouveau, comme l’envie de mordre, de délirer, de se rouler sur les planches de la scène, de coller sa basse face aux amplis, de tomber à genoux, extatique. Blanc, comme un souffle, un brouillard, mais aussi... une respiration. Puis rouge encore et encore, comme l’énergie des musiciens, l’envie de montrer quelque chose, d’être passionné et violent. Mais noir, dominant, comme un silence, comme une salle qui ne suit pas et qui attend impassible autre chose et qui affiche son indifférence complète. Je hais cette humeur, mais le premier groupe ne laissera que cette seule sensation sur laquelle on ne s’appesantit pas, sur laquelle on reste sans passion, neutre. Déjà oublié. Obsidian Kingdom.
Pause cigarette.
La lumière s’éteint une seconde fois. Annonce vocale, manière cinématographique. Entrent alors en scène des visages attendus de trop longue date, car oui, ce sont eux que je suis venue écouter ce soir. La musique démarre : "Slip of The Edge of The Universe". Puissant Delusion of Grandeur. Frémissement qui remonte de mes talons jusqu’au sommet de mon crâne. Plus de foule autour de moi. Juste le son, la voix, les pulsations. "Fire Child" : les vibrations de l’ampli contre lequel je suis collée, les yeux rivés sur la scène, fascinée. Instinctivement, je décroche mes yeux un court instant de ce qui se joue devant moi et balaye la salle du regard, à la recherche de qu'un qui saurait … cette jeune femme à côté de moi, aux yeux grands ouverts ? Ce groupe remuant au centre ? Ou là, oui, ce visage, que je distingue, juste de l'autre côté de la salle ? …. Mais est-ce important ? Une nouvelle annonce vient traverser mes synapses et j'entends la frappe que je n'espérais pas entendre... "Hollow Montain". Arrêt sur image. Je suis ailleurs et ici en même temps. Plongée dans mon premier souvenir de ce groupe, dans un de ces moments qui m'ont tiré du silence et rappelé que la musique pouvait être quelque chose de tellement puissant et si simple en même temps. Les émotions liées se dessinant devant moi, mes genoux tremblants, ce plaisir indescriptible de juste « écouter » . Torpeur musicale délicieuse. Si étrange de se laisser porter par un simple déluge de notes, jusqu'à ce que la lumière se rallume pour la seconde fois et me laisse adossée au mur, perdue dans la résonance de l'instant. Sahg
Temps mot, effluves d'alcool autour du bar, bruit, mouvements ...
Dernière fois. Dernier groupe. Dernière obscurité. Une masse plus compacte autour de la scène. Des corps qui s’animent, des têtes qui remuent, des yeux qui pétillent ou se ferment pour savourer, des esprits qui se laissent porter, enfin... Faites simplement taire les pitoyables âmes du fond qui se gaussent pour tenter vainement de tout gâcher.... A chaque morceau qui s'égraine, je me laisse entrainer dans un univers noir et pur, et une fois encore, je me détache de cette salle. Je m'emplis de ces mélodies, de leur suave tristesse. A choisir un seul instant, si tant est que ce soit réellement parlant, ce serait alors simplement cet "ótta", dont l'interprétation magique, n'a eu pour moindre effet que de m'arracher des larmes. Serait-ce ces notes de banjo qui lui donnent cette mélancolie sublime ? Ce titre se pose sur moi comme une nappe de brume dans laquelle je me complais, froide et pourtant si belle à « contempler ». Finalement, saurais-je décrire ce concert ? Cette rythmique qui perturbe le palpitant dans ma poitrine ? Ces mélodies fantastiques qui me laissent dans un état éthéré? Cette voix qui semble si proche, presque comme une confidente, délivrant sa pleine passion ? Délivrer avec de simples mots cette musique qui se joue ici ? En ai-je seulement l'envie ? Une autre personne parmi nous l'a déjà fait, sachant rendre toute l'émotion que l'on peut éprouver à son écoute, je ne saurai faire mieux. Par ici pour le (re)découvrir. Écouter cette musique est, à cette heure, et juste pour moi seule, comme arpenter une forêt enneigée le cœur lourd, où aucun chant d'oiseaux ne s'élève, aucune feuille ne frémit encore sous le souffle du vent, uniquement le crissement de mes pas dans la neige. Ici et maintenant, le « silence » se fait autour de moi, il n'y a pas d'autres voix ou mouvement perceptibles outre ce qui se déroule sur scène, rien que ce son magnifique que je choisi "d'entendre". Les émotions, seules, pleinement assourdissantes. Un délice froid et pur qui se savoure et ne se décrit pas. Sólstafir.