23 mai 2015
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Paris - Stade de France
La sortie de Rock or Bust et tout ce qui a tourné autour du groupe auront presque réussi à faire oublier à certains quel phénomène scénique était AC/DC. Pourtant les deux dates annoncées, cinq ans après leur dernier stade de France, auront créé une (nouvelle ? Dernière ?) émulation chez les amoureux du groupe et du rock’n’roll, comme en témoigne la vitesse de vente des tickets, une nouvelle fois hallucinante. Et nous y voilà. Le continuum espace-temps est en rut et toutes les variables humides : Beau temps. Nous sommes Samedi. Chouette lieu. Public hétéroclite (qui pour l’occasion sera acronyme de hétéro-homo-riche-pauvre-vieux-jeune-moche-beau-sobre-alcoolique).
Il fait donc beau en ce samedi 23 mai 2015 et le parvis du Stade de France a troqué ses allures de Vélo/roller park usuel pour la grande manif metal et sonore. Ça se ballade déjà partout depuis midi et les différents stands de merch officiel intelligemment disposés un peu partout ne désemplissent pas. Les légendaires cornes se vendent comme des petits pains, sans compter sur la gamme de T-shirt faisant promotion de l'évènement. 17h00, les portes s’ouvrent et peu à peu le temple australien d’un soir va se remplir jusqu’à son ras bord d'ici à 20h00. Deux groupes ont décroché la timbale en ouvrant pour le géant. C’est tout d’abord
No One is Innocent qui débute son set dans un Stade de France ouvert depuis peu, donc encore relativement vide. Cela n’empêche pas d’accueillir un groupe excité et ravi (qui ne le serait pas) de jouer en de pareilles conditions. Le groupe ira à l’essentiel en faisant la promotion de son album à sortir et jouant leurs anciens titres qui leur avaient permis de se faire un nom il y a maintenant quelques années. Quelques réactions énergiques émergeront de toutes parts donnant au groupe de quoi garder un souvenir pour leurs vieux jours. Le set se termine alors que le stade est à peine de rempli de moitié. Arrive alors
Vintage Trouble porté par son guitariste, à priori discret, mais qui parviendra par moments à sortir quelques sons énormes façons «
pardon mais puissance et feeling sont naturels chez moi », et son chanteur très énergique à la croisée des James Brown pour son incroyable punch et Lenny Kravitz des débuts pour le coté rock. L’énergie est énorme et même si pour la grande majorité le groupe est inconnu et n’intéresse peu ou pas, force est de constater que la fosse est déjà bien chaude et répond du tac au tac à tous les gimmicks et provocations du groupe. Le set est très agréable, que l’on s’immerge dans la musique ou que l’on patiente en attendant les héros du jour ou d’une vie.
Une heure plus tard, le Stade de France est cette fois quasi plein, le niveau sonore global a monté d’un cran et les moindres mouvements sur scène de roadies suffisent à provoquer bronca de joie et hurlements de déception : l’impatience n’étant plus contenue. Un énorme arc de métal fait office d’arche pour l’immense scène qui fait presque toute la largeur du terrain de foot ou de rugby connu du lieu. Plusieurs écrans partout dans le stade permettront d’alterner vue globale et plan de détail, quel que soit l’endroit où l’on se trouve. Quelques holà sont déjà lancées quand une vidéo démarre propulsant depuis un paysage lunaire le logo en fusion d’un
AC/DC qui voyage parmi plusieurs symboles et iconographie du groupe (drapeau de l’Australie, la belle Rosie du saloon toujours belle en cuisses) pour arriver dans les repères médiatiques actuels les plus évidents et sonner le glas de la célèbre cloche. Le public est déjà en transe et l’arrivée enfumée des musiciens élève une fois de plus le niveau sonore du Stade de France. Le concert débute sur "Rock or Bust", comme pour se chauffer doucement et s’approprier si besoin est les derniers (maintenant) fans ayant découvert le groupe avec le dernier album. Tout a été dit sur cet ultime release et on peut confirmer qu’une écoute peut être ennuyeuse studio, mais prend une toute autre dimension en live. Le son, la puissance, le groove, le jeu de scène, tout va y passer durant deux heures et même si les hommes vieillissent et ne peuvent plus se permettre la débauche de folie du passé, la prestation est loin d’être risible et au contraire fédère de plus belle, jouant de la carte sympathie et joie de (re)voir encore (et peut être la dernière fois) ce type d’artistes rares (quoiqu’on en dise) ou de découvrir plus les plus jeunes ce que jouer du rock et voir du rock signifie.
La setlist sera de type best-of, avec quelques bouzins récents. Et lorsque le public chante ou danse poliment sur les titres moins connus, le stadium entre en transe sur les titres «
panthéonesques » distillés tout au long des deux heures. Toutes les générations et tous les types de spectateurs se retrouvent tous en un seul dénominateur commun : l’extase engendrée par les riffs du maître de cérémonie, Young et sa guitare géniale soutenue par un groupe qui joue du rock depuis plus longtemps que l’existence même de la bonne moitié du public. "Shoot to Thrill" étrille dès le début un public déjà fanatique et tout au long du concert les hits maintiennent la transe sans que jamais le fièvre ne retombe. Coté scénique, les effets sont puissants, même si paraissent clairement au second plan au regard des tournées précédents ou des live glanés sur la toile numérique. Rosie nous passera le bonjour, la cloche de l’enfer sera également de la fête. Enfin les canons finaux ne peuvent laisser indifférents, déjà parce qu’ils détonnent (sic !), mais supportent au mieux la fin de la grande messe sur les notes magiques de "For Those About to Rock (We Salute You)". Et même si tout n'a pas été parfait, si parfois le tempo a été un peu plus lent, si le solo de Angus était un poil long, comment trouver assez d'esprit critique allant au delà du show et de l'amour partagé entre le groupe et son public ? Rares sont les vieux et les vieux groupes à maintenir ce niveau. Non pas en tournant peu et en créant la rareté, mais en restant sincère et se donnant à fonds avec ses moyens. Alchimie. Osmose. Ô joie du live.
Peut être parce qu'il s'agit d'une des dernières, si ce n'est la dernière tournée. Peut être parce que je ne les avais pas encore vu (si si, j'vous jure) peut être... Allez fuck les « peut être ». AC/DC a en ce samedi 23 Mai 2015 m'a mis une grosse claque dans la tronche, au delà de toutes les analyses ou critiques ou compliments.
Rocked and Busted.