CHRONIQUE PAR ...
Dr Gonzo
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
18/20
LINE UP
-Dave Wyndorf
(chant+guitare)
-John McBain
(guitare)
-Joe Calandra
(basse)
-Jon Kleiman
(batterie)
TRACKLIST
1)Pill Shovel
2)Medicine
3)Nod Scene
4)Black Mastermind
5)Zodiac Lung
6)Spine Of God
7)Snake Dance
8)Sin's A Good Man's Brother
9)Ozium
DISCOGRAPHIE
C’est en 1992 que Monster Magnet peut enfin sortir sur la durée d’un album entier sa déclaration d’amour à toutes ces substances qui vaudront à son charismatique frontman un black-out entre février 2006 et la sortie d’un nouvel album courant novembre 2007. Ce Spine Of God voit aussi une des dernières collaborations entre Wyndorf et McBain, le pourtant créatif guitariste viré peu après pour des raisons « personnelles ». On en est donc ici au stade de prototype pour le chanteur qui n’a pas ici le contrôle absolu sur les compositions du groupe – et ce n’est pas plus mal.
Un roulement de batterie mouliné par un phaser ouvre cet album avec "Pill Shovel". Une guitare dégoulinante de fuzz donne le ton de l’album, et les moments d’accalmie seront rares tout au long des neuf pistes hallucinées qu’offre le groupe. Dave Wyndorf et sa bande nous parleront longuement de paradis dits « artificiels ». Mais ici, point de complaisance dans la douleur ni de concessions dans la pratique (assidue) de la chose. C’est à un véritable hymne auquel l’auditeur aura droit. Sans la moindre retenue et avec entrain – comme le montre la pochette - tout y passe que cela s’avale, s’injecte, se fume ou se renifle.
Faute de mieux, on ne pourra qualifier leur son que de « garage » (bien qu’assez lourd par moment) auquel s’ajoute vous l’aurez compris une forte dose de psychédélisme bizarroïde confinant aux élucubrations cosmiques d’Hawkwind. Échos de voix et bruitages de sonars galactiques se mêlent à des riffs sabbathiens pour un rendu que je ne peux qualifier que de euh… spatial. La fureur pré-punk cohabite constamment (les hurlements évoquant David Lee Roth de Wyndorf sur "Medicine") avec des passages de jam délirants et colorés clairement sous influence. Monster Magnet reprendra d’ailleurs "Brainstorm" d’Hawkwind (sur l’album Superjudge) et quelques temps plus tard "1970" des Stooges –comme quoi je n’invente rien.
L’intérêt fondamental du disque se situe dans cette explosion d’effets restituant des états de conscience altérée (le mot est faible), qui malgré leur place prépondérante ne dénaturent en rien une production crue et sauvage qui rend justice à un jeune groupe encore frais et fougueux. Pour établir cet état de fait, trois gros morceaux le prouvent du haut de leurs 8 minutes. "Black Mastermind", où les délires vocaux croisent des solos furieux dans un tourbillon d’effets désinhibant ; "Spine Of God", ou quand Captain Beyond vomit sa mescaline sur des pauvres râgâs qui ne demandaient rien à personne ; "Ozium", ballade éthérée aux claviers hallucinés qu’on croiraient sortis de chez Country Joe & the Fish.
La section rythmique n’a été que peu évoquée, mais ne prends point peur internaute avide de remuage de têtes chevelues, il ne faut y voir ici nulle transparence. L’efficacité est de mise, le groove est là – et le groupe l’affirme d’ailleurs en se fendant d’une sympathique reprise de Grand Funk Railroad ("Sin's a Good Man's Brother"). Hawkwind, Black Sabbath, garage pré-punk étaient autant de moyens détournés visant à décrire le ciment rythmique du Monstre qu’il est Magnétique. À savoir, brutale mais groovy, solide juste ce qu’il faut avec une tendance a en foutre bien partout, mais avec classe et distinction – un art subtil, comme celui de s’effondrer avec élégance après un abus de substances diverses.
Difficile de sortir indemne de ces presque 50 minutes de brûlot cosmique, de rage psychédélique. Avant que John McBain n’aille expérimenter du côté des Desert Sessions, quand les drogues n’étaient encore qu’un jeu pour Dave Wyndorf, Monster Magnet avait encore cette folie innocente un poil potache qui s’estompera par la suite. Leurs albums suivants sont cependant loin d’être des purges, mais ce Spine Of God marque sa différence par sa nonchalance assumée et sa folie même pas feinte.