CHRONIQUE PAR ...
Merci foule fête
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
12/20
LINE UP
-Brittany "Kobra" Paige
(chant)
-Jasio Kulakowski
(guitare)
-Brad Kennedy
(basse)
Ont participé à l'enregistrement :
-Bill Hudson
(guitare)
-Elias "Bones" Rodriguez
(batterie)
TRACKLIST
1) Lay It on the Line (Triumph cover)
2) Sign of the Gypsy Queen (Lorence Hud cover)
3) Black Velvet (Alannah Myles cover)
4) Let It Ride (Bachman-Turner Overdrive cover)
5) The Spirit of Radio (Rush cover)
DISCOGRAPHIE
Un an après un High Priestess plutôt réussi, Kobra and the Lotus revient occuper le terrain en dégainant un EP-cinq titres de sous la veste à patches. Si le visuel façon Mystère de la Grande Pyramide aurait tendance à inspirer confiance, la circonspection reste de mise en prenant connaissance du contenu, à savoir un recueil de reprises. Brittany Paige et ses acolytes ont toutefois fait le choix assez original d'enregistrer des chansons exclusivement composées par leurs compatriotes. Or le groupe est originaire de Calgary. La peur s'installe.
Des Canadiens qui chantent : de quoi réactiver les cauchemars les plus traumatisants des malheureux - et malheureuses - ayant subi, entre galeries commerciales infectées et karaokés de fin de noces, les agressions soniques des concitoyens de Garou et Devin Townsend. Dans un déchaînement de violence que le plus bruitiste projet de metal industriel n'approchera jamais, les vocalises de destruction massive expectorées par les éléments féminins des factions à la feuille d'érable ont mis à genoux des populations entières, que la seule évocation du nom de ces ogresses hyper ventilées plonge encore aujourd'hui dans l'hystérie et les psychotropes expérimentaux. Fort heureusement, « Kobra » Paige a dédaigné le répertoire de Céline Dion et Avril Lavigne... Mais pas celui d'Alannah Myles, dont le tube "Black Velvet", qui fut matraqué jusqu'à l'overdose à l'orée des années quatre-vingt-dix, fait figure d'appât un peu grossier. Car ce hit détonne clairement avec les quatre autres morceaux à la notoriété plus confidentielle (de ce côté-ci de l'Atlantique, en tout cas) - la version proposée par Kobra and the Lotus ayant même fait l'objet d'une vidéo dans laquelle Brittany, ou plutôt sa doublure thorax, se laisse aller à quelques poses (gentiment) lascives. Quitte à vouloir troubler le cocktail hormonal de ses admirateurs avec une ritournelle initialement déclamée par une brune piquante à la voix éraillée, la native de l'Alberta aurait pu – dû ! - tenter de se réapproprier "Metal Queen", l'hymne de la quasi-culte Lee Aaron, dont le registre des débuts correspondait en tout point avec celui développé par Paige et ses sbires, à savoir un hard rock suffisamment vigoureux pour ne pas tomber dans la mièvrerie. S'inscrivant davantage dans le style de la section nord-américaine, les autres covers se révèlent plus dynamiques. « Annihilator, Voivod, Exciter » ? espèrent fébrilement les esthètes. « Protest the Hero ? » réclameraient mollement les autres s'ils lisaient ces lignes. Et bien non. Même pas un petit Anvil. En effet, le choix s'est porté sur des collectifs moins « excités », dont les titres d'obédience hard fm datent des seventies et du début des années quatre-vingt.
Point d'audace inconsidérée non plus dans leur interprétation, celle-ci restant très proche des enregistrements originels : le remodelage se limite à un son plus moderne - entendre un poil plus puissant - juste ce qu'il faut pour faire basculer les moustaches vintage de Triumph ("Lay It on the Line ") et Bachman-Turner Overdrive ("Let It Ride") dans le nouveau millénaire. En revanche, le délicat "Sign of the Gypsy Queen", succès d'estime de Lorence Hud popularisé par April Wine, pâtit un peu de ce traitement viril, si l'on peut se permettre l'expression à propos de la prestation d'un one-woman band. Cette nouvelle livraison semble d'ailleurs témoigner d'une certaine stabilité du personnel - Britanny Paige, révélée par Gene « 4800 girls in my bed » Simmons, ayant consommé un nombre conséquent de partenaires depuis ses débuts en 2009. Il convient à ce propos de souligner le niveau honorable des musiciens qui l'accompagnent ainsi que sa propre performance, qui confirme la mue assez spectaculaire constatée après un premier album tout en stridences. Désormais calée dans un médium confortable, sans doute plus dans l'air du temps, sa voix gagne en maîtrise ce qu'elle a perdu en agressivité, même si la tendance de la jeune femme à sur-articuler dans les tons les plus graves fait parfois songer à la diction d'une concurrente moldave de l'Eurovision qui découvrirait son texte en même temps que la langue anglaise. Difficile cependant de trouver à redire sur la qualité d'exécution, comme en atteste la présence d'une composition de Rush, la légendaire formation de Toronto n'étant pas précisément réputée pour son approche basique de l'écriture musicale. Bien que "The Spirit of Radio" ne soit pas non plus ce que la bande à Geddy Lee a fait de plus alambiqué, certaines subtilités d'origine sont pourtant passées à la trappe sur la version du Serpent à Fleur, notamment le passage reggae dans le final : un bon résumé de la tonalité générale plutôt directe et d'une prise de risque très limitée.
La Kobra est maligne : plutôt que prêter une nouvelle fois le flanc à la critique en raison du manque d'originalité de son répertoire, elle prend carrément l'option sur Words of the Prophets d'emprunter celui des autres, sans taper, à une incongruité près, dans le célèbre et l'historique. En résulte une interprétation très – trop ? - sage qui n'apporte pas grand chose aux versions originales, si ce n'est un soupçon de puissance plus en phase avec les productions actuelles. Cela reste néanmoins insuffisant pour faire passer cet « extended play » pour autre chose que ce qu'il est : un enregistrement de transition aussi sympathique qu'anecdotique.