Phénomène peu courant : alors que je m’apprête à chroniquer le dernier album d’un groupe de Frenchies que je ne connais pas, mais que je pense être relativement culte, les réactions de la partie de mon entourage que je pensais affine à leur musique sont plus que mitigées. « Temple of Baal ? Je n’accroche pas du tout. », « Perso, je m’en bats les c*****s de ce groupe ! », « Je les ai vus en live, c’était nul ! ». Forcément, tu commences à regarder d’un autre œil le promo que tu pensais être venu en ami… « Ben quoi ? s’étonne ce dernier. Tu fais la gueule tout d’un coup ? Qu’est-ce qui se passe ? » Et si ce Mysterium attendu avec un certain plaisir s’avérait être une grosse daube ?
Après une petite dizaine d’écoutes, une conclusion s’impose : mes amis ne sont pas fiables. Hé bien oui, c’est comme ça. Autant ne pas se voiler la face et en changer. Si l’on s’en tenait uniquement aux trois premiers titres du cinquième effort des Franciliens, on pourrait même aller jusqu’à dire que mes amis sont, musicalement, de grosses buses, tant le black death proposé par le Temple de Baal allie avec classe percussion et ambiance. L’album commence avec une surprise majuscule : passés les premiers accords acoustiques de "Lord of Knowledge and Death", une pensée étrange s’immisce dans mon cerveau putride : « Si maintenant, là, tout de suite, j’entends une voix tirée d’un film de Cocteau ou Resnais, c’est que je me suis trompé en copiant le promo et que je suis en train d’écouter le dernier Hypno5e ». Évidemment, il ne s’agit que d’une ressemblance momentanée mais tout de même, la couleur est annoncée : Mysterium n’est en rien un album bas du front. Si les guitares, accordées à la mode de chez nous, défouraillent bien comme il faut avec ce son à la fois puissant et grésillant adopté par bon nombre de groupes hexagonaux (au hasard, DO ou Aosoth), si le batteur nous vrille le cœur à coups de double pédale (pour ma part, je m’abstiendrais même de monter en voiture avec lui, parce que s’il conduit de la même manière, le voyage doit être heurté…), la subtilité est également et doublement de mise. D’une part, les ambiances sont à l’honneur en ce début d’album puisque, outre le surprenant début, "Magna Gloria Tuia" propose des chœurs et des plages ambient dignes d'un chef-d’œuvre comme Below the Lights d’Enslaved. C’est dire le niveau.
D’autre part, et contrairement au courant majoritaire, les solos de guitare sont de sortie, et de très belle manière. Du coup, on gagne en beauté et en richesse, ce que l’on perd en oppression et en mal-être. Un parti pris plus qu’acceptable et, pour ma part, bien accepté ! Le côté presque death old-school de l’excellent "Divine Scythe" renforce encore plus les visées classicistes de cet album et on se prend alors à rêver d'un coup de maître et, accessoirement, d'un coup de pied dans le cul de ces amis si mauvais conseillers. Las, Temple of Baal n’arrive pas à maintenir cette constance dans le très haut niveau. Les premiers signes d’essoufflement arrivent avec "Hosanna" qui, s’il envoie son pesant de cacahuètes, met du temps à s’acheminer vers la partie incantatoire, vrai cœur du titre. Puis, une fois passé l’incontournable « trou normand musical », l'intermède quoi, on reprend un bon ton en-dessous. Les musicos ne sont pas devenus subitement des nullités, bien sûr que non, mais les trois derniers titres sont moins bons. C’est vraiment patent sur "Black Redeeming Flame" qui ne vaut que par son caractère trépidant, moins sur "Holy Art Thou" et "All in Your Name", mais les ambiances subtiles ont été rangées au vestiaire et l’on doit se contenter de titres plus directs, pas mauvais pour un sou, mais largement moins riches. C’est dommage. De là à songer à un retour en grâce de mon entourage musical ? Trop tard, les corps de ces salauds sont en train de sécher, cloués à une porte…
Mysterium est excellent le temps de trois chansons avant de se muer en album « seulement » bon. On passera rapidement sur la philosophie de comptoir et les images du type « bouteille à moitié vide / à moitié pleine » et on conseillera tout de même aux amateurs de black-death musclé mais intelligent de jeter une oreille voire deux sur cette œuvre aux éclairs de grande classe.