Le chroniqueur, soupirant : allez, on y va, quand faut y aller, faut y aller, on n'est jamais mieux servi et gnah gnah gnah...
La touche play : clic
Les enceintes : nah nah nah, gros chœurs symphoniques, blah blah dominus machin, chorales en latin, plein d'épique, tout ça.
Le chroniqueur, les épaules basses : soupir
La touche chanson suivante : clic.
Les enceintes : riff sur corde à vide et double pédale
Le chroniqueur : putain, ça va être long tout ça...
Il faut dire que l'album précédent, Dark Wings Of Steel, qui était le premier opus de Staropoli post-split, était très (très) mauvais. Alors la perspective de remettre le couvert et remanger de ce brouet infect et pauvre, pâle réminiscence d'un groupe qui sût être, en son temps - et avec Turilli – vraiment légendaire, n'était pas vraiment motivante. Mais professionnalisme oblige, il a bien fallu s'y coller, et après plusieurs écoutes il fut nécessaire de revoir un peu sa position et se décider à admettre que bon, soit, ok, je veux bien, ce Into The Legend n'est pas aussi catastrophique que le précédent. Certes, il y a un côté « après du caca tu peux manger ce que tu veux ça aura toujours l'air bon », mais tout de même, les efforts de Staropoli pour paraître ici moins vide et creux seraient presque touchants.
Alors attention, hein, on est toujours loin des œuvres de Turilli, qui sans être systématiquement parfaites planent largement au-dessus du combo «of Fire» du claviériste. Mais si on oublie un peu ce duel fratricide/incestueux, et en essayant de ne pas trop s'attacher aux détails de ce Into The Legend, il est à peu près possible (et pas trop honteux) d'y prendre du plaisir. En fait, ce qui plaît, dans cet album, ça n'est ni le côté symphonique, toujours aussi peu expressif et original, ni le côté metal, pas vraiment puissant ou novateur, mais plutôt le mix des deux qui, de manière assez improbable, parvient à nous ramener deux bonnes décennies en arrière et à agir à la manière d'une madeleine de Proust un peu ratée, à la fois molle et fade et avec une forme disgracieuse – mais qui sent un peu comme celles que faisait grand-mamie. À plusieurs reprises, en effet, on se surprend à se demander pourquoi on pense soudain à l'époque de (par exemple) Symphony of Enchanted Lands et autres opus légendaires de Rhaspody (à l'époque où il n'y a ni « Lucas Turilli's » avant ni « Of Fire » après).
Pas la peine de crier au blasphème, il n'est pas question de dire que Into The Legend serait le digne successeur de Symphony of Enchanted Lands, nous en sommes loin. Mais certains morceaux, certains refrains, parfois certains riffs, ici ou là, et surtout la toujours superbe voix de Fabio Lione : il y a parfois comme une résonance entre le passé et Into The Legend, loin d'être systématique, mais de temps en temps palpable. "Winter's Reign", "A Voice In The Cold Wind" et ses flûtes/clavecin, "Rage Of Darkness" et son riff d'intro qui rappelle un peu "Flames Of Revenge"... Difficile de dire si c'est intentionnel (probablement que oui), en tous cas il reste ce petit plaisir presque coupable d'avoir l'impression d'être ramené à l'âge d'or de Rhapsody. Le problème, ben c'est que c'est bien le seul argument un peu séduisant en faveur de Into The Legend. Le reste oscille entre du speed en roue libre et de l'ennui en brique ("Realms Of Light" et "Valley Of The Shadows", où l'on étouffe poliment un bâillement ou encore les seize minutes de "The Kiss Of Light" après lesquelles on sombre dans l'apathie) sans toutefois atteindre systématiquement les tréfonds de l'ignominie la plus crasse comme en 2013.
Voyons les choses en face : non, Into The Legend n'est pas un naufrage. Oui, on parvient parfois à y prendre un certain plaisir régressif. Oui, il y a de beaux solos et la belle voix chaude de Lione et oui, la production est chouette, claire et propre. Mais non, Intro The Legend ne va pas entrer dans la légende. Il risque même de ne plus rentrer dans le lecteur CD après deux-trois écoutes. La vie est courte, il y a des tonnes de choses mieux à écouter, même pour les amateurs de dragons et d'épées en plastique.
La touche stop : clic.