Mine de rien, j'étais impatient. Dans mon petit cœur héroïque et assoiffé d'imaginaire, j'ai toujours aimé Rhapsody, sa démesure, son côté carton-pâte assumé et ses sonorités fantasy-spagetthi. Bien sûr, le groupe n'a pas été capable de rester constant et on compte quelques ratages dans une discographie qui commence à devenir fournie, mais il y avait toujours quelque chose à garder même dans leur moment les moins inspirés (bon, soit, The Cold Embrace of Fear était bien moisi). Ainsi, après que le groupe ce fût scindé en deux entités (relisez les 18 tomes précédents si vous n'avez pas suivi), il était légitime de se dire, plein d'espoir : « oh cool, ça fera deux fois plus de plaisir ».
De son côté Turilli a parfaitement rempli son contrat avec le rafraîchissant et épique Ascending To Infinity l'année dernière, et nous attendions de pied ferme la livraison de son ex-comparse Alex Staropoli. Autant le dire tout de suite : la déception fut cruelle et la douche, froide. Dark Wings of Steel n'est qu'une grosse boursouflure de vide et d'inconsistance, une ode à la vacuité et une glorification de l'insipidité. Si le son du groupe est en tout point conforme à ce que l'on en attendait (aucune prise de risque avec de toutes façons un line-up qui a conservé 4 membres de l'ancienne formation, avec l'ajout d'un nouveau guitariste pour remplacer évidemment Turilli), le reste - la musique - est absolument sans intérêt tant cette heure passe sans qu'aucun moment fort n'en émerge. Staropoli, sans doute trop occupé à soulever de la fonte, s'est satisfait du strict minimum musical, en se contentant de plaquer de timides orchestrations (des grosses nappes de violons) sur des guitares qui, elles, restent sur de maigres accords – on ne peut même pas parler de riff. Les intros de "Fly To Crystal Skies", "Angel Of Light" ou encore de "Rising From Tragic Flames" sont navrantes de banalités, et ne volent pas plus haut qu'un Stratovarius dans ses pires moments.
Les couplets et les refrains sont systématiquement composés d'accords de guitare plaqués agrémentés d'un vague orchestre à l'unisson, et tout ce petit monde de laisser Fabio Lione dérouler son vibrato – impeccable comme toujours – sur des lignes de chants absolument pas inspirées (mention spéciale à "Silver Lake Of Tears", soporofique). Épique ? A aucun moment. Ambitieux ? Jamais. Original, osé, passionné ? Non, le groupe tout entier donne la très désagréable impression de se contenter de faire son boulot, d'appliquer une recette – toujours la même – en espérant que par magie, la sauce prenne. Pas de miracle : le tout est morne et pénible, malgré quelques petites fulgurances de talents (bon, sur une heure de musique, il serait presque étonnant de ne trouver aucun passage sympa). On se contentera ici d'un "My Sacrifice" presque progressif par moment et de quelques solos de guitare (surtout celui de "Dark Wings Of Steel", très Malmsteenien) qui changent du style maniéré de Turilli, mais rassurez-vous : rien de réellement passionnant, et on regrette assurément le côté shred pompeux et ampoulé de l'ancien six-cordiste. Voila pour les quelques choses un peu sympas que l'on peut dire sur Dark Wings Of Steel. Tout le reste n'obéit qu'à une et une seule règle : sonner creux.
Du coup, on imagine assez bien la négociation lors de la séparation Turilli/Staropoli :
_ « Bon allez, Alex, on partage tout ce bordel. On fait comment ? Tu gardes le nom "Rhapsody of Fire" ?
_Ok Lucas, cool. Mais j'aimerais bien aussi garder Fabio, Alex et Olivier, tu veux bien, dis ?
_Bah, Alex, c'est le batteur, on s'en fout, on peut le partager. Mais par contre, je prends le reste.
_Ah ? Genre quoi ?
_Ben le talent. »
Alex VS Lucas : victoire par KO et écrasement de la face du haut de la troisième corde...