Il y a des groupes comme ça, avec qui on a tendance à être un peu ingrat. Avec qui on laisse s'instaurer un cycle pervers : sortie d'album, excitation, enthousiasme, puis retombée progressive, et enfin, l'oubli. Jusqu'à l'album suivant, et ainsi de suite. Bien qu'ayant apprécié Tales Of The Sands, j'étais tombé dans cette routine avec les franco-tunisiens de Myrath. Mais ça, c'était avec la sortie de Legacy, pour me rappeler à leur bon souvenir.
Hélas, autant le dire tout de suite : l'enthousiasme de la découverte de ce nouvel opus fut moins fort que pour Tales of the Sands. Qui est à blâmer ? Eh bien l'effet de surprise désormais totalement absent de ce quatrième album, alors que les précédentes réalisations du groupe avaient réussi à surprendre leurs auditeurs. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec la musique du groupe, Myrath mélange un power metal progressif musclé (façon Symphony X) à des sonorités orientales, à l'aide de multiples instruments (violons, oud...) L'introduction de ce nouvel album, "Jasmin" vous donnera un parfait avant-goût de l'univers Myrathien : en un peu moins de deux minutes, vous voilà transporté en plein désert, au beau milieu d'une tempête de sable. Le palais du Maradjah est au loin, dans l'horizon brûlant, et Myrath sera là pour accompagner votre périple.
Bien que la formule n'ait pratiquement pas changé, le groupe de Malek Ben Arbia a malgré tout insufflé de subtils ajustements à sa musique, pas toujours pour le meilleur d'ailleurs. L'équilibre entre coloration arabisante et aspect purement metal des compositions, par exemple, semble moins bien dosé qu'auparavant, l'aspect oriental étant souvent remisé au placard sous les riffs, parfois très agressifs ("Storm Of Lies" ou"The Unburnt") et les lignes vocales. Un facteur de déception, donc. Tales of the Sands tombait parfois, lui aussi, dans l'écueil de la banalité faite metal progressif, mais parvenait à un meilleur compromis. Dommage également que Myrath n'ait pas renoncé à certains gimmicks de composition parfois usants. Comme ce break à la basse 100% prog sur "Get Your Freedom Back", sorti de nulle part et assez malvenu. Un mot aussi sur Zaher Zorgati: si l'on peut aisément concéder qu'il est un vocaliste appliqué et pas économe de ses moyens, subsistent tout de même quelques passages où il en fait trop, comme sur la fin de "Nobody's Lives".
Attention cependant, Myrath n'est pas mort. Le quintet sait encore trouver le parfait point de convergence entre orientalisme et gros son. L'éclatant "Believer", ouverture chaleureuse et héroïque, parvient à trouver une merveilleuse alchimie entre dépaysement venu d'Orient et tempête de décibels. Du début à la fin, l'atmosphère est saisissante, et les arrangements chiadés épousent à merveille le son compact et puissant du groupe, qui signe là un de ses meilleurs titres, haut la main. Au rayon des réussites, saluons en fin d'album "Endure the Silence". En dépit d'une étrange intro au piano qui ferait plus penser à du cabaret qu'aux déserts tunisiens, ce morceau constitue un mid-tempo émouvant mené de main de maître par un Zaher Zorgati, pour le coup impeccable derrière le micro. Même qualité sur "Other Side" : les lignes vocales sont sublimes et solo de Ben Arbia inspiré.
Il est frustrant de penser à quel point Legacy aurait pu être une éclatante réussite. Après tout, le créneau du metal oriental est prometteur, et n'a pas été tant exploité que ça. Myrath signe donc un album timide, plus foncièrement metal que ses grands frères, mais se déleste du même coup d'une partie de ce qui fait son identité. Il serait malgré tout malvenu de trop bouder son plaisir, car Legacy recèle quelques pépites et demeure solidement composé et interprété. Myrath joue avec tout son cœur, et ça se sent. Rendez-vous dans deux ans pour un sans-faute ?