Parmi les poncifs du chroniqueur de musique, il y a celui qui veut que le premier album soit celui de la découverte et de la nouveauté, le deuxième celui de la confirmation, et le troisième celui de la maturité. Dès son deuxième album, Myrath avait fait preuve d'une surprenante maturité, en faisant évoluer sa musique pour se donner une identité bien à lui et brouillant ainsi les cartes. Ce nouvel album devait forcément être celui de la confirmation, pour ne pas trop déconcerter l'auditeur et éviter de briser son cœur de métal.
La recette musicale de Desert Call était infaillible : un metal progressif de haute volée, servi par des musiciens talentueux, et parsemé de touches arabisantes réparties de manière judicieuse, donnant au groupe son identité sonore, le tout servi par une production parfaite. Et heureusement pour nous, le groupe de Malek Ben Arbia semble désireux de persévérer dans la même direction artistique, comme en témoigne la couverture de l'album, dont le désert et les nuages semblent renvoyer directement à la couverture de l'opus précédent, alors que le dromadaire, le personnage féminin qui le surplombe ainsi que le reste de l'illustration pourraient laisser penser que l'aspect oriental sera encore plus marqué.
Quelques notes de clavier, un riff de guitare dévastateur, des darboukas, une batterie puissante, des violons typés, ça y est, c'est sûr, on est dedans, Myrath a gardé la même formule, excellente nouvelle! "Under Siege" débute de fort belle manière l'album, avec un chant féminin très bien utilisé, et le duo avec Zaher Zorgatti n'est pas sans évoquer Roy Kahn et Simone Simons sur The Black Halo de Kamelot, on a fait pire comme référence! La musique est toutefois bien celle de Myrath, il n'y a pas de doute, on la connaît, maintenant. Le son est parfait, à la fois massif et cristallin, dû une nouvelle fois à Kevin Codfert associé, excusez du peu, au célébrissime Fredrik Nordström et à Jens Bogren (producteur de Symphony X, tiens donc). La puissance, la profondeur et la clarté conférées à la musique ne font que renforcer son efficacité.
Cela dit, même si le métal oriental servi par les Tunisiens conserve les mêmes ingrédients savoureux aux saveurs épicées, ils savent varier les plaisirs pour ne pas risquer l'indigestion. La musique du groupe garde toujours cet aspect « catchy » et technique propre au métal progressif, sans pour autant être redondante, réussissant à préserver sa fraîcheur et son originalité, multipliant les variations de sonorités et les changements de rythme, et même la langue du chant, certains passages étant chantés en arabe, comme le refrain de l'excellent "Beyond the Stars" ou une bonne partie de la chanson-titre.
On sent d'ailleurs dans ce dernier, ainsi que dans la plupart des autres morceaux de l'album, la volonté affichée sur la couverture de renforcer le côté exotique de la musique du groupe, qui va même jusqu'à intégrer des accents orientaux dans les riffs de guitare. Cette évolution, bien que sensible, reste tout à fait cohérente avec les progrès du groupe depuis leurs débuts, et se fait en parallèle avec une maîtrise totale de leur sujet par les cinq musiciens qui livrent cette fois encore une partition sans faute. On appréciera également quelques autres petites nouveautés, notamment l'utilisation subtile mais très intéressante de chant agressif et d'ambiances plus sombres, presque orageuses (les nuages sur la pochette, une fois de plus), sur le refrain de "Braving the Seas" ou sur l'intro de "Dawn Within", ou encore le côté heavy old school et l'utilisation de claviers rétro sur le très bon "Time to Grow" qui clôt l'album, à la manière de "Shockwave" sur Desert Call.
On saluera une nouvelle fois la prestation impressionnante de Malek Ben Arbia, maître à penser de la formation, qui délivre mélodies et soli imparables avec une maestria incroyable, tandis que Zaher Zorgatti, impérial au micro une fois de plus (écoutez les refrains de "Time to Grow" ou de "Beyond the Stars" si vous n'êtes pas convaincu) , délivre plus de puissance et d'émotion d'album en album. L'association entre les deux hommes et le talent de leurs compères évoque une nouvelle fois leurs glorieux aînés de Symphony X, alors que leur musique s'éloigne de plus en plus de celle des Américains. La comparaison n'est cependant pas malvenue tant les Tunisiens maîtrisent leur sujet et s'approchent des sommets du genre avec ce nouvel album. On en viendrait même à espérer une tournée associant les 2 groupes, la cohabitation serait plus qu'intéressante à voir et à entendre, à n'en point douter.
Alors, Tales Of The Sands est-il aussi réussi que l'était Desert Call ? Assurément ! En reprenant la même formule sans pour autant la recopier, Myrath livre un album de très haute volée, digne des plus grands, et il est plus qu'agréable d'entendre des albums aussi rafraîchissants dans le monde sclérosé du métal progressif. J'irai même plus loin en affirmant qu'en continuant de faire évoluer leur musique et en y incorporant intelligemment de nouveaux éléments, les Tunisiens nous livrent un album encore meilleur que le précédent. Ne passez pas à côté, écoutez-le et aimez-le : ils le méritent!