Le deuxième album des Roumains sort en 2004, soit deux ans après le quelconque The Scroll Of Stone, et paraît enclencher une dynamique qualitative positive pour le groupe, qui a par ailleurs fortement progressé techniquement.
L’arrivée du claviériste 6Fingers (il aurait quand même pu trouver un autre pseudo…) en lieu et place de Viorel Raileanu n’est probablement pas étrangère à cette évolution: prenant part active à l’écriture des morceaux, le bonhomme a amené avec lui des influences classiques et baroques qui enrichissent considérablement le power metal du groupe, même si celui-ci éprouve toujours quelques difficultés à se démarquer de la concurrence des divisions supérieures (Nightwish, Rhapsody). L’introduction "The Circle", composée par le nouveau venu, est significative de cet état de fait: une orchestration superbe (on a du mal à croire que toutes ces harmonies proviennent de simples keyboards), avec une patte baroque à la Vivaldi, qui n’aurait pas dépareillé sur le dernier album des transalpins menés par Luca Turilli. Puis le premier titre "Bind You Forever" déboule à 1000 km/h et annonce la couleur: les Magica veulent être pris au sérieux. Et avec ce nouveau batteur, plus complet techniquement que son prédécesseur Adrian Mihai, et ce 6Fingers au son si original, ils pourraient ma foi y parvenir.
Ana Mladinovici semble avoir compris qu’il était inutile d’aller empiéter sur les plates-bandes lyriques de Tarja Turunen, et nous délivre un chant plus heavy, infiniment plus performant que celui du premier album, qui se rapproche de celui de Kimberly Goss (Synergy). La jolie dame n’hésite plus à monter très haut, comme sur cet opener ou sur "The Living Grimoire", sans que la musique en souffre. Il se peut même que ses lignes de chant, plus intelligemment pensées, deviennent à l’avenir un atout majeur pour le combo, si Ana continue à progresser aussi sensiblement. Pour l’heure, c’est toujours Bogdan Costea qui sa taille la part léonine de l’attention que l’on peut accorder à Magica. Si l’on reconnaît toujours dans son jeu les influences de Luca Turilli ou d’Emppu Vuorinen, ses riffs taillés au millimètre et ses soli très personnels contribuent largement à distiller une âme aux morceaux.
6Fingers n’est pas en reste. Ses interventions tombent toujours fort à propos, créant un riche canevas d’atmosphères, et sauvent parfois de justesse des titres un peu « bateau » ("Black Lace", "A New Paradise"). Ses leads sont variés et originaux, comme sur "Wormwood", et ses soli sont toujours d’une grande fluidité ainsi que d’une recherche mélodique indéniable. L’intimiste ballade "Samhain" et le dernier titre "Inluminata" (entièrement chanté en roumain, voilà qui change un peu) en disent long sur ses capacités de composition. Il apporte une touche de fraîcheur et de mélancolie qui se fondent à merveille dans la structure heavy des titres de Bogdan, à l’instar d’un Alex Staropoli, qui n’est définitivement pas là uniquement pour seconder Luca Turilli. Le fantôme de Nightwish est toutefois toujours très présent, voire davantage encore que sur The Scroll Of Stone ("Witch’s Broom", "Bittersweet Nightshade"). Pourtant, ce sont curieusement ces titres qui sont les plus réussis, et qui s’incrustent quasi-instantanément dans votre tête. Le meilleur exemple reste le morceau-phare "The Living Grimoire" et son riff directement tiré de "She Is My Sin". Le refrain, lui, rappelle étrangement le "Wings Of Destiny" de Gamma Ray… Mais son accroche mélodique et son solo de clavier gigantesquissime en font un titre imparable. Eh oui, on est plus enclin à pardonner la non-originalité quand c’est bien exécuté.
Côté textes, Bogdan a lâché le trip « donjons et dragons » pour des lyrics plus poétiques et métaphoriques, un peu comme… Tuomas de Nightwish, oui, encore. Il est certes loin de posséder la même verve, mais on progresse! C’est typiquement le genre de « détail » qui va faire la différence entre tous ces groupes qui évoluent plus ou moins dans le même style. La production, elle, assure toujours, même pour les titres à 1000 informations à la seconde, et cela constitue un avantage fondamental pour le groupe, qui va dorénavant pouvoir envisager de ressortir du lot incalculable de groupes « à chanteuse », proliférant actuellement comme des champignons après une pluie d’automne, et rêver – pourquoi pas - à une reconnaissance internationale. Avec en ses rangs des techniciens tels que Bogdan Costea ou 6Fingers, Magica a toutes ses chances. Et il est bien parti pour devenir un sérieux concurrent pour Nightwish.