CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14.5/20
LINE UP
-Shawter
(chant+claviers)
-Izakar
(guitare)
-Werther
(basse)
-Franky
(batterie)
TRACKLIST
1)Abyssal
2)Face the Colossus
3)Back from Life
4)Somebody Died Tonight
5)The World in Between
6)Transylvania
7)Orphan of You
8)The Nightfall and All Its Mistakes
9)Silence #3
10)The Crash
11)Sudden Death
DISCOGRAPHIE
S'il avait marqué une nette avancée sur les terres de l'international (Tue Madsen aux manettes, Vortex de Dimmu Borgir en guest, tournée avec In Flames et Sepultura), What Hell Is About avait malheureusement vu les Dagoba uniformiser leur son à outrance. À part quelques exceptions bienvenues ("Cancer"), toutes les chansons étaient basées sur les mêmes riffs-mitrailleuse à la Demanufacture. C'était donc extrêmement carré, brutal et pro… mais également bien ennuyeux. Face The Colossus allait-il inverser la tendance ?
Foin de suspense inutile : la réponse est oui. Dagoba ne change évidemment pas de style du tout au tout, mais cet album est beaucoup plus mélodique que son prédécesseur et c'est une fort bonne chose. Les riffs en salve d'Izakar calés sur la double-pédale assassine de Franky (toujours aussi énorme) sont bien sûr toujours de la partie… mais ils ne sont plus systématiques, et ils sont entourés de petites innovations qui évitent cette fois-ci la lassitude. On les trouve dans "Back from Life" mais agencés avec intelligence… et surtout l'attention se porte sur Shawter qui fait péter le chant clair-agressif sur toute la chanson, et pas seulement sur le refrain. La puissance du vocaliste reste référentielle : qu'il growle comme un possédé ou qu'il se retranche dans ce chant surgonflé dont la technique rappelle Robb Flynn, Shawter assure mortellement. Mais il n'est pas seul responsable de la variété des ambiances de Face The Colossus : dès qu'Izakar sort de ces fameux riffs purement rythmiques il donne une toute autre dimension aux morceaux. La guitare flirte avec le black sur "Orphan of You", et avec le côté symphonique insufflé par les claviers et samples omniprésents on pense même à Cradle Of Filth par moments.
"The World in Between" révèle une autre face méconnue du combo : la power-ballade classieuse. Sur les couplets Shawter délaisse son agressivité et dévoile son chant véritable pour la première fois, et son timbre mélancolique et éraillé sonne très bien, à l'image des mélodies de ce titre accrocheur sans être outrageusement commercial… contrairement à l'autre morceau calme de l'album, malheureusement. En effet "Silence #3" possède tous les défauts du single évident : rythme up-tempo facile, influences pop-punk difficilement justifiables… mais bon, c'est encore préférable aux moments où Dagoba retombe dans les travers de What Hell Is About, comme sur les couplets "The Nightfall and All Its Mistakes". C'est typiquement le Dagoba pénible qu'on entend là, celui qui balance des riffs « tagadagada » sur une note sans inventivité… mais ô miracle, le groupe cantonne cette approche à des moments ciblés dans la chanson, comme s'il avait compris qu'elle les dessert. L'inventivité des autres moments qui alternent entre thrash, metalcore et ambiant (les samples indus sont merveilleux) compense largement ce retour aux péchés de jeunesse. Si seulement on pouvait comprendre ce qu'on entend ce serait parfait, en somme.
Car le voilà le véritable handicap de Face The Colossus : en accord avec le groupe, Tue Madsen a conconcté une production absolument éléphantesque. Production dans laquelle la batterie martèle la face, où les samples comme le chant sont mis très en avant… et où la guitare se retrouve souvent réduite à un grondement d'arrière-plan, un concentré d'infrabasses qui prend certes de la place dans l'espace sonore mais où entendre quelles notes sont jouées relève de la gageure. Quand on balance une quantité d'infos digne de Strapping Young Lad il faut une production d'une clarté exemplaire (comprendre : à la Townsend)… et pour le coup c'est un échec. Au casque passe encore, mais dès qu'on joue l'album sur des enceintes dignes de ce nom – en particulier avec un caisson de basse - le tout devient complètement bordélique, voire épuisant. Dès qu'Izakar cesse de ramoner sa corde à vide (l'intro de "The Crash" dans les aigus) ou que les murs de samples disparaissent (les couplets thrash/death mortels de "Sudden Death") le problème est moins gênant, mais en règle générale on passe beaucoup de temps à essayer de discerner quel instrument joue quoi. Il n'y a guère que l'instrumental orientalisant "Transylvania" (rien à voir avec Maiden) qui échappe à la règle.
Las ! Beaucoup moins linéaire que celui d'avant, cet album de Dagoba avait tout pour être celui « de la maturité » comme on dit mais les choix de production l'en empêchent. Noyé sous un déluge de double-pédale, de nappes et de samples, l'auditeur est bien en peine de se dépêtrer de tout ça… et les qualités indéniables du disque s'en retrouvent du coup passées au second plan. Il faudra attendre un improbable remaster pour pouvoir profiter des chansons de Face The Colossus… à ce niveau-là c'est vraiment du gâchis.