Parfois, il est de ces satisfactions personnelles qui font du bien par là où elles passent. En effet, la scène metal française ne m'a jamais vraiment apporté ce que je recherchais, en matière de style comme de son. Puis est arrivé le Gojira nouveau, From Mars To Sirius. Première claque, l'année dernière, dont je me suis difficilement remis. En écoutant le nouveau Dagoba, j'ai vite ravalé mes appréhensions: seconde claque, et pas des moindres. J'écoute ce disque en boucle depuis quelque temps maintenant et je dois avouer que ce disque a aussitôt fait voler en éclat toutes mes constatations passées: les groupes français, pour peu qu'ils soient correctement soutenus par leurs labels, peuvent désormais se payer le luxe d'un producteur de renom, le plus souvent étranger, de s'offrir un son extraordinaire et de prétendre, musicalement parlant, à une réputation qui se doit d'aller au-delà des seules frontières françaises.
What Hell Is About, le nouveau brûlot des Marseillais de Dagoba, est la preuve qu'avec un peu de culot, beaucoup de travail et d'acharnement, on peut arriver à un résultat étonnant de maturité et de maîtrise. La plupart des douze compositions qui font ce disque, ont cette force de réunir à la fois technicité (même si elle confine parfois à la redondance, on le verra plus loin) et mélodies imparables. "Die Tomorrow", "The Fall Of Men", le diptyque "The Things Apart"/"The Things Within" envoient la sauce, menées par une batterie qui sort la double la majorité du temps, ainsi que par un mimétisme guitare/batterie, qui fait inévitablement penser aux maîtres Fear Factory et Machine Head, influences avouées du groupe. Le power metal de Dagoba, littéralement dopé aux anabolisants danois - production imparable de Tue Madsen (Mnemic, The Haunted) - fait ici son petit effet, même si l'originalité n'est pas forcément de mise.
L'enrobage, intelligent, est cependant capable de rendre des morceaux a priori déjà vus ("Cancer", "Morphine - The Apostle Of Your Last War", "Livin' Dead") assez originaux. Dagoba a eu cette idée intéressante de parsemer ses morceaux, sans trop en faire, de parties de claviers et de samples électroniques qui apportent une ambiance froide et classieuse à un ensemble parfois trop en pilotage automatique. Les Marseillais se permettent même d'incorporer quelques influences venues de la scène metalcore - chant hurlé sur les couplets, refrain chanté (l'excellent "The Things Within" et "Cancer", respirations aériennes bienvenues au sein d'un ensemble étouffant de puissance), prouvant qu'ils sont ainsi très ouverts à d'autres styles d'expression, plutôt que de capitaliser entièrement sur la puissance monstrueuse de leur son, indéniable sur ce nouvel effort. La marge de progression est à ce titre impressionnante depuis leur premier album éponyme (Dagoba, 2003).
Cerise sur le gâteau déjà bien copieux (plusieurs écoutes seront nécessaires afin de tirer la substantifique moëlle de cet album), la présence charismatique de Simen Hestnaes, ce cher Vortex issu d'Arcturus et de Dimmu Borgir, sur deux morceaux, dont le splendide "It's All About Time", hymne à l'épique froideur des contrées nordiques. Couplet dévastateur, hurlé par un Shawter en pleine possession de ses moyens vocaux sur refrain blasté absolument incroyable, rehaussé par la présence de la voix incoyable de Vortex, qui fait, une fois de plus en quatre lignes de chant, des miracles: un mélange des genres qui appelle au génie, ici! On regrettera juste que ce morceau déroule un peu trop vers la fin, il eût été parfait sinon.
What Hell Is About est le disque de la révélation pour Dagoba, qui mérite, maintenant, amplement son titre de Machine Head français, tout en conservant une part d'originalité artistique qui fait leur style. On espère que ce succès incontestable en appellera d'autres, car il ne faut surtout pas que Dagoba s'enferme dans ce son typiquement Madsenien et qu'il se débarrasse enfin des quelques irrégularités dont il peut encore faire preuve sur ce disque (chant clair encore juste, riffs parfois peu inventifs). Une excellente surprise en ce début d'année pour le metal extrême français: peuchère, je suis content.