CHRONIQUE PAR ...
Cosmic Camel Clash
Cette chronique a été importée depuis metal-immortel
Sa note :
17/20
LINE UP
-Agnete M. Kirkevaag
(chant)
-BP M. Kirkevaag
(guitare+chœurs)
-Eirik Ulvo Langnes
(guitare)
-Pål Mozart Bjørke
(basse+claviers)
-Mads Solås
(batterie)
TRACKLIST
1)Breaker of Worlds
2)To Kill and Kill Again
3)The Cluster Children
4)Ruby Red
5)Head on Pillow
6)Turn the War On
7)Four Chambers
8)Ten Times Defeat
9)Traitor's Mark
DISCOGRAPHIE
Nous sommes en 2001, et un petit groupe norvégien commence à faire parler de lui dans les sphères très privées de l'underground. Mené par la fratrie Kirkevaag qui continuera à mener sa barque contre vents et marées, Madder Mortem sort avec All Flesh Is Grass son deuxième album après un Mercury introuvable aujourd'hui. Avant le changement quasi-complet de line-up qui précèdera l'enregistrement de Deadlands, les Madders nous délivrent un formidable album qui fleure bon le doom et qui établit déjà l'identité du groupe avec brio.
Ce qui est époustouflant avec Madder Mortem, c'est qu'après la baffe Desiderata qui a déclenché la passion de votre serviteur on cherche toujours la faille, le point faible dans leur discographie. Car en 2001 le groupe est déjà unique en son genre et le son si particulier qui est le leur est déjà établi... et pourtant All Flesh Is Grass est fondamentalement différent des albums qui suivront. L'opener "Breaker Of Worlds" ne ressemble à rien de connu et pourtant la maîtrise et la classe sont déjà là : la voix maniérée puis lyrique d'Agnete (quelle ligne de chant !), les breaks incongrus, le feeling incroyablement lourd et écrasant du titre qui laisse place à une puissance épique imprévisible... c'est du Madder, aucun doute possible. La puissance de la production est ahurissante quand on sait que le groupe a co-produit sa galette lui-même : les guitares ont déjà ce grain inimitable et la basse ronronne comme elle ne cessera de le faire plus tard. On est en terrain connu, mais pourtant tout est différent.
Le groupe pratique déjà l'alternance dissonance/mélodie : "To Kill And Kill Again" présente le même type de rapport tordu entre riffs et chant qu'on retrouvera des années plus tard dans "My Name Is Silence" mais c'est l'ambiance de fin du monde qui surprend. Les doomsters seront heureux : Madder aligne de très nombreux passages lents sur cet album et a ainsi contribué à brouiller les pistes très tôt. Lisez les autres chroniques de cet album disponibles sur le web : il est parfois listé sous l'étiquette « heavy », parfois « doom », parfois « goth », cette étiquette étant d'ailleurs totalement injustifiée. Il n'y a rien de gothique dans All Flesh Is Grass et on sent que cette dénomination n'a été qu'un raccourci facile pour un groupe de métal pratiquant une musique sombre à chanteuse. Car s'il y a un genre dans lequel Madder Mortem peut être rangé, c'est bien le métal progressif ! Attention, on parle ici de métal progressif au sens propre, à savoir qui ne s'impose aucune limite.
Le début incongru et les breaks permanents de "The Cluster Children" (titre hermétique s'il en est) ne laissent aucun doute : nous sommes face à une formation imprévisible. Qu'est-ce qui pourrait préparer l'auditeur aux intros éthérées de "Ruby Red", à la doublette contemplative "Head On Pillow" / "Turn The War On" puis à l'arrivée soudaine de la puissance et de la folie dans le dernier titre cité qui part dans des arabesques totalement folles ? Comment pourrait-on anticiper la rythmique thrashcore de "4 Chambers", son passage central imprécatoire et son final en apothéose ? L'intro de basse mélodique du monstrueux "Ten Times Defeat", le chant possédé d'Agnete, le feeling à la fois catchy et terriblement dissonant, quel groupe nous l'avait proposé avant ? Aucun... C'est en cela qu'All Flesh Is Grass est un album fondamental : même s'il pêche par un côté parfois trop alambiqué (faut s'accrocher pour suivre) il rappelle que Madder Mortem incarne la notion même de progressif, à savoir qu'on ne peut jamais savoir quel plan va arriver.
Cet album s'affirme comme un des plus progressifs de Madder Mortem. Deadlands n'a pas encore fait entrer le néo dans l'équation, les « tubes » de Desiderata sont absents, mais Madder fait déjà du Madder, et avec un talent insolent en plus. Déconseillé à tous ceux qui ne supportent pas le refus systématique de la facilité, All Flesh Is Grass est un grand album qui lie un côté totalement imprévisible à l'affirmation déjà très maitrisée d'une personnalité unique. Impressionnant.