L'avantage de chroniquer des archives, c'est de disposer de plus de recul pour analyser l'album. Et là, vous vous dites « ouais, super Kroboy, t'as trouvé ça tout seul ?» Bon, je reformule et je précise : dans le cas présent, à la sortie de Seven Seals, Primal Fear nous avait promis (enfin !) pas mal de changement. Cette chronique est l'occasion rêvée de revenir sur le discours promo de l'époque, en l'occurence l'interview de Mat Sinner dans le Rock Hard n°48, pour faire le tri entre les « vrais changements » et les « faux changements ».
« Nous avons tout spécialement porté nos efforts sur les arrangements et les orchestrations » : entièrement d'accord avec toi, Mat. Cette volonté est affichée dès l'intro du premier titre "Demons and Angels", même si le reste de celui-ci ne s'inscrit pas dans cette tendance. De ce point de vue, 2 titres ressortent particulièrement du lot. Premièrement, "Seven Seals". Pas étonnant que ce titre ait donné son nom à l'album, car c'est celui qui symbolise le mieux la volonté d'intégrer de nouveaux ingrédients dans la recette du groupe. Voilà une compo lente, aux arrangements travaillés, et pour une fois construite autour de la mélodie vocale. Cela permet à Scheepers de chanter moins en force et plus naturellement (notamment sur les couplets), et d'utiliser à meilleur escient sa puissance dans les aigus sur un refrain agrémenté de jolies harmonies vocales. Une belle réussite, mais qui est éclipsée par le vrai sommet de cet album : "Diabolus". Un peu le même schéma, mais pour un titre plus ambitieux, avec des lignes de claviers et des chœurs majestueux, un grand refrain, et une bonne petite accélération au milieu : du grand Art !
(Concernant les longs morceaux, dont 3 dépassent les 7 minutes, une première pour Primal Fear) « Nous n'avons pas rallongé ces morceaux par plaisir ou par simple esprit de surenchère » : alors là, c'est déjà plus litigieux. Si Diabolus (7:54) semble couler de source grâce à sa grande qualité d'écriture, "All For One" (7:53) et "Question Of Honour" (7:26) s'avèrent déjà nettement moins convaincantes, et leur longue durée beaucoup plus artificielle. Dans les deux cas, on retrouve : des intros d'une minute pas franchement indispensables (surtout sur "Question Of Honour", puisque l'intro n'a clairement rien à voir avec le reste du morceau) ; des parties musicales à rallonge, mais qui sonnent surtout comme des répétitions en veux-tu en voilà de plans pas spécialement enthousiasmants sur un plan individuel ; et la répétition finale du refrain et du thème principal, ce qui dans les deux cas rallonge la sauce d'une autre bonne minute. Au final, les deux titres en question sonnent surtout comme le fruit de l'application de la méthode Maiden, puisque les Anglais ont également tendance à proposer depuis quelques années de longs morceaux assez imbuvables.
« Les mélodies donnent au groupe une image plutôt nouvelle » : là encore, je ne suis qu'à moitié d'accord avec Mat. Dès ses débuts, Primal Fear avait su proposer des titres qui faisaient la part belle aux mélodies ("Silver and Gold", Promised Land", Final Embrace"…), avant de laisser cette piste de côté par la suite ; sur Seven Seals, les Allemands ne font qu'y revenir avec un certain talent. S'appuyant sur une production un peu moins brute qu'à l'accoutumée, Primal Fear retrouve ses élans mélodiques sur des titres comme "Rollercoaster" ou l'imparable "The Immortal Ones", allant jusqu'à proposer une rock ballad très réussie ("In Memory"). En revanche, les Allemands retombent très rapidement dans leurs travers : le plagiat et l'autocitation. Ca commence dès "Demons and Angels", qui recycle une nouvelle fois le refrain de "Silver and Gold", mais le phénomène atteint son paroxysme sur "All for One" : l'intro douce et grave rappelle "Rebellion in Dreamland" de Gamma Ray, le couplet ressemble énormément à celui de "Hallowed Be Thy Name" de Maiden et le refrain est auto-repompé sur "Colony 13" (Devil's Ground). Carrément le grand chelem !
« Seven Seals ne cherche pas à éloigner ses concepteurs de leurs fans, envers lesquels ils doivent se montrer loyaux, mais il prétend leur donner l'image de musiciens plus ambitieux, soucieux de parfaire un style musical qu'ils souhaitent plus dense, plus abouti, plus universel » : ah ben merci Mat, là tu as tout résumé d'un coup ! Seven Seals apporte donc un peu de sang neuf à la disco de Primal Fear, sans être non plus une grande révolution comme il est parfois présenté. L'intention était louable, dommage que le résultat soit parasité par trop de redite et par quelques titres faiblards ("Carniwar", "Question of Honour", "The Union"…). Un bon cru tout de même, doublé d'une belle réaction d'orgueil après le catastrophique Devil's Ground.