Windir est une véritable armée maintenant, forte et qui a commencé sa conquête du monde, toujours menée par le fier et intrépide Valfar. Comme tous les deux ans, le Viking relance son armée vers la destruction. Pris de rage prophétique, cette attaque sera plus violente, plus tempétueuse que toutes les précédentes. Sans que Valfar ne le sache, ce sera la dernière. Le 14 Janvier 2004, Valfar meurt d’hypothermie, pris dans une tempête de neige alors qu’il randonnait dans les montagnes de Sogndal.
Le groupe fut prophétique, dans une inspiration malheureuse presque, puisque la thématique de l’album est la mort. Le mot « Likferd » signifie procession mortuaire, du lieu de la veille vers l’endroit où le corps du défunt sera inhumé. La couverture est une représentation d’une peinture des romantiques Tiedemann et Gude, intitulée Likferd på Sognefjorden. Comme s'il le savait, pour son dernier album, Valfar a donc mis l’accent sur les ténèbres: mort, tristesse, sang, ses sujets habituels sont toujours présents, juste en quantité moindre: honneur et bataille, ainsi que la saga d’Arntor, le héros de Sogndal. En conséquence, cela se ressent dans la musique, qui est de loin plus agressive que par le passé, et aussi plus noire. "On the Mountain of Goats" présente la face la plus sombre de Windir depuis "Likbør". Le timbre de Valfar ne fut jamais aussi agressif, aussi haineux, les compositions contiennent beaucoup plus de blast-beats, de riffs en tremolo.
Cela signifierait-il que Likferd est un disque de pur black metal, sans la touche Windir ? Si elle semble moins évidente à la première écoute, elle est toujours présente. Le clavier est omniprésent, bien entendu, mais plus en retenue. Sur "Resurrection of the Wild" et "Martyrium", il reste dans les couches plus profondes du mix pour supporter en permanence les guitares vrombissantes. Nous retrouvons cependant toujours les nappes aériennes, comme sur "Fagning" (d’une beauté froide à couper le souffle) et "Dauden", deux titres qui ne dépareraient pas sur Arntor. Si les chansons semblent perdre en apparence, elles gagnent en profondeur d'émotion. Likferd émeut, avec toute la mélancolie qui transpire de mélodies moins évidentes, moins apparentes mais plus belles, encore plus travaillées, d’harmonies encore plus riches ("Martyrium" et "Blodssvik", au final d’une force époustouflante).
Si un des caractères de Windir disparaît lors de cette évolution, ce sont les touches folkloriques qui coloraient les albums précédents. L'accordéon est absent, point de reprise de thèmes populaires dans les mélodies. Cependant, Valfar et son armée n’ont pas écrit l’album parfait, celui qui surpasserait 1184 ou Arntor. Si l’album est homogène et cohérent, il contient moins de dimensions, une aura plus restreinte en quelque sorte. Sans compter que l’inspiration de Valfar fut quelque fois un peu en berne, "Dauden" ou encore "Ætti Mørkna" accrochent moins l’oreille que le reste. Il n’en reste pas moins d’une finesse d'écriture encore plus forte, et aussi le summum en matière de production: les guitares sont moins tranchées, avec une texture plus épaisse, tout en gardant la clarté du cristal.
Windir clôt sa carrière, exemplaire, sur un album fort, avec une violence plus marquée que par le passé, et une finesse d'écriture incroyable. Riche en émotion, avec plus de retenue, Likferd aurait pu être un album de transition. Impossible de refaire l’Histoire, et ce qu’il nous reste maintenant est quatre albums. Quatre disques qui font voyager, rêver, quatre disques à vivre, pour que Valfar continue d’être éternel.
P.S.: Si vous désirez continuer l’aventure Windir, deux produits posthumes sont sortis. Le premier est un album tribute en deux disques: Valfar, Ein Windir. Un des CD est un best-of, le second plus intéressant contient les compositions que Valfar avait finalisées pour le cinquième album, des pistes live et des reprises-hommages par Enslaved, Finntroll et d’autres. L’autre sorti est un DVD, Sognametal, contenant l’enregistrement du concert hommage de Windir à Valfar.