Dix ans après avoir splitté dans l’indifférence quasi générale, Destruction remet le couvert sous l’impulsion du tandem de choc Schmier et Mike, enfin réconciliés. Après avoir tâté le terrain sur plusieurs festivals allemands en 1999, les deux compères ont été littéralement bluffés par l’accueil chaleureux qui leur a été réservé et ont donc décidé de relancer la machine. Premières indications : reformation sous la forme initiale en trio et réapparition des cartouchières. Tout ça fleure bon le retour aux sources.
S’il y a bien une chose à mettre au crédit des Allemands, c’est que cette réunion se fait uniquement par passion et non pas par un quelconque opportunisme. En effet, il faut bien avouer qu’en cette année 2000, la scène thrash est moribonde. Parmi les piliers historiques du genre, il n’y a plus guère que Sodom qui perpétue la tradition, et dans un relatif anonymat de surcroît. Tous les autres ont jeté l’éponge depuis longtemps ou se sont dirigés vers d’autres voies, laissant orphelins les vieux fans nostalgiques de l’âge d’or des 80’s. Mais bon, tout ça c’est bien gentil, mais ça garantit pas un bon album pour autant. Surtout que la réputation des Allemands n’a pas été assez solide pour en faire une référence incontournable connue et vénérée par les plus jeunes amateurs du genre, tandis que les plus anciens guettent ce retour avec scepticisme. A première vue, Destruction a donc plus de chances de se vautrer qu’autre chose.
Alors pour son grand retour, le groupe a mis quelques atouts de son côté. Premièrement, il s’est offert les services d’un producteur dans le vent, Peter Tägtgren. Celui-ci accomplit parfaitement sa mission, c’est à dire concocter un son moderne tout en respectant l’esprit thrash old school. Deuxièmement, Destruction nous jette en pâture des compositions en béton armé. L’enchaînement des quatre premiers titres (hors intro) est un modèle du genre : crochet au foie qui cueille à froid d’entrée avec "The Final Curtain", direct du gauche avec "Machinery of Lies", crochet du droit avec "Tears of Blood" et enfin, uppercut final avec "Devastation of your Soul" pour un K.O. imparable. 4 titres de thrash pur et dur, 4 parpaings dans la tronche : n’en jetez plus, la messe est dite. Digne d’un Mike Tyson à la belle époque. Les vétérans la jouent à l’expérience avec une fougue retrouvée de jeune premier : Schmier vomit ses tripes sur des textes revanchards, et Mike pond ses meilleurs riffs et ses soli les plus affûtés. Quant au troisième homme, le nouveau venu à la batterie Sven Vormann (qui a dit François Bayrou ?), il se met au diapason de ses glorieux aînés et martèle ses fûts avec la plus grande conviction.
Après un tel déferlement de violence maîtrisée, Destruction peut bien se permettre quelques petites fantaisies. Réenregistrement du classique “Total Desaster”, remerciements aux fans via les paroles de “The Butcher Strikes Back” (difficile de faire plus clair « Thanks to those who obey and believe in Destruction »), le groupe est libre de ses mouvements et surtout, pour la première fois depuis longtemps, en pleine confiance. Même les morceaux mid-tempo, traditionnellement un de leurs points faibles, font mouche. Alors, finalement, peu importe que les deux derniers morceaux soient bâclés ou que le refrain choral du morceau éponyme manque complètement sa cible : indéniablement, les Allemands ont réussi un retour fracassant au-delà de toutes les espérances. Destruction is back, and he’s back with a vengeance !