CHRONIQUE PAR ...
Flower King
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-Alan "Nemtheanga" Averill
(chant)
-Ciáran MacUiliam
(guitare+mandoline+flûte)
-Pól "Paul" MacAmlaigh
(basse+bodhran)
-Simon O'Laoghaire
(batterie+bodhran)
TRACKLIST
1)Graven Idol
2)Dark Song
3)Autumn's Ablaze
4)Journey's End
5)Solitary Mourner
6)Bitter Harvest
7)An Aistear Deirneach
Bonus:
8)Let the Sun Set On Life Forever
CD BONUS (réedition 2009)
Live At The Ritz, Lisbon, Portugal, December 9, 1999
1)Infernal Summer
2)The Calling
3)Journey's End
4)Children of the Harvest
5)The Burning Season
6)The Purging Fire (Gods to the Godless)
7)Autumn's Ablaze
8)Let the Sun Set On Life Forever
9)Graven Idol
10)To Enter Pagan
DISCOGRAPHIE
The Gathering Wilderness est l’album par lequel tout est arrivé. Le saut dans la Cour des Grands. La reconnaissance du metalleux moyen, pour qui Primordial n’était alors qu'un Opeth-like, ce qui, tout bien réfléchi, n'a jamais été le cas. Tout cela est très bien, mais il ne faudrait pas à voir à négliger ce qui a pu se faire avant. Heureusement, Metal Blade se lance dans la réedition des quatre premiers albums du groupe, agrémentés de bonus plus ou moins judicieux…
Et dans le cas de Journey’s End, on penchera plutôt vers le pas judicieux du tout. Cette prestation live de 1999 est un beau cadeau pour les fans, bien sûr, mais avec une qualité sonore digne d’un bootleg ukrainien, difficile de rendre justice aux compositions du groupe, surtout quand ce dernier n’offre pas une prestation exemplaire. On ne reprochera pas à Nemtheanga de ne pas s’investir dans son rôle de frontman, mais il faut un peu plus que des « raise your fucking hands » lancés à tout bout de champ pour convaincre. Ses interventions incessantes finissent par desservir la dimension épique des morceaux, quand ce n’est pas le batteur qui s’en charge à force d’approximations. Logiquement, les trois morceaux tirés de Spirit The Earth Aflame sont ceux qui en pâtissent le plus, et "The Burning Season" est carrément massacrée par un choix rythmique incompréhensible, alors que ce binaire implacable de la version album fait une grande partie de sa force.
Mais ce live malheureux ne fait que résumer, de manière très cruelle, la situation de Primordial a l’époque de Journey’s End : celle d’un groupe en transition. Du black folk un peu brouillon d’Imrama à la charge majestueuse d’un Spirit…, il fallait une étape intermédiaire qui s’incarne dans ce présent album. "Graven Idol", en ouverture, résume parfaitement la situation : les compositions se font plus ambitieuses, les atmosphères prennent le temps de s’installer, les riffs arrache-cœur sont de la partie … mais si du précédent, ils ont conservé cette patte Irlandaise savoureuse, ils ne se sont pas non plus séparés des transitions hasardeuses et de la production enrhumée. Nemtheanga lui-même n’est pas à son sommet au chant clair, ce qui rend inexplicable la présence d’une ballade comme "Dark Song" où tout ou presque passe par la voix. Le résultat est là : un refrain proche du risible pour un morceau passable.
Et malgré ces approximations, ces quelques longueurs ("Bitter Harvest", malgré une intro colossale et un final rageur, ne sait pas trop où nous emmener sur ses 10 minutes), on sent que quelque chose est sur le point de se passer. Qu’il y a là un réel talent pour conter une histoire, en tissant encore et toujours le même fil, sans que jamais il ne s’étiole ou ne s’épuise. On sent, à l’écoute de la plage-titre, de cette introduction qui monte et monte encore, ces trois minutes intenses qui brodent le même thème poignant sans jamais nous en écœurer et nous amènent en plein cœur de la bataille où le barde prendra le relais, que Primordial est né pour ça. Pour l’épique, le guerrier à fleur de peau. Pour la linéarité écrasante, le même rythme qui nous porte jusqu'à plus soif. Et que cela sonne comme une charge, pas juste une lamentation. Voilà ce qu’il leur fallait. Voilà ce qu’il nous fallait.
Et si aucun autre titre de Journey’s End ne pointe clairement dans cette direction, on en ressent les prémisses dans un certain nombre de passages. La première moitié de "Autumn’s Ablaze" témoigne du même soin pour le riff marquant, la sauvagerie dramatique ; l’instrumental "An Aistear Deirneach" joue la carte de la montée en puissance insidieuse, tandis que son flûtiau lui donne un cachet inquiétant supplémentaire. Et n’oublions pas le titre bonus "Let the Sun Set On Life Forever", originellement paru sur en EP en 1999, alors que cette nouvelle orientation était plus marquée encore. Ce réenregistrement d’un titre d’Imrama perd en bruit et fureur ce qu’il gagne en lyrisme et profondeur, et cette majesté fraîchement trouvée leur va tellement bien au teint qu’on laisserait facilement tourner ce riff final, lourd, imposant, deux-trois minutes de plus, pour le plaisir.
À la croisée des chemins, donc, ce Journey’s End. Les vallées d’Irlande ne seront plus si ardemment explorées sur le disque suivant, car le groupe se tourne vers la bataille, titanesque, qui fait rage sur les rivages du monde ; et croyez bien que lorsqu’ils y viendront, ils seront conquérants. D’ici là, l’heure est à une jeunesse plus maladroite, mais dont les nombreux mérites sont à (re)découvrir. Et tant qu’à faire, privilégiez l’édition 2000 de Hammerheart, vous aurez le titre bonus et vous échapperez au live.