CHRONIQUE PAR ...
Arroway's
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-Marco Glühmann
(chant)
-Jan Petersen
(guitare)
-Sebastien Harnack
(basse)
-Volker Söhl
(claviers)
-Matthias Harder
(batterie)
TRACKLIST
1)Force of Gravity
2)Follow Me
3)Isle in Me
4)Embedded
5)Turn of the Tide
6)From the Silence
7)Midnight Sun
8)King Porn
9)Episode 609
10)God of Rubbish
11)Vapour Trail
DISCOGRAPHIE
Abordera-t-on Force Of Gravity sans espérer secrètement découvrir un album digne de Posthumous Silence? Si l'on fait partie de ceux qui ont reconnu la qualité exceptionnelle de cet opus sorti en 2007, il est difficile en effet de ne pas y revenir pour juger de la prestation de Sylvan, et a fortiori de leur dernière production. Le point sensible va porter sur l'évolution musicale. Car les Allemands, même sur le plus réussi de leurs albums, n'ont jamais brillé par leur originalité époustouflante. Et à force, contourner la critique peut se révéler être un exercice périlleux.
Sylvan nous gratifie d'un album très consistant (plus de 60 minutes) où l'on retrouve les qualités mélodiques et techniques auxquelles nous sommes maintenant habitués. Mais le groupe s'essouffle sur la longueur, et pas forcément là où on l'attendrait. "Force of Gravity" fait office de hors-d'œuvre assez conventionnel pour nous mettre en bouche. Pas d'éclat sur ce premier morceau assez magistral, Sylvan nous ressert la recette qui marche à coup sûr: des mélodies entrainantes, pas de déballage technique ostentatoire, un ensemble très accessible et « popisant ». Comme toujours, le groupe a su ajouter quelques touches un peu nouvelles pour ne pas se faire trop ouvertement taxer de répétition. Sylvan est le spécialiste de la parade: difficile en effet de trop leur en vouloir au sujet des conventions tellement le résultat est irréprochable. Malheureusement sur Force Of Gravity, l'auditeur n'y trouve plus son compte. Il faut dire aussi qu'il est exigeant.
Que l'on écoute ce nouvel album avec attention ou d'une seule oreille, le constat est le même: nombre de thèmes mélodiques sonnent de manière très familière. Sont exhibés au pilori les morceaux "Isle in Me", "From the Silence" et "Episode 609". La voix particulière de Glühmann est pour beaucoup dans cette impression. Que se soit dans les atmosphères, les effets vocaux ou l'évolution du morceau, les musiciens réutilisent (et ils n'ont pas tort dans l'absolu) un grand nombre d'éléments qu'ils ont pris l'habitude d'intégrer dans leurs compositions. Par ailleurs, la succession de trois titres mid-tempo de "Isle in Me" à "Turn of the Tide" engourdit considérablement l'album, même si elle n'est pas exempte de passages plus remarquables, en particulier les deux dernières minutes de "Turn of the Tide" bien inspirées. Et lorsque "From the Silence" tente péniblement de redonner de l'élan, son effort ne résiste pas aux assauts du titre suivant, un duo mièvre au possible avec Miriam Schell.
Heureusement l'album prend un nouveau départ avec "King Porn". Sylvan retente les riffs un peu musclés joués sur "Follow Me" et interprète une partition aux accents un peu plus excitants. On aura noté également dès les premiers titres le travail de Glühmann au chant sur des techniques différentes: sans abandonner ses lignes claires très harmonieuses, il privilégie des effets moins lisses pour un rendu plus irrégulier qui n'est pas dépourvu d'intérêt. L'effort est appréciable, mais on ne peut s'empêcher de regretter des transitions moins nettes et qui parfois accrochent. Toutefois à partir de "From the Silence" et en particulier sur "King Porn" la prestation est irréprochable. Enfin, il n'est plus possible à ce stade de ne pas remarquer l'influence dream theaterienne qui hantait déjà les deux premiers morceaux (et qui revient aussi surement sur "Vapour Trail"): quelques riffs métal très heavy, des éclats magistraux et des soli certes attendus mais déchargés de tout surpoids démonstratif. On appréciera généralement ces interventions plus rentre-dedans qui égayent le quotidien.
L'impression laissée par les deux derniers morceaux reste mitigée. "God of Rubbish" est un titre rock très direct qui, sans surprendre par son format très classique, tranche tout de même positivement avec le reste de l'album. L'album conclut sur le titre fleuve "Vapour Trail" où le bon et le dispensable se succèdent. Sylvan ose le mid-tempo sur un titre long de 14 minutes et réussit à être convaincant. On retiendra essentiellement de très bons soli de guitare aux détails judicieux, une performance vocale appréciable et le développement d'atmosphères bien posées entre prog métal et jazz. Dommage pour les passages théâtraux fortement influencés, quelques lieux communs et la montée finale au chant peu concluante –Glühmann nous avait habitué à plus d'aisance. Après un faux départ si l'on excepte "Follow Me", l'album vit donc essentiellement grâce aux quatre derniers morceaux qui lui redonnent quelques couleurs et un peu d'intérêt, sans toutefois réussir le sans-faute.
Sylvan réalise avec Force Of Gravity un album inégal qui souffre de quelques longueurs et d'un renouvellement insuffisant au niveau des compositions. Pourtant Sylvan tente indubitablement de produire quelque chose de neuf tout en respectant sa marque de fabrique et le résultat, lorsque c'est le cas, est plutôt satisfaisant. Mais arrivé à ce stade, on souhaiterait voir Sylvan oser plus franchement pour susciter une réelle émotion d'un bout à l'autre de l'album – et on sait qu'ils en sont capables.