Korn -
III - Remember Who You Are
Annonce de retour aux sources = inquiétude légitime. A force de nous l'avoir faite, celle-là, on finit par la voir venir. Quand en plus le groupe décide de mettre le paquet sur le concept (producteur d'origine ET référence dans le titre), on se dit que ça risque de ne vraiment pas le faire. Le feeling général concernant cet album n'était donc pas très bon, et maintenant qu'il est là on se rend compte qu'une fois de plus, l'intuition est souvent bonne conseillère. Car des raisons de se plaindre à l'écoute de Remember Who You Are il y en a... même s'il n'y a pas que ça.
Écartons tout de suite l'énorme évidence : retour total au feeling sonore des débuts, soit sans éléments synthétiques ou presque. Le coup qu'ils avaient déjà fait pour Take A Look In The Mirror en quelque sorte. Le son est juste beaucoup plus gros qu'à l'époque, d'une ampleur impressionnante, riche en graves très chauds. Le jeu de Ray Luzier est également bien mis en valeur et c'est un bonheur tant ce dernier se révèle la surprise de III. Après avoir contemplé attristé la détérioration du jeu de David Silveria album après album, le groove et la vélocité du nouveau font vraiment du bien. Fieldy repart dans les approches purement percussives qui l'ont rendu célèbre et Davis se contente d'être comme il est depuis maintenant plusieurs années : parfait. La présence de Robinson à la production se fait sentir de temps à autres dans ses lignes de chant, en particulier dans ces moments où on le sent totalement poussé à bout. Quand il crache ses tripes sur "Move On", on imagine bien le bon Ross lui avoir beuglé cent fois auparavant « Tu n'y vas pas à fond ! Tu ne creuses pas assez loin ! On la refait ! ». Bref sur le papier Korn fait du Korn à la perfection, et la présence de tous ces éléments devraient donner un produit fini explosif. Sauf que non.
« Korn fait du Korn », tout le malheur est dans cette phrase. Plutôt que de donner l'impression de sortir des tripes justement, les chansons de Remember Who You Are semblent avoir été composées selon un cahier des charges. Sur les refrains de "Lead the Parade" ou "Fear Is a Place to Live", on n'arrive même pas à dire à quelle chanson de Korn ça ressemble tellement c'est générique. Le rythme disco du refrain de "Let the Guilt Go", on commence à le connaître depuis "Got the Life". Et ainsi de suite : soit les plans sont un renvoi à tout ce que le groupe a pu produire soit (pire) ils sont un renvoi à un titre en particulier. Et malheureusement cette redondance finit par déteindre à un autre niveau : à l'écoute de cet album on commence à en avoir marre d'entendre Davis se lamenter un fois de plus sur son sort. A l'écouter enchaîner les « can't take it anymore » on a envie de lui demander comment ça se fait qu'il ne va toujours pas mieux depuis le temps, parce que bon, là, ça devient lourd. Tous les textes sont similaires et ça saoule sérieusement. En tous cas des exceptions se trouvent tout de même dans cette avalanche de références aux albums pré-Untouchables : des références aux albums post-Untouchables, ô joie !
Korn n'a pas pu se retenir de saupoudrer ici et là des éléments inspirés de leurs méfaits plus mélodiques... et ce sont souvent les meilleurs moments de l'album. Les couplets de "Lead the Parade" en sont un bel exemple avec des plans pop à la limite du parfait que le groupe abandonne immédiatement pour enchaîner avec une partie violente et barrée sans intérêt. Les breaks mélodiques post-rock de "Are You Ready To Live ?" viennent du même héritage (Davis se montre stupéfiant sur l'outro) et eux aussi apportent une respiration... car à chaque fois que ce genre d'accalmie se produit, c'est la seule étincelle d'inventivité que l'on repère au milieu de riffs jumpy tous coulés dans le même moule. Munky ne s'est vraiment pas foulé sur Remember Who You Are à ce niveau, et la seule compo qui présente un riff vraiment intéressant est "Pop A Pill" où Fieldy envoie de surcroît un triple slap qui déboîte complètement. Les couplets de la compo sont donc très agréables, mais régulièrement gâchés par un refrain une fois encore frappé du sceau du déjà-entendu. C'est donc très rapidement pénible, et comme la plupart des titres parvenant encore à être accrocheurs sont sur la première moitié de l'album, l'écoute de la deuxième moitié est longue...
Ce n'est pas toujours drôle d'avoir raison. Korn avait lancé une annonce officielle de fail en présentant la démarche artistique de Remember Who You Are, et ça n'a pas loupé. Message aux groupes de tous horizons : cessez de vouloir recapturer l'esprit d'une autre époque, ça n'est jamais une bonne idée. Car quand vous avez sorti vos albums à ladite époque, vous n'étiez pas en train de tenter d'en capturer une autre... et c'est pour ça qu'ils étaient bons, eux.