CHRONIQUE PAR ...
Pingouin
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
15/20
LINE UP
-David White
(chant)
-Lee Altus
(guitare)
-Kragen Lum
(guitare)
-Jon Torres
(basse)
-Darren Minter
(batterie)
TRACKLIST
1)Intro
2)Dying Season
3)Control by Chaos
4)No Stone Unturned
5)Arrows of Agony
6)Fade Away
7)A Hero’s Welcome
8)Undone
9)Bloodkult
10)Red Tears of Disgrace
11)Silent Nothingness
DISCOGRAPHIE
Heathen fait partie de ces groupes de thrash de deuxième génération (à l’instar de Forbidden, Testament et quelques autres) considérés comme des seconds couteaux car arrivés après la bataille. Reformé comme beaucoup de ses collègues à l’occasion du concert de soutien à Chuck Billy en 2001, Heathen est parvenu à raviver l’intérêt en proposant ses 2 albums en écoute gratuite sur son site, en laissant Lee Altus rejoindre Exodus à grand renfort de communiqués de presse, et surtout en publiant fin 2005 une démo qui a fait saliver tous ceux qui ont réussi à mettre les mains dessus.
Il aura fallu attendre 2009 pour que Lee Altus parvienne enfin à se libérer de Exodus pour finaliser ce troisième album, toujours secondé par David White (en charge des textes) et entouré d’un nouveau line-up, Jon Torres (ex-Angel Witch) à la basse et le gratteux Kragen Lum qui n’a officié que dans des groupes obscurs. Malgré les années, le style du groupe n’a pas bougé d’un poil, toujours ce thrash mélodique et technique à la Metallica (je vous parle du Metallica des années 80, pas de celui d’aujourd’hui qui empile les riffs en espérant que ça sonne bien). Les quelques repompes de la bande à Hetfield qui grevaient les 2 premiers albums font de nouveau leur apparition. Le pompon est atteint sur le pavé de onze minutes "No Stone Unturned" (quoique parfaitement écoutable) qui nous propose une relecture de "Leper Messiah" sur les couplets, un break atmosphérique piqué à "Orion" et un solo final rappelant "One". Sacré Lee, t’es vraiment un escroc ! Dans la même veine, le groupe s’en sort bien mieux sur la torpille "Silent Nothingness", où les clins d’oeil à "Battery" sont suffisamment subtils pour ne pas agacer. Le titre est de plus porté par un refrain en béton armé et un final épique qui en font une superbe conclusion et un des moments forts du disque.
En plus de ces deux titres, les autres caractéristiques du groupe sont toujours là. La doublette d’intro "Dying Season"/"Control By Chaos", qui propose riffs galopants, mélodies omniprésentes et avalanche de soli aurait pu figurer sur Victims Of Deception. Mais n’allez pas croire que Heathen se contente de refaire exactement la même musique qu’il y a 20 ans. Le groupe fait l’effort de brasser large et de balayer tout le spectre du thrash. On a certes droit à une tambouille classique ("Bloodkult", son solo bruitiste à la Slayer et ses chœurs de hooligans bourrés, "Arrows of Agony"), mais aussi à des éléments plus surprenants, comme "Fade Away" dont le riff tordu aurait pu figurer sur un album récent de Exodus, et même à deux ballades. On résistera à l’envie de se percer les tympans sur "A Hero’s Welcome", dont le texte patriotique gluant et la narration finale sur fond de « Oh Oh » écoeurante de pathos constituent un véritable affront au bon goût. Mais étant donné que musicalement, cette ritournelle aux accents de Thin Lizzy tient parfaitement la route, on laissera passer. Cependant, on lui préférera largement "Red Tears of Disgrace", sorte de modernisation de "Heathen’s Song" (sur Victims Of Deception) aux paroles écolo, qui a l’art de faire monter la sauce pendant 5 minutes sans débander avant de lâcher les chevaux pour un duel de soli à la Judas Priest.
Jusqu’ici l’un des points faibles du groupe, David White se révèle être le plus grand motif de satisfaction de l’album. Sa voix mal assurée et chevrotante digne d’un Joey Belladona grippé est loin derrière lui. Il a beaucoup gagné en puissance et en agressivité, ce qui se montre indispensable pour assurer sur l’album le plus rentre-dedans du groupe et donner plus de force aux refrains. Bien qu'il semble manquer encore un peu de coffre (le pauvre bichon est à bout de souffle sur "Undone", thrasherie molle au refrain lamentable et seul mauvais titre du disque), sa performance est un quasi-sans faute. MMais il se retrouve malheureusement poignardé dans le dos au mixage. Ce disque est en effet une victime supplémentaire de la Loudness War, cette véritable plaie du Metal moderne consistant à pousser tous les potards dans le rouge pour donner une impression de puissance. David se retrouve ainsi noyé par les autres instruments, notamment sur "Arrows of Agony", où on peine à l’entendre. La production est le défaut principal du disque car elle finit par rendre l’écoute intégrale assez pénible. Si vous avez trouvé Death Magnetic fatigant à l’oreille, vous allez pleurer des larmes de sang à l’écoute de The Evolution Of Chaos.
Mais en se focalisant sur la musique en elle-même, difficile de faire la fine bouche à l’écoute de ce disque. À moins de ne pas aimer le thrash old-school. Ou d’être mort à l’intérieur. Voire les deux à la fois. Heathen a été le premier à ouvrir le feu sur une année 2010 (l'album étant sorti toute fin décembre 2009) qui s’est révélée particulièrement excitante en matière de thrash, nous poussant à relativiser l’enthousiasme autour des derniers albums des Grands Anciens (Metallica, Megadeth, Slayer). Sans être en tête du classement 2010 (Exodus est devant), Heathen a largement de quoi satisfaire les thrasheurs amateurs de mélodie. Lee, merci. Tu es grand et beau.