CHRONIQUE PAR ...
Kroboy
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
16/20
LINE UP
-M. Shadows
(chant)
-Zacky Vengeance
(guitare)
-Synyster Gates
(guitare)
-Jonny Christ
(basse)
+
-Mike Portnoy
(batterie)
TRACKLIST
1) Nightmare
2) Welcome to the Family
3) Danger Line
4) Buried Alive
5) Natural Born Killer
6) So Far Away
7) God Hates Us
8) Victim
9) Tonight the World Dies
10) Fiction
11) Save Me
DISCOGRAPHIE
Chez Les Éternels, on s'est toujours refusés à instaurer un système de commentaires sur les chroniques. Pourtant, on aurait bien aimé avoir la possibilité d'échanger sur les albums, et pourquoi pas prolonger ces discussions sur notre forum ; mais voilà, cela signifierait aussi devoir faire avec les commentaires à la noix type « Avenged Sevenfold, c'est pas du metal, c'est de la pop pour ados », bien souvent écrits par les premiers à dénoncer l'intolérance générale vis-à-vis du metal, oubliant que la musique s'écoute avec les oreilles et non avec les préjugés…
En tout cas tant pis pour eux, car ils passeront à côté d'une des sorties majeures de l'année 2010, qui confirme Avenged Sevenfold parmi les prétendants les plus sérieux pour prendre la relève des dinosaures. Il suffit d'écouter le tubesque "Nightmare" pour s'en convaincre : cette façon de sonner ultra-accrocheur tout en restant foncièrement metal, de mêler la puissance conjuguée d'un riff tout simple et d'une batterie binaire (désolé mais on a jamais fait plus efficace) avec un refrain à la fois catchy et hyper soigné, on n'a pas vu ça depuis… "Enter Sandman" peut-être ? Alors si on rajoute la diction plus hetfieldienne que jamais de M. Shadows, la filiation est évidente. Confirmation avec les « Hey kid ! » à l'entame du couplet de "Welcome to the Family" qui rappelle les « Hey » de "Sad But True", le gimmick de gratte de "God Hates Us" qui semble emprunté à "Wherever I May Roam", sans parler de "Buried Alive" : reprenant le modèle breveté par les Horsemen avec "Welcome Home" ou "One", le groupe combine une partie calme aux accents de "The Unforgiven" avec une partie metal introduite par un break qui fait penser à "Orion" avec des paroles. Vous aurez sûrement remarqué qu'il ne s'agit presque exclusivement que de références au Black Album : ce n'est sans doute pas innocent tant Avenged Sevenfold semble lui aussi apte à concilier metalheads et grand public, quitte à s'attirer les foudres des intégristes (ce qui est déjà fait de toute façon).
Ceci dit, soyons clair : il ne s'agit en aucun cas de résumer cet album à une resucée de Metallica, car Nightmare est bien plus que cela. Avenged Sevenfold reste fidèle à sa ligne de conduite en brassant un large panel d'influences pour aboutir à un style unique, avec toujours ce leitmotiv : oser. Oser balancer une harmonie vocale à la Blink 182 sur un morceau très heavy ("Welcome to the Family"). Oser intégrer superbement quelques notes de trompette sur un break piano/voix pourtant mal embarqué, ce qui place définitivement le fougueux "Danger Line" parmi les temps forts de l'album. Oser faire cohabiter une mélodie vocale lancinante avec des saccades nerveuses à la batterie, donnant au pavé "Save Me" une atmosphère particulière. C'est bien simple, chaque titre comporte son lot de petits détails qui traduisent tout le soin apporté par le groupe à ses compositions, ce qui contribue grandement à la durée de vie de l'album. Évidemment, le décès de The Rev a changé la donne et influé sur la direction de l'album, notamment sur la forme. Les titres flashy et même un peu branleurs sur les bords tels que "Critical Acclaim" ou "Scream" ont disparu de la circulation pour laisser place à quelque chose de plus sobre et triste. Si Avenged Sevenfold fait encore parler la poudre de temps en temps avec "God Hates Us" ou "Natural Born Killer", Nightmare comporte pas mal de ballades, un format plus adapté à l'expression de cette mélancolie.
On passera rapidement sur "So Far Away" : la mélodie du refrain est assez jolie, mais ce morceau manque singulièrement de profondeur comparé à tous les autres titres et finit rapidement par lasser. Tout le contraire de "Victim", hommage affiché au défunt batteur : ce morceau ne paie pas de mine au départ avec ses vocalises gospel et son couplet très calme qui rappelle Lenny Kravitz, mais son refrain porté par des harmonies vocales à la John Frusciante (qu'on retrouvait déjà sur un titre comme "Afterlife") s'avère poignant. Au moment où on croit que ça se termine, Zacky Vengeance dégaine un solo lumineux digne de Slash, avant que le retour soudain des vocalises de départ et les « I'm missing you » assénés par M. Shadows ne nous ramènent sur terre. Un grand morceau, vraiment. Tout aussi sombre, "Tonight the World Dies", un dialogue intéressant entre le chant et la guitare. Ce titre consacre définitivement M. Shadows comme un grand chanteur, capable à lui seul de transcender majestueusement un refrain qui aurait sans doute sonné plat dans la bouche de pas mal de ses confrères. On baisse ensuite d'un cran avec "Fiction" : la mélodie de piano grandiloquente du début aurait fait mouiller la culotte des fans de Muse si Matthew Bellamy en avait été l'auteur, mais la suite n'est pas à l'avenant. Disons que la principale raison d'être de ce titre est l'ultime participation de The Rev, qui se charge de quelques lignes vocales sur ce titre.
Les épreuves semblent avoir accéléré la maturation d'Avenged Sevenfold, qui nous revient avec un album moins fou, plus posé… plus adulte, tout simplement. Différent de son prédécesseur, avec un côté plus classique et grand public, Nightmare se montre tout aussi bluffant. Du talent, de l'audace, de l'inspiration et une véritable volonté d'aller de l'avant album après album : il faut se rendre à l'évidence, Avenged Sevenfold est de la race des grands, et il va falloir être d'une mauvaise foi assez confondante pour persister à traiter ce groupe comme une vulgaire imposture.