Sérieusement, je le savais. C'était même gros comme une maison quand on y pense. Après la tuerie Hollow Crown, qui a mis pas mal de monde à terre en 2008, la carrière des mecs d'Architects, jeune groupe de Brighton marchant dans les pas de pointures telles que Meshuggah ou Textures, avait clairement décollé. Du coup, comme After The Burial il y a quelques mois, les jeunots ont décidé, histoire de confirmer leur nouveau statut et d'élargir encore leur public, non pas d'enfoncer le clou avec un album du même acabit que la poutrerie précitée, mais bien de sortir un truc ouvertement plus mainstream, changeant totalement le style pratiqué par le groupe. Soit.
Sauf que voilà, très souvent, la réussite n'est pas au rendez-vous. Et en l'occurrence, force est de constater que les Brits se sont bien, bien ratés. Voici donc l'analyse, à peine aigrie vous le verrez, du troisième album d'Architects, The Here And Now. Ou comment passer de grand espoir de la scène métal moderne à sous-produit de clone de base de 36 Crazyfists ou Lostprophets. Comment passer d'un statut de groupe méritant la comparaison avec Textures ou Meshuggah à celui de groupe d'émocore marchant des les traces de Bring Me The Horizon, voire encore plus mainstream. On aurait pourtant pu se faire feinter, avec un premier morceau pas trop mauvais, clairement dans l'esprit d'un émocore barré et de qualité à la At The Drive In. Mais ne vous y trompez pas, ''Day In Day Out'' est, à peu de choses près, le seul morceau à sauver de cet album. Cet album craint, voilà tout. OK, la prod' est au taquet, mais c'était déjà le cas sur Hollow Crown et elle était même à mon sens plus tranchante sur ce précédent opus que sur celui-ci. Et très rapidement, à l'écoute, le doute s'installe : « eh mais oh, elle est où la batterie tentaculaire qui envoie des parpaings polyrythmiques ? Et les riffs ultra techniques qui déboitent la nuque ? Et le groove dantesque à la Meshuggah qu'on retrouvait sur ''Hollow Crown'' ou ''Follow the Water'' ? Et la hargne du chanteur ? ». Eh bien mes bons amis, tout ça c'est ter-mi-né. Le Architects nouveau fait de l'émo, sous plusieurs formes certes, mais clairement de l'émo. Point.
Riffs easy, incorporation d'éléments electro, voilure et champ d'expression technique du batteur et des guitares salement réduit, voix claire sur tous les morceaux sans exception, singles clairement calibrés pour les ondes (le vilain ''BTN'', le carrément électro pop ''An Open Letter to Myself'', qui touche le fond, le non moins horrible ''The Blues'', ou encore le véritable lavement que constitue ''Heartburn''). J'en veux aussi pour preuve l'assez triste ''Delete, Rewind'', où le groupe singe Lostprophets ou Incubus, certes en un peu plus énervé (ouh, y a des beatdowns, au passage, et des couplets hardcore à la Comeback Kid). Bref, une hallu. Et en même temps, quand on voit la face de la « scène métal britannique qui monte et qui réussit » (Attack Attack, BMTH, entre autres), on comprend la tentation qu'ont eu les natifs de Brighton. Seulement voilà, ils auraient tout de même pu avoir la décence de mettre au moins un ou deux morceaux qui arrachent sur l'album, à tout hasard pour que leurs fans de la première heure ne se sentent pas foncièrement fistfuckés en l'achetant. Mais non, rien, sauf éventuellement un ''Stay Young Forever'' un touuuut petit peu plus poilu que le reste. Si on voulait se faire l'avocat du diable, on pourrait dire que le virage vers le mainstream est finalement plutôt réussi (''Day In Day Out'', le final de ''Red Eyes'' ou de ''Learn to Live'') et que le groupe devrait salement cartonner avec cet opus, trouver un nouveau public, rajeuni et pas forcément très regardant, et continuer d'évoluer en ce sens avant de revenir, dans 2 ou 3 albums, vers un truc plus violent. Toujours la même histoire en somme, et c'est bien dommage. Architects va certes gagner en notoriété, mais il perd au passage tout un pan de son identité. La technique et le groove ont laissé place à la mélodie, la plainte a remplacé la hargne dans le chant, et le groupe a totalement perdu l'impact qui m'avait retourné sur Hollow Crown.
Un groupe désormais à classer aux côtés des Lostprophets (probalement l'une des influences majeures présentes sur cet album), BMTH et autres groupes de happy core anglo-saxons manquant singulièrement de couilles et de classe. De chantres d'un métal technique et moderne, le groupe s'est transformé en chasseur d'ondes FM. Bien joué les gars, commercialement c'est réussi. Musicalement, vous faites dorénavant pitié. J'ai hâte de vous voir au Hellfest en juin pour vous dire un peu ce que j'en pense. Et à mon humble avis, je ne serais pas le seul. Coup de gueule, et pas qu'un peu.