Je dois avouer que c’est avec une main fébrile que j’ai appuyé pour la première fois sur lecture. En effet, Skyforger fut une telle claque, il y a maintenant … fichtre, déjà 2 ans ! Il est effectivement assez difficile d’imaginer un successeur à la hauteur voire au-dessus. Celui qui accapare aujourd’hui notre attention est également basé sur le Kalevala, la fameuse épopée mythologique finlandaise. C’est donc toujours Pekka Kainulainen qui s’occupe de l’écriture des paroles.
Il est clair qu’Amorphis est entré dans une nouvelle ère avec l’arrivée du très charismatique et talentueux Joutsen en 2006. Depuis, ils ont considérablement gagné en popularité avec le puissant Eclipse, le raffiné Silent Waters et l’immense Skyforger. Mais il y a une autre personnalité qui ne cesse de grandir au sein du groupe : le claviériste Kallio. A chaque album il s’implique davantage dans l’écriture, pour se retrouver ici le compositeur principal de l’album avec six morceaux à son compteur. C’est notamment lui qui nous gratifie du single, "You I Need", chanson très « formatée radio » mais non moins accrocheuse avec ses mélodies aériennes et sa rythmique lourde. Le son est toujours aussi incisif et propre, la production est assurée par le groupe lui-même et est identique à celle des efforts précédemment cités. Les lignes de chant ont été enregistrées sous la direction de Mr Hietala en personne (Nightwish, Tarot) dans son studio personnel à Kuopio. À propos, pas de changement en ce qui concerne le chant, c’est toujours le gros point fort du groupe, Joutsen excelle dans tous les registres, il sublime littéralement les titres. Les growls sont légèrement plus présents que sur Skyforger, ils s’entendent sur huit des treize pistes.
Mais retournons au début de l’album car il mérite une analyse minutieuse et exhaustive. Il débute donc sur un "Battle for Light", écrit d’ailleurs par Kallio, qui disons le tout de suite, rentrera directement dans le top des chansons du groupe. En sus de cette mélodie agréable, tout est bien équilibré : le ratio growl/chant clair ainsi que les parties metal/folkloriques. La fin est tout simplement jouissive avec son changement de tonalité sur fond de double grosse caisse. À ce moment-là, on se dit qu’on va avoir un Skyforger bis avec ces tous ces brûlots qui s’enchaînent et s’incrustent instantanément dans votre tête. Tant pis pour le renouvellement c’est tellement bon ! Mais non, ça n’est pas du tout le cas. La plupart des pistes demandent plusieurs écoutes et ne sont par conséquent pas aussi directes que l’on aurait imaginé (et/ou aimé). Le groupe a cependant tenté d’incorporer de nouveaux éléments avec plus ou moins de réussites. "Mermaid" fait donc intervenir du chant féminin et ça ne sera pas le seul titre à le faire. Après tout pourquoi pas, sauf que ça rend l’ensemble sirupeux, pop... En tout cas sur l'intro et c’est dommage car l’accroche mélodique est là et le reste du morceau est très bon.
Koivusaari, l’ancien chanteur death du groupe, a écrit le très métal "My Enemy", un des titres les plus extrêmes de cette galette. Un peu à la manière d’un "Majestic Beast" en plus rapide ; idéale pour s’échauffer la nuque. "Song of the Sage" est la chanson la plus folk de l’album, avec notamment l’ajout de flûtes, très présentes pendant les refrains et le break. Et mine de rien, il faudra attendre la sixième piste pour enfin entendre une composition signée Holopainen. "Three Words", est un morceau mélancolique qui se révèle être délicieux au fil des écoutes. L’aventure se poursuit avec "Reformation", qui débute d’une façon magnifique et surprenante sur du piano en mesures de cinq temps. Et quel effet lorsqu’une première guitare arrive pour reprendre ce riff ; suivie d’une deuxième qui nous fait un plan à la "Sky Is Mine" ; énorme ! C’est vrai que ce gars a vraiment un sens inné pour écrire des mélodies ultra accrocheuses. "Soothsayer" possède une ambiance un peu orientale, on note également la réapparition du chant féminin, davantage impliqué, ce qui apporte pour le coup vraiment quelque chose. Bon titre, pas très direct mais qui déteint assez par rapport au reste.
Les deux suivants sont légers et agréables, sans rien apporter de nouveau. "Crack in the Stone" est plutôt réussi et ne fait pas de concession niveau growls et nous donne l’occasion d’entendre sur la fin le chant le plus extrême jamais produit par Joutsen. Suit le titre (quasi) éponyme, "Beginning of Times", qui est à peu près au niveau de "Skyforger" niveau puissance délivrée. Il débute sur des guitares acoustiques rapidement suivies d’un riff de basse un peu à la Muse. Le refrain est puissant et fait monter la tension mais on sent que ce morceau nous en réserve encore. Et c’est le cas avec l’arrivée des puissants growls sur fond de nappes de claviers bien bourrines. Après un joli solo de guitare, d’ailleurs assez rares, un break et un solo de synthé, ça repart sur le même délire ultra catchy avec en plus des lead terribles. C’est tout simplement orgasmique. On aurait pu terminer sur une excellente impression, enfin ça sera le cas pour ceux qui n’ont pas acheté la version digipack, pour les autres ça sera avec "Heath’s Song", un titre assez décevant dans l’ensemble, surtout pour une bonus track.
The Beginning Of Times est un bel album qui possède ses grands moments, mais il faut l’avouer, un poil décevant. En fait, son principal problème demeure dans l’ombre projetée par son grand frère, que j’ai dû citer un paquet de fois : Skyforger. Il est paradoxalement plus varié mais moins efficace et parfois même trop convenu. Qu’on se rassure la qualité musicale d’Amorphis est telle qu’il n’en restera pas moins un coup de cœur de cette année 2011. Amorphis continue de peaufiner son style sans vraiment prendre de risque mais qu’importe si le plaisir est là !