Black Stone Cherry, vous vous souvenez ? Les petits gars du Kentucky qui ont pondu le très bon Black Stone Cherry en 2006 et le mou du genou (mais agréable quand même) Folklore And Superstition en 2008. Le groupe, emmené par la voix grave et chaude de Chris Robertson, nous revient cette année avec Between The Devil And The Deep Blue Sea (choisir entre la peste et le choléra, le t-shirt jaune ou le rose, la gauche ou la droite…) que j’attendais tout particulièrement, parce que ces types là, vous voyez, j’les aime. Fort.
Celui-là, je ne l’ai pas découvert dans ma Clio, contrairement au deux autres, parce qu’elle était chez le garagiste. Mais figurez-vous que dans le métro, la musique des Black Stone passe également très bien. L’appréhension et l’impatience se mêlaient dans mon ventre lorsque j’ai entendu le début de "White Trash Millionaire", premier single de l’album. Les quinze premières secondes sont pures, un Zakk Wylde en forme aurait pu pondre le riff, et le morceau est tout simplement bon. Pas exceptionnel au point de révolutionner l’histoire du rock, mais carré, bien fait. Le clip est assez laid mais c’est autre chose. Chant de qualité, refrain efficace, petit solo habituel placé aux deux tiers, bien calibré, paroles légèrement naïves (en gros, ils commencent à avoir une petite renommée mais ils n’oublient pas d’où ils viennent et sont restés des mecs normaux, accessibles et concernés par les problèmes de tous les jours), c’est Pépé dans Mémé quoi.
Ces caractéristiques (efficacité des refrains, parties instrumentales solides mais simples, chant maitrisé) résument l’album. "Killing Floor" est un mid-tempo classique, sur base d’un riff aux sonorités presque orientales, "In My Blood" est une récusée de "Peace Is Free" sur l’album de 2008, "Such a Shame" peut faire penser à "Backwoods Gold" ou "Bitter End", avec des chœurs irritants sur le refrain. "Blame it on the Boom Boom", à priori le deuxième single, envoie du bois, c’est un rock entrainant avec un court solo à la Slash renforçant la banane qui nous tétanise la bouche et ça passe comme une gorgée de bière glacée. "Like I Roll" est joyeuse, pleine d’entrain et d’espoir, "Let Me See You Shake" a un côté Red-Hot-Chili-Pepperisant pas désagréable, "Stay" est d’une fadaise digne des pires moments de Nickelback, "Change" est pompée sur "Lonely Train", mais reste un des morceaux les plus efficaces de l’album, "All I’m Dreamin’ of" est le seul morceau purement sudiste, en acoustique dans le texte.
La version « deluxe » comporte trois morceaux de plus : "Staring at the Mirror", hybride Hard-Country vraiment cool, "Fade Away", une power ballade sympa, et "Die for You", un rock classique possédant un refrain faible qui revient, encore et encore. Donc en gros, ce nouvel opus est bien foutu. La basse est un poil trop en retrait, mais sinon les grattes sont magnifiquement mixées et leurs parties sont très bonnes, en rythmique comme en solo, John Fred Young possède un jeu fin et si ses parties restent simples, on sent bien l’énergie qu’il déploie. L’introduction de nouveaux instruments (mandoline entre autre) n’ajoute pas grand-chose aux chansons sauf sur "Staring at the Mirror" qui se prête bien au jeu. Le plus gros point fort de BDDBS reste le chant de Chris Robertson : sa voix est puissante, chaude et maitrisée, ce qui fait de lui un des meilleurs vocalistes rock que j’ai pu entendre ces dernières années.
Une seule écoute permettra de voir qu’il n’est plus question ici de Stoner, de bayou et d’alligators. Le concept de l’album précédent avait donné un vrai caractère aux compositions, alors qu’ici il est plus question d’introspection, d’amour de l’Autre et de gonzesses. Les paroles sont globalement naïves sans être irritantes pour autant, on sourit en entendant Chris Robertson dire à leurs proches comme ils leur manquent pendant les tournées même s’ils s’éclatent vraiment en jouant, ou nous parler de leur volonté de rester normal, de leurs histoires de cœur etc. Le package en noir et blanc donnait pourtant le ton, on était en droit d’attendre un concept album sombre et lourd, et on n’a qu’un collier de chansons globalement joyeuses et lumineuses, calibrées pour la radio US qui leur permettra sans aucun doute de vendre l’album par palettes, tant tout est pensé intelligemment. On sort de là un poil déçu, battu par les trop grandes attentes placées en eux.
Donc, petite synthèse en quelques lignes : Between The Devil And The Deep Blue Sea est un bon album, bien fait et honnête, comportant un grand nombre de qualités, la première étant le simple plaisir d’écoute. Pour cet été, à frimer dans votre cabriolet sur les routes de la Côte d’Azur, vous ne trouverez pas forcément mieux. Pour marquer l’histoire du Hard Rock, bah faudra repasser. Donc une note de cœur : 16,5/20. Une note de raison : 13,5/20.