Il y a des groupes desquels nos attentes sont toutes particulières au niveau des sorties, et Arkona est de ceux-là. En même temps depuis Vo Slavu Velikim, les Russes enchaînent les excellentes sorties, qui régalent tout amateur du genre. Le groupe utilise une certaine recette qu'il modifie à chaque essai, pour lui donner un peu plus de consistance et nous rassasier sans nous gaver. Deux ans après Goi, Rode, Goi!, le groupe évolue encore et nous apporte Slovo. Sauf que cette fois-ci, les Russes se fourvoient …
Alors que les Slaves avaient trouvé la bonne mixture, pourquoi diable ont-ils sentis ce besoin de se la jouer symphonico-bal musette ? Sérieusement, si des titres comme ''Yarilo'' avaient de beaux airs de chansons festives-à boire,on ne peut que constater en pleurant l'énorme régression au moment d'un ''Leshiy'' aux allures ridicules et à la cohérence inexistante. Et le poids de la symphonie se fait tellement écrasant qu'il vient anéantir tous les efforts pourtant rondement menés par le groupe jusque là. Et ce n'est pas un multi-instrumentiste certes talentueux, l'orchestre de Kazan et la chorale des étudiants du conservatoire de Moscou qui sauveront les meubles, participant eux aussi au naufrage d'Arkona. C'est bien simple, le magnifique pagan aux superbes ambiances fait maintenant place à un folk-sympho incohérent, manquant d'accroche et de magie. Et du coup, on s'ennuie, car les beaux refrains d'antan ont été effacés pour faire place à une soupe fade, sans arôme, si ce n'est que l’amertume à chaque apparition de la chorale.
A force de vouloir trop en faire, les pinceaux s’emmêlent et chaque effort commencé par le groupe termine en eau de boudin, étouffant les belles choses au moment où elles commencent à germer. Quel dommage de voir le groupe ne pas maîtriser son sujet en voulant tenter d'innover, alors que des éclairs de génie sont toujours là. ''Nikogda'' est aussi somptueuse et raffinée que ''Potomok'' est inutile, et ''Tam Za Tumanami'' est plus courte, mais plus rafraîchissante et offre un peu d'air dans un mélange oppressant et étouffant. Car la mixture ''bordel foire symphonique en carton'' est tellement utilisée, ré-utilisée, que ce soit sur diverses ambiances (sombres ou joyeuses), que du coup, en plus de s'ennuyer, on étouffe, car tout semble manquer d'une certaine diversité ou au contraire, en avoir de trop ! Arkona n'arrive pas à trouver un juste milieu et saute pieds joints dans tous les excès possibles et imaginables.
Heureusement que le naufrage n'est pas complet et que nous ne sommes pas encore arrivés à un niveau Titanic. Déjà, il faut parler de Masha, et elle est toujours aussi géniale cette frontwoman. Franchement, malgré que le fond musical soit bien moins bon, peu importe car elle reste elle-même, garde toute son authenticité et sa personnalité, de sa voix grave, de son chant délicieusement slave, de son accent identifiable entre milles,et toujours ses growls puissants et énervés. Elle a toujours SA manière de chanter, sans en copier d'autres. S'il fallait citer un seul excellent point dans Slovo, c'est sans surprise que la chanteuse serait mentionnée la première. Ah oui, petit mot sur la production : elle est plutôt bonne, mais pourquoi placer les guitares tant en retrait ? Cela nuit gravement à la puissance qui aurait pu être si salvatrice à un Slovo tendant de temps en temps vers la mollesse. L'avantage, c'est que les instruments traditionnels ressortent toujours bien, ce qui n'est finalement pas plus mal (mais plus de guitares la prochaine fois, merci).
Arkona aurait pu réaliser un superbe opus si les Russes n'avaient pas voulus trop en faire. Résultat, on est plus devant une cacophonie qu'une symphonie, de quoi en devenir allergique, même si tout n'est pas mauvais. Et heureusement que Masha est toujours la chanteuse, sinon on ne reconnaîtrait même pas nos Russes ! Une régression inquiétante, espérons malgré tout que le groupe revienne avec quelque chose de plus équilibré la prochaine fois. Et, surtout, qu'ils abandonnent le trip sympho, ça ne leur va pas.