La Russie, son folklore et ses groupes de pagan metal… S'il y en a un qui est bien connu de tous, qui fédère une grande partie du public et qui s'inspire copieusement de la culture de son pays, c'est bien Arkona ! Et rappelez-vous ma conclusion de Vo Slavu Velikim, où je vous disais qu'on évoquerait un autre monument de la discographie des russes. Cet album qui mérite sa chronique en nos pages, c'est bien sûr l'excellent Goi, Rode, Goi !, qui déploie toute l'ambition des Slaves.
Bien sûr, la formule semble être toujours la même aux premiers abords : on chante de manière légèrement chamanique sur les bords (les couplets de "Goi, Rode, Goi !" ou l'interlude "Pritcha"), en russe avec plein de « laï laï laï » et, évidemment, on a le droit à LA traditionnelle chanson festive : "Yarilo", qui donne envie de trinquer, boire une bonne bière et terminer saoul comme un Polonais. Un peu l'effet Korpiklaani, à la différence que les Russes sont nettement meilleurs et plus inspirés que les Finlandais. Bon, donc, on va se dire qu'ils se reposent sur leurs lauriers, là, nos amis de l'Est. C'est pas bieeeen ! … Non, en fait, si on y regarde de plus près, c'est faux. C'est même complètement faux. Et ça se prouve dès la première piste.
Le point le plus important, c'est la complexification des structures des pistes proposées par Arkona, qui vont désormais facilement lorgner dans les cinq ou six minutes, voire plus si l'envie est là. Et non, vous ne retrouverez presque aucune influence progressive là-dedans, tout est meublé par du folk oscillant entre le rituel, le fêtard, et le traditionnel. Le pire, c'est que dans tout ça, il n'y a (presque) aucune longueur : l'opus, en dépit de sa très longue durée, s'écoute d'une traite sans aucun mal tant il est inspiré et riche. Et Arkona décide de passer par le titre massif, celui qui marquera sa discographie à jamais : "Na Moey Zemle". Plus de quinze minutes pour un refrain accrocheur, une Masha au top de sa forme, des invités chantant tous dans leur langue natale (on entendra donc du néerlandais, de l'allemand, du letton, du suédois et plus encore), tout ça dans un morceau consistant, oscillant entre diverses ambiances et puissant sur toute sa longueur. Massif et génial !
La chanteuse, elle, suffit de dire son nom pour être aux anges : Masha a fait encore des progrès, et se révèle phénoménale, tant dans son chant grave que dans ses growls bestiaux et puissants, de quoi faire pâlir de jalousie moult jeunes hommes. Sans parler désormais de l'intégration d'un multi-instrumentiste, Vlad, qui régale des sonorités de tous ces instruments typiques du genre, sans faire tomber Arkona dans la banalité. Le groupe parvient toujours à garder sa propre identité et ses propres inspirations, et sa signature sur un label de renommée internationale n'est en aucun cas un moyen pour les Russes de tomber dans le mercantilisme : Goi, Rode, Goi ! reste fidèle à ce que l'on connaissait d'eux.
On passe donc par des titres inspirés, qui alternent tour à tour entre l'excellent, le très bon ou le carrément génial. L'éponyme mais aussi "Na Moey Zemle", ou encore "Pamiat" qui renoue avec les œuvres précédentes, il est difficile d'extraire quelques morceaux de cette œuvre. La roue libre ? Masha, elle connaît pas, et compose comme une diablesse des titres qui jouent, désormais, entre l'efficacité et la complexité. Une réelle volonté de la part des Russes de vouloir avancer et prouver qu'ils peuvent s'imposer parmi les références du genre. On passe également par une grande palette d'émotions dans le chant de la belle : elle n'oublie pas la mélancolie slave qu'on lui connaît depuis les débuts. "Liki Bessmertnykh Bogov", avec son final d'excellente facture, est ainsi carrément envoûtant.
Goi, Rode, Goi ! est un disque à posséder, la preuve de la volonté d'Arkona de toujours vouloir expérimenter de nouvelles choses. La formation russe se classe nettement au-dessus de moult concurrents potentiels, tant dans la qualité d'interprétation que de composition. Plus que jamais, Arkona est un acteur majeur de la scène folk / pagan européenne, et même si Slovo, leur dernier en date, constitue une déception, on ne peut qu'imaginer qu'ils auront la capacité de rebondir pour nous surprendre à nouveau.