Morbid Angel. Si vous vous situez dans un des cercles concentriques de l’Enfer de Dante version musicale, vous avez forcément entendu ce nom à plusieurs reprises. Je voudrais parler aujourd’hui à ceux qui n’ont jamais écouté la troupe menée par Trey Azagtoth, et à la limite à ceux qui connaissent mais qui pensent qu’à l’instar de Slayer, le groupe de Tampa, Floride a toujours fait du sur-place et que, par conséquent, ça ne serait pas un groupe intéressant. Si si, y en a. J’en connais.
Et c’est une sacrée erreur de penser ça ! Slayer n’aurait pas bougé sa formule d’un iota entre Show No Mercy et World Painted Blood ?! Pfff, autant aller chez Audika tout de suite. Pour Morbid Angel, la rengaine a souvent été la même. Mais quand on écoute cet Altars Of Madness, puis, au choix, Domination ou Gateways to Annihilation, pouvons-nous décemment penser qu’ils n’ont fait que se répéter ? Non, bien sûr. Gateways est purement death et en possède tous les gimmicks, alors que l’album du jour tend d’avantage vers le Beneath The Remains de Sepultura, enregistré la même année à… Tampa, Floride. Basse rondelette, soli de guitares bien à part dans le spectre sonore, voix grinçante-aboyée, morceaux plus ou moins courts, structures assez bourrines, les Brésiliens nous parlaient de la même manière à la même époque : c’est plus thrash qu’autre chose en fait.
Pour autant, faut-il dire de ce premier album de l’Ange Morbide qu’il n’est qu’un simple contemporain de Sepultura ? Non, pas vraiment. Même si les formes se ressemblent, le fond est bien différent. Ici il n’est question que d’occulte, dans le sens large. Comprendre : ton blasphématoire envers la Chrétienté, référence aux Grands Anciens, nihilisme et haine de l’humanité pour la gloire des Forces du Mal. Le premier méfait enregistré sous ce line-up, à savoir David Vincent (rien à voir avec Marcel Vincent de Marseille) au chant et à la basse, Trey Azagthoth et Richard Brunelle aux grattes et le déjà très bon Pete Sandoval à la batterie, jette les bases de ce que va devenir le culte Morbid Angel à savoir les thèmes évoqués , les ambiances résolument sombres, la brutalité liée à un certains mysticisme, le chant haineux et les soli stridents et dissonants, véritables griffes permettant de reconnaître le groupe en une seconde.
Musicalement, c’est une boucherie façon death old-school. Comprendre : pas trop de raffinement, ni de breaks, ni de parties instrumentales hyper fines. Pas d’orchestrations et tout le bordel. Ça pulse, ça cogne, c’est méchant et ça grogne. "Immortal Rites", avec sa batterie samplée à l’envers dans les premières secondes, se posent comme un chef d’œuvre rageur avec des leads "angoissantes", des duels de six cordes et quelques claviers cheaps qui font peur, "Maze Of Torment" attaque sur un riff assez cool qui enfonce les portes du blast moins d’une seconde plus tard, et quand je dis blast, je parle de ce motif de batterie qui consiste à juste défourailler, concept plus ou moins inventé par le père Sandoval. Avec les ‘tic tic’ sur la ride, ces cognements de cymbales et un refrain purement thrash, c’est un déferlement de violence comme pas possible. Replacé dans le contexte, un paquet de monde a dû bien flipper en 89…
"Lord Of All Fevers & Plague" n’est pas loin du titre absolu. Cinq secondes, paf, solo, chant saccadé puis refrain fédérateur, puis solo, le tout sur une rythmique au taquet… "Chapels Of Ghouls" fait presque peur tant les accélérations sont bien senties, avec toujours ces échanges de guitare et cette batterie parfois asymétrique, ces grognements de porcs, ces paroles provocatrices et violentes. Les autres titres sont bons mais montrent la limite du genre, à savoir que bourriner pour bourriner, c’est quand même vite chiant, surtout quand on a sur l’album quatre ou cinq titres hyper efficaces qui servent de mètre-étalon. A moins d’être camé au Subutex ou d’aimer le grind, il faut avouer que des morceaux comme "Bleed For The Devil", aves ses aboiements, sa batterie réglée sur "fouettage de blancs d’œufs en neige" et ses parties de six cordes aussi inspirées qu’un Hanneman fatigué, ça peut devenir vite lassant.
Mais bon, globalement, ça fait du bien par où ça passe. Les perles (1, 3, 4, 5, 6) évitent à l’album d’être rangé à côté de ceux de Grave (vous savez, la boite « musique de bœuf ») et en même temps mettent en reliefs les fillers franchement moins bons. Altars Of Madness n’est donc pas une tuerie absolue mais la graine est semée. Les suiveurs seront nombreux alors que les Morbid Angel, les fourbes, partiront dans une toute autre direction dès le suivant. Ça reste un album vraiment honnête, culte pour ce qu’il représente, une sorte de chef d’œuvre imparfait. A écouter pour comprendre la suite.