CHRONIQUE PAR ...
Winter
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17.5/20
LINE UP
-Daniel Droste
(chant+guitare+claviers)
-Chris Hector
(guitare)
-Stephan Wandernot
(basse)
-Cornelius Althammer
(batterie)
TRACKLIST
1) Further South
2) Aeons Elapse
3) Deliverance
4) Antartica the Polymorphess
5) Fathoms Deep Below
6) The Giant
DISCOGRAPHIE
« Toutes mes visions étaient de naufrage et de famine, de mort ou de captivité parmi les tribus barbares, d'une existence de douleurs et de larmes, traînée sur quelque rocher grisâtre et désolé, dans un océan inaccessible et inconnu » Edgar Allan Poe a signé avec Les Aventures d’Arthur Gordon Pym son unique roman, à l’ambiance sombre et tourmentée. Il n’est pas étonnant qu’un groupe comme Ahab se serve de ces aventures nautiques pour créer la toile de fond narrative de leur troisième album, The Giant. Sombre et tourmenté, l’opus des Allemands l’est également. Mélancolique aussi. Les musiciens ont réussi à faire cohabiter la puissance titanesque du funeral doom avec des ambiances mélancoliques extrêmement bien composées. L’auditeur y trouve du coup vraiment son compte.
Si trois mots devaient caractériser cet album, ce seraient tristesse, menace et retenue. Tristesse, d’abord, car une atmosphère nostalgique se dégage nettement de l’ensemble de l’œuvre, atmosphère basée sur de longs passages accoustiques et un chant clair, ou plutôt des chants clairs. Si la belle voix « clean » de Daniel Droste se situe dans un registre assez classique, ce dernier emploie sur "Aeons Elapse" un chant plus rauque, à la Primordial, et sur "Antartica The Polymorphess", le timbre si caractéristique de la guest-star Herbrand Larsen d’Enslaved vient se mélanger aux vocaux de Daniel, pour l’un des moments les plus émouvants de l’album. Menace ensuite, car Ahab ayant beau mutliplier les moments tranquilles sur l’album, les riffs éléphantesques et la voix d’outre-tombe sont encore présents, et leur relative rareté leur donne même presque plus de poids. L’exemple le plus saisissant est peut-être "Fathoms Deep Blue" où l’on bascule en quelques accords du calme accoustique à une ambiance funeral doom véritablement glaçante.
Retenue enfin, car peut-être que l’une des plus grandes forces de l’album est de savoir ne point trop en faire. Ahab ne fait pas dans la surenchère : les passages posés et mélodiques conservent une teinte grise qui sied bien au propos, les temps typiques du funeral doom ne donnent lieu à aucune explosion. Il n’y a ni effets théatraux ni exagérations, ce qui confère à l’ensemble une grande sensation de puissance maîtrisée et de justesse. Tient-on là l’album parfait ? Pas tout à fait quand même. On ne reprochera pas aux chansons d’être longues et lentes, c’est le genre qui veut que ce soit ainsi. Non, ce qui peut provoquer quelques motifs d’inquétudes, ce sont des titres comme "Deliverance" ou "The Giant" qui, tout en étant de très bons morceaux, pourraient entrer dans le répertoire de maints groupes de doom death. La « griffe Ahab » y est un peu moins reconnaissable, malgré les quelques « funeral grunts » de rigueur. Il s’agit néanmoins d’un détail tant l’album est bon.
Ahab suivra-t-il un jour les pas d'Anathema et le groupe abandonnera-t-il un jour le registre funeral doom, pour se consacrer exclusivement à des atmosphères plus légères, presque post-rock, déjà bien présentes sur The Giant ? L’hypothèse n’est pas improbable tant l'album fait la part belle aux ambiances calmes, mais il est toujours hasardeux de parier sur l’orientation musicale future d’un groupe. Ce qui est certain en revanche, c’est que sur leur troisième oeuvre, les artistes ont très bien su mélanger la brutalité titanesque du funeral doom à des horizons musicaux plus calmes et chargés de poésie, les deux pôles musicaux proposés par les métalleux allemands se complétant à merveille. La présence de Herbrand Larsen est très appréciable et contribue à rendre The Giant encore plus envoûtant. Un album à consommer sans aucune modération.