CHRONIQUE PAR ...
Merci foule fête
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
17/20
LINE UP
-Andreas "Andi" Deris
(chant)
-Alfred Koffler
(guitare)
-Dennis Ward
(basse)
-Kosta Zafiriou
(batterie)
A participé à l'enregistrement :
-Mike Marks
(claviers)
TRACKLIST
1) Livin' My Life For You
2) Talk To The Moon
3) Hell's Gone Crazy
4) Do You Like It Like That
5) Ballerina
6) Signs of Danger
7) Walkin' Out To Heaven
8) Stray-Kid
9) Piggy Back Bitch
10) Where The Eagle Learns To Fly
11) We Taught The Children
DISCOGRAPHIE
Lorsque Pink Cream 69 sort son deuxième album en 1991, le glam metal se porte très bien, merci pour lui. MTV passe en heavy rotation les minauderies de chez Poison, Warrant et autre Cinderella dans une débauche de laque et de rimmel. Les chanteurs font mine d'offrir leur lèvres botoxées à des jouvencelles en pleine explosion hormonale avant d'aller culbuter des stars du X backstage. La musique ? Un sujet délicat. Mais pas chez Pink Cream 69 (ce nom !) qui a su attirer l'attention sur un premier effort de qualité et plus épicé que la soupe servie par la plupart de leurs confrères permanentés. Pour autant, il en faudrait davantage pour dissiper les suspicions d'opportunisme, le collectif présentant le double handicap d'arriver tardivement dans la partie (Mötley Crüe tourne depuis plus de dix ans) et d'être... allemand.
À dire vrai, plus que des proto-boys bands susmentionnés, la formation basée à Karlsruhe se rapproche surtout d'une version un peu moins punk de Skid Row, allant même jusqu'à lui emprunter toute sa garde robe à l'exception de la chaîne nasale de Rachel Bolan, sans doute trop connotée. Le chanteur Andi Deris semble de plus faire tout son possible pour proposer une imitation plausible de son homologue Sebastian Bach, visuellement tout du moins. Mais si Pink Cream 69 fait de prime abord songer à un clone européen des stars du Sunset Strip, sans doute influencé par sa maison de disques désireuse de surfer sur la vague hair metal qui ne semble pas vouloir retomber en ce tout début des années quatre-vingt-dix (gare à la chute !), le gang germain avance des arguments musicaux autrement plus convaincants. Emmené par un guitariste tranchant et une redoutable paire rythmique dont le poste de bassiste est occupé par Dennis Ward, l'Américain de la bande, le quartet détient en outre un atout majeur en la personne de Deris, aussi à l'aise dans les médiums que lorsqu'il monte à pleine puissance dans les aigus, quitte à forcer un peu - voire un peu trop. Non seulement son timbre immédiatement reconnaissable constitue la véritable signature sonore du groupe, mais en outre le beau gosse a participé à l'écriture de la totalité du recueil, et de certains chapitres tout seul comme un grand.
À commencer par l'emballant "Livin' my Life for you" qui démontre avec brio l'existence d'une marque de fabrique Pink Cream 69. Certes, la section du Bade-Wurtemberg propose un hard rock chiadé en apparence tout ce qu'il y a de plus classique. Mais cette alchimie entre savoir-faire, vivacité et sens mélodique n'appartient qu'à lui, un peu à l'instar de ce qu'a pu développer White Lion de son côté. Grâce d'une part au remarquable travail de production de Dirk Steffens, conseillé par l'éminent Michael Wagener qui a travaillé avec le Lion Blanc, justement, mais aussi Accept, Dokken, Metallica ou encore... Skid Row : hormis peut-être sur l'émolliente ballade "Where the Eagle Learns to Fly", le quatuor ne sonne jamais mièvre sans pour autant donner dans une agressivité de mauvaise aloi. Mais grâce aussi et surtout à une science de la composition remarquable, la plupart des refrains étant terriblement addictifs – comment ne pas reprendre à gorge déployée celui de "Hell's Gone Crazy" dès la première écoute ? Si l'on y ajoute un grand soin apporté aux couplets et une volonté de contrarier le déroulement prévisible des morceaux, on obtient un recueil délicieux d'une dizaine de hits potentiels au feeling subtilement mélancolique. Aux titres déjà citées on peut également ajouter "Ballerina", l'autre ballade du recueil, qui réussit le tour de force d'émouvoir en laissant la guitare branchée et Deris s'étrangler. Ou encore le décapant "Piggy Back Bitch" avec sa basse cavaleuse - comme sur la plupart des pistes, d'ailleurs - et son pré-refrain magique.
Grâce à One Size Fits All, Pink Cream 69 dépasse largement le rang de gentils outsiders européens dans une compétition habituellement dominée par les équipages bigarrés de Californie - ou du moins glamour New Jersey concernant Skid Row. Gorgée de mélodies accrocheuses en diable et portée par une énergie intelligemment maîtrisée, cette réalisation figure parmi les plus euphorisantes d'une décennie dorée pour tous les amateurs d'un hard rock taillé pour les radios. On connaît la suite : l'avènement du grunge déclenchera une sévère débandade dont les « Pinkies » vont faire les frais puisqu'ils perdront rapidement leur star – Deris préférant se réfugier dans une écurie plus prestigieuse et plus heavy. Leur histoire ne s'arrêtera pas là – ce qui aurait été dommage étant donné leur talent – et ils continueront à publier régulièrement des enregistrements prisés par une solide base de fan. One Size Fits All restera probablement l'acmé de leur carrière et quoiqu'il en soit, demeure un incontournable de leur discographie.