J'oscille quelque part entre la terre de la frustration et la mer de joie. C'est qu'il joue avec nous, le père Leif. Souvenez-vous : il n'y a guère si longtemps, Candlemass annonçait cesser - pour l'avenir et sans splitter pour autant - ses aventures en studio. Rien que ça, c'était ambigu, comme position. Il fallait comprendre qu'on était pimpette avant d'entendre de nouveaux albums. Tristesse et solitude. Pourtant, à peine un an après cette annonce, devinez donc qui est déjà de retour ? Leif Edling, mazette ! D'accord, Leif n'est pas Candlemass et vice-versa. Sauf que voilà, quelques écoutes d'Avatarium, le nouveau projet du Suédois, nous prouvent le contraire. Leif Edling EST Candlemass. Aussi ne faut-il pas être étonné quand tout, dans Avatarium, suinte le Candlemass.
Et si Winter - si, vous savez, celui qui, en public ne jure que par le dark side, mais qui apprécie son petit melodeath féminin en cachette - tire sur le bout de ma manche pour que l'album soit couronné d'un coup de cœur éternel, clairement, je m'y refuse. Car Avatarium, c'est du Candlemass dans le texte. Et partant de là, le coup de cœur est un poil plus dur à décrocher. Bah ouais, Epicus Doomicus Metallicus, King of the Grey Islands, tout ça... autant dire un sacré passé à surpasser. L'autre p'tit père, il pigne dans son coin en me disant que, dans Avatarium, il y a du clavier, et que dans Candlemass, boah, pas vraiment, et que ça fait la différence. Alors vrai : sur Avatarium, le clavier a un grand rôle et assure la charpente « seventies » de l'ensemble (une charpente décidément à la mode depuis quelques années). MAIS notre petit lascar Wintou, il semble oublier que sur le dernier Candlemass, j'ai nommé Psalms for the Dead (le der des der ?)
, le clavier seventies s'était déjà invité. Comme pour faire la transition entre les deux projets du sieur Edling. Va pour un constat de « non-surprise ». Et puis bon, depuis le temps qu'on le fréquente, le p'tit Leif, on sait bien que ce n'est pas dans ses riffs - toujours aussi magnifiquement et essentiellement doom - qu'il ira cacher de la surprise. Non non. Point de véritable surprise ici. Seulement une classe et un standing à toute épreuve.
Là, tout de même, je dois rejoindre le sage Winter. Avatarium, ça bute de classe. Ça suinte de professionnalisme. Ça illumine le monde d'un doom qui n'en est pas un. Ça engendre le bien et le mal, le jour et la nuit, le blanc et le noir sur fond de riffs d'une lourdeur pathologique - je vous aurais bien cité un morceau mais non, prenez tout, vraiment. Quid des arpèges ? Tout pareil. Lourds, mais lourds... pfiou. Et en même temps, faciles et digérables ("Boneflower")... Un paradoxe sonore et digestif. Sans oublier qu'en parallèle, ce clavier, déjà évoqué, persiste à nous balancer pleine pogne un feeling de vioque. J'en reste bouche bée. Et mazette de mitaine en diable, on peut dire - on le peut, en effet - que l'homme derrière les soli n'est pas un manche. Pas de pignolette, pas de m'as-tu-vu ; juste un doigté à faire pâlir... hum, à faire pâlir à peu près tout le monde, finalement. Le meilleur solo de l'année, on peut bien en compter autant qu'on veut, ils sont tous sur cet album. Et là, hors de question de tortiller. On y est. Point barre. "Bird of Prey" en toge de grand gagnant.
Enfin - parce que bon, faut bien en terminer, et quitte à le faire, autant se quitter en bons termes - enfin, donc, il faut évoquer le chant. Féminin. Bouah, beurk, décolleté et mascara... on flaire le piège. Sauf que PAS DU TOUT, RIEN, ON EST SAUF. Pourtant, c'était pas gagné d'avance (*)... Mais il faut reconnaître à Leif un certain talent pour avoir déniché le potentiel doomesque de la Dame, aux faux airs de Frigide Barjot (en nettement plus canon, tout de même - n'en déplaise aux associations qui râlent et pestent sur ce genre de phrase, qu'on n'imagine pas adressé à un gus à barbe). Toujours est-il que j'ai envie de dire : bonne pioche, punaise de bonne pioche. Car Mme Smith chante, mais pas DU TOUT comme on aurait pu s'y attendre. Exit le mauvais doom gothique, place à la classe intégrale. Je n'ose pas dire le SWAG, mais n'en pense pas moins. Le chant sur Avatarium est... hors-catégorie. Simplement naturel, fluide, beau, élégant, puissant quand il le faut. C'est une voix de conteuse. Et même si les lignes vocales sont clairement signées de la main d'Edling (on imagine sans peine Marcolin ou Sire Löwe chanter les mêmes), il faut dire que Miss Smith se les approprie avec une conviction qui force le respect. On voyage, on divague, la tête dans les étoiles... Chapeau. Et puis les paroles en non-sens, on aime tous ça, non ?
«
Oh mother
Are there horses on the moon?
I saw them last night
Through the looking glass tube
One horse was red
The other was blue
Running and rolling
Where the moonflowers bloom »
Voici donc un coup de maître, qui, vraiment, soulage les peines éprouvées depuis la disparition de Candlemass. Avatarium n'est peut-être qu'un Candlemass 2.0, reste qu'il s'en distingue également. Et finalement, même si je débutais la chronique en rapprochant les deux formations, me voilà qui la termine en les re-scindant clairement. Le chant, les mélodies, le ton poétique, la lourdeur... on trouve autant de points communs que de nettes différences... Tout est dans la nuance. Je ne sais plus trop où me mettre... Et si c'était un coup de cœur, finalement ? Vite, octroyons-le avant de changer d'avis.
(*)
http://www.youtube.com/watch?v=Nt7rMn5QrdM - Ah ça, effectivement, ça secoue un peu les tripes. On ne voit pas trop le doom là-dedans. Pas plus que la poésie. Mais pourtant, la même personne, sur Avatarium, fait des merveilles... Si si, on vous jure.