Dans une entreprise, on trouve tous les profils. Il y a les petits jeunes, fraîchement diplômés, pleins d’enthousiasme, qui veulent tout chambouler. Il y a également les arrivistes, prêts à vendre leur famille entière et leur chien pour un poste à responsabilité. Et puis il y a Gégé, le vieux de la vieille. Quarante ans d’ancienneté, il connaît toutes les ficelles du métier. Il fait le boulot à son rythme et n’adresse même pas un regard aux jeunes morveux. Dans quelques mois, Gégé part à la retraite, mais il assure quand même son rôle, sans éclat mais sans trop d’états d’âme. Gégé a des neveux suédois qui jouent dans un groupe de rock dur. Candlemass ça s’appelle. Eux aussi partent à la retraite d’ici peu, et le parallèle ne s’arrête pas là.
Comme tous les anciens, les vétérans suédois (le groupe s’est formé au milieu des années 80) ont du mal à démarrer sur les chapeaux de roue, c'est sûrement pourquoi le début de Psalms For the Dead n’est pas une fulgurance. Si le morceau initial "Prophet", à la structure ultra simple, mais relativement efficace, propose du heavy aux accents power-metal assez correct, le titre suivant, "The Sound of Dying Demons" fait dans le doom plutôt mollasson. On a un peu l’impression que les musiciens n’y sont pas vraiment, impression renforcée par une transition entre le corps du morceau et la partie instrumentale bien approximative. Rebelote avec les deux titres suivants : le mid-tempo "Dancing in the Temple" est du même acabit que "Prophet" et, sans trasncender le genre, retient l’attention. "Waterwitch" est, le frère jumeau du deuxième titre, avec encore moins de saveur. Il va sans dire qu’on commence à nourrir une certaine inquiétude quant à la suite de l’album.
Mais, tel Jimmy Connors, qui, sur ses vieilles années, mettait toujours un set à rentrer dans le match, les artistes se ressaisissent et le reste de l’album présente un visage plus séduisant et plus constant. Si l’on excepte le dernier titre, sorte d’outro où le discours pseudo-édifiant sur les méfaits du temps, en plus d'être inintéressant, nuit à la qualité du titre, les quatre morceaux restants sont bien faits : les accents orientalisant du lourd "The Lights of Thebe" donnent un accent « Therionien » appréciable à la chanson, dont le refrain est assez réussi. "Psalms for the Dead" est une ballade se transformant, l'espace de quelques minutes, en morceau heavy bien rentre dedans, tandis que "The Killing of the Sun" semble être un sympathique hommage au doom traditionnel made in US des années 80. "Siren Song", quant à lui, met judicieusement en avant les sonorités type « orgue Hammond », présentes de manière discrète sur le reste de l'album ; il en résulte un morceau de doom au parfum fin des 70s plutôt plaisant. Bref, la catastrophe est évitée, et si l’on ne peut s’empêcher de penser qu’aucun souffle prodigieux n’anime Psalms For The Dead, l’opus est dans son ensemble plus que correct.
Mise à part une petite peur initiale, on peut dire Candlemass conclut sa carrière de manière honnête. Au vu de Psalms for the Dead, le départ des pionniers du doom « épique » ne devrait ni provoquer de commentaires sur « l’album de trop », ni rendre fou de douleur les métalleux qui ne font pas partie des fans hardcore du groupe. Pour reprendre une image tennistique, Candlemass ne nous fait ni un adieu à la Pete Sampras (vainqueur de l’US Open juste avant sa retraite), ni un départ comme celui de Thomas Muster, qui, refusant d’accepter la réalité temporelle, s’était entêté à perdre matches sur matches sur des tournois mineurs. Avec son mélange de doom et de heavy, et ses ambiances un peu « train-fantôme », Psalms for the Dead ne devrait suprendre personne, ni en bien ni en mal, et permet aux artistes suédois de s’offrir une sortie digne.