- Alors, il prendra quoi le chef ? Kefta ? Tandoori ?
- Euh, j'sais pas trop... vous avez "doom" ?
- Le chef demande, le chef obtient ! C'est parti pour un Chicken Kefta ! Le meilleur ! Y veut quoi dedans ? Salades, tomates, oignons ?
- Ah non non ! Moi je voulais du "doom", "traditionnel" même. Enfin, passons, je vais goûter votre keftruc. En garniture, j'aimerais du vibrato lyrique, du riff plutôt lourd et de la compo culte. Vous avez ?
- OK ! Classique donc : salades, tomates, oignons ! Et comme sauce ? Pour le chef, on a poivre, américaine, moutarde, kamikaze, barbecue, éléphant, mammouth, entreprise, triporteur et submarine. Il veut quoi ?
- Bon. Euh... alors... j'aurais aimé la sauce "épique" mais visiblement, ça ne se fait pas. Laissez tomber ça, il y a trop de choix.
- OK ! On va lui faire un p'tit mélange explosif, comme ça il va avoir du qui-pique, le chef !
- Mais non imbécile : de "l'épique", pas du "qui-pique" ! Bon allez, bref, donne ton truc, j'me casse.
Ce serait dommage de se casser trop vite car là, c'est d'un album culte qu'on va parler. Du genre quatrième album de Candlemass, le dernier avant une traversée du désert qui durera près de 10 ans. Car il faut bien l'avouer, Candlemass, encore aujourd'hui, se résume pour certains au carré magique de ses quatre premières réalisations, comprenant notamment Epicus Doomicus Metallicus et Nightfall, deux pièces majeures du doom metal traditionnel, ce doom si proche du heavy. D'ailleurs, il ne faut pas se voiler la face, si Tales of Creation est entré dans les annales du metal, c'est plutôt via l'aura du groupe à l'époque qu'en raison de ses qualités intrinsèques. En 1989, Candlemass a sorti un album par an depuis 1986, et pas les plus mauvais du genre. La tâche de Tales of Creation n'était pas simple: maintenir le niveau. Les Suédois, sans paniquer, s'y sont attelés sagement, en conservant leur formule à l'identique. Contrairement au triste héros de notre tragique introduction, l'auditeur obtiendra ici ce qu'il désire : du heavy en plus lent, plus lourd, plus épique. Plus doom quoi.
Et ça aurait pu être tout. Une énième réussite et basta, tout le monde rentre chez soi jusqu'à l'année prochaine. Sauf que non. Malgré un opener au riff mémorable ("Dark Reflections") qui enchaîne bien vite sur le cultissime "Under The Oak", repris d'Epicus... mais ici chanté par le Moine Messiah "You Aaaaare Beee-witch-ed!" Marcolin, on sent bien vite que l'inspiration n'est plus à son paroxysme. Oh ça, des chouettes morceaux sombres, lents et tout le toutim, il y en a sur Tales. La piste éponyme, classique au possible, s'en sort avec les honneurs. "Tears", "Somewhere In Nowhere" et "Through The Infinitive Halls of Death" s'en tirent bien également, mais sans briller. Et c'est d'ailleurs là qu'est le véritable problème, car ces mêmes titres, s'ils avaient été sur les albums précédents, auraient fait office de points faibles. Ce qu'ils sont ici également. Certes, les guitares continuent de mener une danse qu'elles maîtrisent parfaitement. Riffs et soli sont bel et bien de la partie mais les compositions maladroites, peu accrocheuses et répétitives, ne suivent pas. Seuls surnagent quelques passages à l'instar de "The Edge of Heaven" où chant et guitares s'allient pour atteindre une grâce quasi-divine.
Le reste n'est jamais que de bonne facture. Sans plus. Notez à ce propos que "The Prophecy", "Voices In The Wind" et "Dawn" ne sont pas des morceaux à proprement parler mais de simples interludes sans grand intérêt. Au contraire, le surprenant "Into The Unfathomed Tower" - qui est une piste instrumentale laissanrt s'exprimer une guitare virtuose avec la plus grande vélocité - permet de relancer la machine après un "Tears" plutôt quelconque. Mais nous voilà réduit à citer les passages qui surnagent là où sur les précédents opus nous énumérions les passages médiocres ! La tendance s'est inversée. Peut-être que les riffs, sans n'être jamais mauvais, sont moins marquants ? Peut-être que le chant en fait trop avec tous ces vibrato ? Peut-être est-ce l'absence de tristesse et de grandeur qui entraîne l'opus vers le bas ? Un mélange de tout cela, surement. Toujours est-il qu'il manque à Tales of Creation son hymne. Ici, point de "Solitude", de "At The Gallows End" ou encore de "Samarithan" pour mener l'opus -malgré un artwork pour le coup mensonger- vers les cieux.
On imagine le coeur mis à l'ouvrage. On imagine nos Suédois suer jour et nuit pour pondre un digne successeur aux Epicus et autre Nightfall. Mais voilà, la sauce (quelle qu'elle soit !), ne prend jamais vraiment. Aujourd'hui, Tales of Creation jouit incontestablement du charme suranné des albums de l'époque mais mis à part cela, l'album, sans être mauvais, frappe clairement moins fort que ses aînés. L'étincelle magique des premiers opus n'est pas là. L'album n'est que correct là où les précédents étaient magiques. Reste qu'il est culte et que Candlemass est le bien en la matière, la voie qu'il faut suivre.