Earth -
Hibernaculum (EP)
Le dénominateur commun de mes disques favoris semble définitivement être la lumière. C'est bien simple, rien ne m'attire plus que ce concept : « la lumière » . Donnez m'en le plus possible, partout, en permanence. Cette lumière, Carlson - l'homme derrière Earth - aura mis du temps à la trouver, on ne le sait que trop bien. Mais un beau jour, du fond de sa tanière, Carlson a tiré sur une ficelle, sur un rayon de lumière. Et depuis ce jour, auquel Hibernaculum doit rendre hommage, la lumière ne cesse de filtrer dans l’œuvre de cet esthète du minimalisme et de la contemplation.
"Ouroboros Is Broken" entame la danse. Et bien vite, on flaire l'ironie. Avec un titre comme ça, on s'attend à ce que le fameux serpent cesse de se mordre la queue. Pour enfin reprendre son chemin. Mais ce n'est pas vraiment ce qu'il se produit, non.. Car, pour le coup, ce morceau reste ce qu'il est : un tourbillon, une spirale, un être de pures ondes. Ah ? On ne vous a pas prévenu ? C'est que cette piste n'est pas neuve. Elle apparaissait déjà bien avant les années 2000. Sur le premier EP du groupe : Extra-Capsular Extraction. C'était lourd, lourd, lourd. Comme aujourd'hui, mais en bien plus malsain. Car on observe désormais, en l'an 2007, un Ouroboros purgé. Certes, il n'avance pas d'un iota, tourne en rond et réduit son cycle (le morceau se tient dans ses 8 minutes, là où la version initiale touchait le quart d'heure). Mais tout cela s'opère sur un ton serein. Lourd et doux. Voyez ? Exit la haine accumulée du drone d'Ouroboros-1990, place à l'Ouroboros-2007, être de lumière.
Le constat est sensiblement le même pour le "Coda Maestoso in F (Flat) Minor". D'un morceau original stoner et lourd, Earth découvre aujourd'hui une piste lumineuse comme jamais. Toujours aussi répétitive, la mélodie est passée de l'agression à l'apaisement. La guitare - au ton vraiment cristallin - égrène les notes, et par là même une certaine forme de plénitude. Cette sensation ne quitte pas le troisième morceau, "Miami Morning Coming Down", surement le plus joli de cet EP. Un piano enclenche le thème, simple, basique, répétitif. Et puis tout bascule. Image de bords de mers ; image d'une forêt d'émeraudes, image de vie. Et, derrière cela, une nostalgie qui n'a pas même la pudeur de se cacher. Inutile de trop en dire : le morceau est d'une simplicité étonnante, et d'une beauté confondante. Des grands mots, hein ? Finalement, le seul changement de ton se trouve être "A Plague of Angels", piste-fleuve de seize minutes. Le doute s'immisce et le ciel s'assombrit - un peu, mais toujours un peu trop. Les cuivres s'en mêlent, par touches, alors que la trame de fond n'est modifiée qu'en de rares points - qui constituent autant de points de repères. Earth, c'est certain, n'a pas perdu son sens de l'hypnotisme.
Earth aura inventé deux styles. Le drone à guitare, d'abord, définitif dès Earth 2. Ensuite, le drone minimaliste, purgé de ses aspérités et de ses saturations. Hibernaculum reste pourtant un album de drone, toujours, mais qui ne vit finalement que par les mélodies qu'il contient. Un drôle de paradoxe. Il fallait bien Carlson pour y penser.