Edguy -
Space Police : Defenders of the Crown
Sur la pochette de l'édition digibook du nouveau disque d'Edguy, on peut lire « The heavy metal world sensation / 20% more metal ! ». Plusieurs semaines plus tôt, la page facebook officielle du groupe nous bombardait d'annonces ronflantes quant à l'album, du genre : « A few journalists already had the chance to give the album a listen and confirmed it's most probably the heaviest album Edguy have ever recorded » ou encore : « Today the new EDGUY masterpiece "SPACE POLICE - Defenders Of The Crown" hits the stores. » Et à l'écoute de ce dixième cru d'Edguy, je me pose une question toute conne : à quel moment ce groupe a-t-il passé plus de temps à dire qu'il faisait de la bonne musique qu'à réellement en composer ?
Réponse B, Jean-Pierre : depuis 2008 et la sortie du décevant Tinnitus Sanctus, qui malgré quelques bons titres, bandait assez mou. Puis, Age of the Joker est arrivé dans l'indifférence générale et la tiédeur de la presse. Edguy n'amusait plus grand-monde, et en faisait headbanguer encore moins. Difficile de croire que cette bande de garnements potaches, auteur des excellents Mandrake et Hellfire Club, avait pu perdre en qualité aussi rapidement. Des circonstances pareilles n'avaient pas de quoi mettre les fans en confiance. Et ce n'est pas l'artwork ignoble, ni le nom de l'album qui ont arrangé la chose. Ô Edguy, où sont passés ton humour décapant, ton inspiration d'antan ? On les croirait presque de retour à l'ouverture de Space Police. "Sabre & Torch" dégaine un riff sexy à l'irrésistible parfum eighties. On se croirait dans un Hellfire Club 2 ! Et puis, Tobias Sammet se met à chanter. Et on a mal aux oreilles. Tobias, Tobias, Tobias... tu dois le savoir depuis le temps : tu en fais trop. Disparues les nuances de ton chant ; aux oubliettes cette saine agressivité que tu savais transmettre (réécoutez "Under the Moon" sur Hellfire Club, bon sang !). Malgré cette surenchère vocale, cet opener s'en sort avec les honneurs, et propose un refrain sympa comme tout, quoique très académique.
Quant au niveau global de l'album, grosso modo, il se situe dans la continuité d'Age of the Joker : même grosse production made in Nuclear Blast (Sascha Paeth est aux manettes), même heavy metal dilué dans un hard rock lisse et sans aspérités, même vibrato de Sammet toutes les deux secondes et demi... et pourtant. Là où « Age » ne suscitait que des bâillements à la chaîne, Space Police laisse un peu de place à l'espoir. Exemple avec "Love Tyger", un tube jovial, concis et entraînant, qui n'aurait presque pas volé sa place sur Rocket Ride, dernier grand disque du groupe allemand (huit ans déjà...). A noter aussi, une title track en deux parties. "Space Police" d'une part, avec ses touches électro bien pensées, montre qu'Edguy a encore quelques riffs corrects sous le coude. Mais pourquoi le faire durer six minutes ? Pourquoi conclure avec une overdose de vibrato de l'ami Sammet ? L'autre moitié de la chanson-titre, "Defenders of the Crown" se veut plus speed, et se révèle plutôt plaisante de prime abord. Mais encore une fois, Edguy ne peut pas s'empêcher de faire trop long et de surcharger un titre bien parti d'un passage inutile... Cet aspect « je me tire une balle dans le pied », trouve son illustration parfaite au détour de la piste 5, "The Realms Of Baba Yaga". Un assez bon morceau, speedé et puissant, qui se saborde magnifiquement lorsque Sammet se met à péter les plombs et à répéter le refrain jusqu'à nous en dégoûter à vie. Bravo le veau !
Le souci, avec ce nouveau Edguy, c'est qu'on navigue en territoire connu, très connu, trop connu. Le groupe a fait le tour de son nouveau style, amorcé avec Tinnitus Sanctus, en un seul album (Tinnitus Sanctus, justement) ; la suite n'est plus ou moins qu'un radotage administratif que l'inspiration abandonne peu à peu. En témoigne une fin d'album complètement transparente et poussive. Il y a la traditionnelle ballade, exercice qu'Edguy n'a que rarement réussi. Quant à la pièce épique finale, "The Eternal Wayfarer", elle donne surtout envie d'aller s'envoyer un bon petit "The Pharaoh" dans les esgourdes. Néanmoins, un morceau sort vraiment du lot, et je tenais à terminer cette chronique avec lui. "Rock Me Amadeus". Vous risquez fort d'ouvrir des yeux ronds à l'écoute d'une chanson où Sammet rappe, et sans doute frôler l'apoplexie en entendant un refrain qui ressemble plus à une comédie musicale qu'à du heavy metal. Sachez qu'il s'agit d'une reprise d'un tube synthpop de 1985 signé Falco, chanteur autrichien. Et, assez étrangement, ce morceau s'impose comme l'un des plus sympathiques, des plus rafraîchissants de ce "Space Police" !
Ce qui m'amène à une conclusion naturelle : Edguy a besoin de changer cap. Pourquoi pas un disque de reprises, où le groupe s'adonnerait à d'autres délires du goût de ce "Rock Me Amadeus" ? En tous les cas, en l'état, le groupe est dans l'impasse. Sammet devrait laisser ses chevilles dégonfler un peu, se calmer vocalement, et prendre son temps pour nous proposer un nouvel opus sans fioritures ni longueurs (oui, je suis un indéboulonnable optimiste).