Demians

Entretien avec Nicolas Chapel - troisième et dernière partie - le 12 juin 2010

71
Arroway's

Une interview de




Demians_20100612

Here it is… la dernière mais non moins intéressante troisième partie de l'entretien téléphonique effectué avec Nicolas Chapel. Une discussion qui s'est donc poursuivie, au-delà des questions tournant autour de l'enregistrement de son second album Mute (voir les première et deuxième parties ) autour des artistes et des groupes qui influencent Nicolas d'une manière ou d'une autre dans son approche de la musique, ainsi que des joies et des difficultés de l'art de la promotion. L'occasion, une nouvelle fois, de comprendre un peu mieux l'état d'esprit du musicien.


Arroway's : Bah à propos, si tu veux parler des groupes que tu affectionnes… Alors je sais qu'il y a Neurosis, il y a pas mal de postcore ou de…

Nicolas : Ben Neurosis, c'est vraiment un groupe… Je suis tombé sur ce groupe-là, j'en avait écouté quelques titres en 1997. En 1998 - fin 1998 je crois - ils ont sortis Times Of Grace. C'est depuis cet album-là. C'est pas que j'«affectionne» le groupe, c'est que, pour moi, ce sont des gens qui… je pense, qui ont une influence sur moi, humainement. C'est des gens qui n'ont jamais eu à rentrer dans une case, qui n'ont jamais fait de compromis, qui continuent de faire… de tracer leur route et d'être complètement dévoués à leur projet. Donc ça m'influence autant musicalement qu'humainement. C'est pour ça que ce n'est pas un groupe que j'«affectionne», c'est vraiment un groupe que j'aime tout particulièrement. Euh… Radiohead, c'est un petit peu la même chose, c'est-à-dire que c'est des gens aussi qui n'en font qu'à leur tête, maintenant ils ont les moyens de se le permettre. Mais, voilà, c'est des gens qui prennent toujours les gens à contre-pied, qui font surtout énormément de choses, énormément de tri dans leurs idées, énormément d'influences différentes. Je sais que Thom Yorke écoute, et c'est quelque chose que j'aime, qui écoute énormément de musique que j'écoute aussi : c'est très expérimental comme Alva Noto, ? (ndlr : nom de groupe indistinct à l'enregistrement) des artistes comme ça. Et il y a des groupes dont je me sens assez proche humainement : Dredg, Thrice… Thrice, par exemple, c'est vraiment un groupe dont j'aime l'orientation, le fait de prendre les gens à contre-pied à chaque fois sur leur disque. Ils font partie d'un style de musique que je n'aimais pas particulièrement qui est le… je ne sais même pas comment on appelle ça… une sorte de punk, un peu emo… Ce n'est pas quelque chose qui m'intéressait, mais ils sont vite partis sur autre chose, tout en gardant leur identité. Dredg aussi, qui a des couleurs un petit peu… qu'ont pourrait appeler progressives mais qui vont quand même à l'essentiel de la chansons. Ils font de belles chansons. On critique souvent, maintenant, les chansons parce qu'il y a une tendance un peu trop… tu sens des chansons qui ont tendance à mettre des tailles un peu commerciales. Quelque chose que je lis souvent, c'est que c'est à but commercial parce que les chansons sont plus courtes. Mais ouais, les gens qui vont dirent ça, vont en même temps écouter Queen, et Queen, ils avaient quand même des chansons avec des vrais refrains. Et je ne vois pas ce qu'il y a de commercial là-dedans. C'est juste faire des choix, faire du tri dans les idées et garder les idées fortes. Dredg, pour moi, c'est des gens qui sont intéressants et ils sont beaux à voir jouer sur scène parce qu'il y a une vraie cohésion. Et en même temps, ils écrivent des chansons très concises, ça va à l'essentiel, il y a des idées, de beaux arrangements et c'est riche musicalement sans divertir. Tu vois, je ne suis pas fan, par exemple, justement, de ce côté-là chez Porcupine Tree. Parce qu'à un concert de Porcupine Tree, au bout de trois-quatre chansons, ça me… ben je vais boire un coup parce que ça me… Je trouve que la chanson pourrait être bien, mais… C'est un côté que je retrouve un peu chez Dream Theater, même si c'est relatif parce que… La chanson pourrait être bien mais, voilà quoi : le batteur en fait parfois trop, il y a parfois trop de son pour essayer d'impressionner les gens ; les chansons pourraient être plus concises, plus intéressantes, comme ce que je trouve dans Stupid Dream par exemple, qui est un très bon album pour ça, où il y a de vraies chansons. Il y a une vraie cohésion dans le disque. Les titres sont percutants, intéressants, variés et je trouve que ces choses-là, maintenant, ce sont perdues et ça me rebute. Voilà… J'écoute aussi et surtout énormément de musique électronique, des musiques orientales, tout ce qui est…
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Arroway's : Oui, ça s'entend dans tes albums, d'ailleurs.

Nicolas : Oui, je pense aussi. Nusrat Fateh Ali Khan, par exemple, qui est un chanteur pakistanais. Beaucoup de musique de… C'est d'ailleurs assez drôle parce que Nusrat Fateh Ali Khan, c'était un chanteur pakistanais qui a enregistré énormément, énormément de disques, plus d'une centaine de disques. Et les disques qu'il a enregistrés au Pakistan sont peut-être les disques les plus propres et ils ont essayés de l'occidentaliser. Alors que je prends l'exemple des American Recordings, le label qui a sorti des enregistrements de Fateh Ali Khan, c'est… en gros ils sont dans une pièce, pour que ça sonne naturel. Et ce genre de musique, c'est ce que j'aime. Je pense que si on prend une chanson comme "Overhead", par exemple, ça se ressent autant au niveau des orchestrations qu'au niveau des rythmiques. Il y a beaucoup de choses rythmiques dans la musique orientale qui m'influence parce que c'est une musique très, très libre. Si j'ai une phrase qui fait sept ou huit pieds et que j'ai envie de la placer comme ça même si le rythme du morceau ne s'y prête pas, ben je ne vais pas hésiter à rajouter une mesure s'il faut ou un temps s'il faut parce que le morceau a besoin de ça. Tu vois, "Hesitation Waltz", c'est un morceau qui est déduit du texte. J'étais en train de chanter, j'avais écrit un texte qui me plaisait, qui n'avait rien à voir avec les rythmes, les pieds ou ce genre de choses. Ben j'ai chanté le texte et je tapais en même temps et ce qui fait qu'après, j'ai enregistré ce que je tapais sur la table, j'ai ré-écouté et j'en ai tiré… c'est une rythmique qui sonne complètement bancale. Mais voilà, ça me parlait comme ça. C'est ce genre de musique qui m'intéresse. C'est une musique libre, une musique qui… qui ne fait pas forcément travailler mon esprit dans le sens intellectuel ou dans le sens de réfléchir. Pour moi la musique, elle n'a pas besoin d'être comprise. Je fais la même chose pour les paroles. Moi je me base sur des évènements très précis de ma vie, sur des émotions, des discussions ou quoi que ce soit qui m'aurait marqué. Après je parle de quelque chose de très précis pour moi, et après j'ai tout sauf envie d'expliquer aux gens ce que cela veut dire. C'est pour ça que quand j'écoute un concept album ou quelque chose comme ça, il y a une histoire, il y a des personnages, il y a un début, il y a une fin… Moi ça me… je perds l'intérêt très vite. Les musiques qui m'intéressent, voilà : c'est plutôt les musiques où je n'ai pas besoin de comprendre. Il y a un album qui est sorti l'an dernier qui est de Alva Noto, c'est un artiste allemand qui fait de la musique électronique qui sort souvent des disques avec Ryuichi Sakamoto, qui est un pianiste japonais. Et tous les deux, ils utilisent le piano très organique de Sakamoto et les électroniques très abstraites et très déconstruites de Alva Noto. Et ils ont sorti un album l'an dernier avec un ensemble – l'ensemble moderne de… c'est un orchestre allemand qui contient des cuivres, des cordes, des percussions – et ils ont sorti une pièce d'une heure et demi très abstraite. Et ça, vraiment… c'est un album, qui s'appelle utp_. Ca c'est un album qui me parle énormément, que je pourrais écouter tous les soirs sans me lasser. Donc voilà, vraiment… J'écoute de la musique tout le temps, en fait. J'ai commencé à écouter de la musique quand j'avais cinq ou six ans parce que j'avais un grand frère qui me faisait écouter ses disques… Ca va faire plus de vingt-cinq ans que j'écoute de la musique et j'en écoute tout le temps et ça… ça me passionne. Donc là les groupes que je t'ai cités, c'est plutôt des groupes avec lesquels je pourrais éventuellement me trouver des points communs ou dont je voulais vraiment parler dans l'interview. A côté de cela, il y a aussi ? ( ndlr : noms de groupe indistincts à l'enregistrement), les albums de Torche aussi – les deux derniers Torche -, c'est de groupes que j'aime très beaucoup. Heu… dans les artistes française, j'aimais beaucoup Bashung, Arthur H aussi j'aime assez la musique même si je n'aime pas tout, il y a certains côtés qui me pèsent énormément. Des gens qui ont une démarche, qui essayent de trouver leur son, de trouver leur patte. En batterie, c'est pareil. Je vois trop les batteurs qui ont tendances à sonner un peu tous les mêmes et à côté de ça tu mets un Dave Grohl dans le tas, tu lui mets n'importe quelle batterie, enregistré avec un micro pourri, on reconnaîtra que c'est lui. Et voilà, ça c'est vraiment les choses qui me parlent et c'est dans cette direction-là que Demians va continuer d'aller.

PhotoArroways' : En fait, ce dont j'ai l'impression, c'est que ce qui te… ce qui t'ennuies plus que tout, c'est vraiment tout ce qui est promotion, battage médiatique sur certains points qui sont soit faux soit réducteurs...

Nicolas : C'est pas forcément réducteur, c'est même carrément l'inverse, en fait. C'est-à-dire que pour moi la promotion, je vais essayer d'être clair là-dessus, pour la promotion ça ne m'ennuie pas. C'est-à-dire que là, par exemple, on a une discussion depuis toute à l'heure et ça, je trouve ça intéressant, de pouvoir m'exprimer, que toi tu me poses des questions, tout ça ; personne n'a mis un flingue sur ta tempe pour me poser des questions, pour faire une interview, personne ne t'a imposé des choix de questions… Tout ça, ça m'intéresse parce que là ça fait une dizaine de jours maintenant et… La promo, ça fait trois jours où je passe entre dix et quatorze heures au téléphone à parler avec des Américains, des Anglais, des Allemands, des gros média, des petits webzines… Et pour moi, il y a autant d'intérêt à chaque fois parce que les questions sont différentes et je peux m'exprimer. Du coup, ce qui m'ennuie, par contre, dans l'aspect promotionnel, c'est que je fais des choix qui ne m'emmènent pas forcément là où je voulais aller, tout le temps. C'est-à-dire que moi, mes choix, ils sont musicaux. Pour nous, c'est de faire un disque et de le faire à fond. Mais pour qu'il arrive à sortir et trouver les gens, je pourrais passer après par des… des circuits énormément sinueux en fait. Là par exemple, tu verras quand tu verras le disque, dans le disque c'est marqué - et je l'ai fait, les crédits, et j'ai tout… j'ai même fait la pochette… Dans les crédits, j'ai passé je ne sais pas combien d'heures à parler de forme avec mon manager, qui est un de mes meilleurs amis, pour admettre que je faisais tout, tout seul. Et pour marquer dans l'album tous les instruments interprétés par Nicolas Chapel. Les gens qui vont l'avoir, d'un autre côté, peuvent prendre ça comme qu'il fasse tout tout seul comme quelqu'un d'égocentrique ou quelqu'un qui veut se mettre en avant. Mais il y a tellement de gens qui font de la musique pour se mettre en valeur que moi je suis obligé de me mettre en valeur pour qu'on écoute ma musique. Il y a beaucoup de gens qui… Là, mon rêve, ce serait qu'on écoute l'album et qu'on ne se doute jamais que c'est un gars qui joue tout seul. D'ailleurs, si tu n'avais pas reçu mon dossier de presse avec mon nom dedans, t'aurais écouté l'album et tu n'aurais jamais su que c'est un gars tout seul qui joue.


Arroway's : J'ai été surprise sur les albums parce qu'à la base, je vous avez découvert en concert, donc… Oui, c'est vrai, je ne m'attendais pas à ce que soit un projet solo.

Nicolas : Et que pour moi, ça me permet de m'exprimer quand même et… Ce qui m'ennuie, c'est quand par exemple j'ai une interview d'une demie heure avec une fin qui est calée à une demie heure, je suis obligé de me plier aux questions et je ne peux pas m'exprimer et on se sent tous les deux frustrés, en fait, des deux côtés. Parce que voilà, ce n'est pas un modèle qui est typique – de création d'album ou de promotion. Moi je finance mes disques moi-même. Par exemple, on croit souvent d'un point de vue extérieur que voilà je suis signé chez Inside Out, je dois être riche, je dois avoir le soutien du label et ce genre de choses. J'ai le soutien du label mais c'est moi qui suis le producteur du disque. C'est moi qui finance. Ce sont mes propres moyens, c'est mon temps, c'est mon énergie. Toute ma vie personnelle tourne autour de ça. Ça me demande un engagement énorme. Et ce que je ne voudrais pas, c'est qu'au final on me sorte «oh non, encore un connard égocentrique qui fait tout tout seul» alors que ce n'est pas du tout le cas. Et c'est même l'inverse pare que je suis quelqu'un qui ne parle pas et qui reste dans son coin, et qui préfère observer plutôt que de prendre part à tout pris. J'arrive pas à regarder la télé pour ces raisons-là : sur les plateaux télé, les gens qui viennent, on ne sait même pas ce que c'est leur but dans la vie. Il y a des émissions entières où les gens viennent se vendre comme ça dessus et on ne sait pas ce qu'ils font. Moi je sais pas, Mickaël Vendetta, je ne sais pas ce qu'il fait comme boulot… mais je ne sais même pas s'il en a un. Et des gens comme ça, j'en vois à longueur de journée. Moi, je suis obligé de me mettre en avant… Parce que personne ne m'y oblige, mais je le fais parce qu'à la fois ma musique et ma démarche peuvent plaire aux gens. C'est-à-dire que le problème, c'est qu'au départ, il faut juste qu'on y soit confronté. C'est comme la pochette du dernier album. La pochette du nouvel album, elle est l'entité contraire de la pochette du premier album. C'est du 50/50 : il y a des gens qui la trouvent mystérieuse, intrigante et qui ne savent pas ce que c'est et d'autres à côté qui vont trouver tout de suite, qui vont dire qu'ils trouvent ça moche, qu'ils trouvent ça laid parce que… Par exemple, les gens qui vont la trouver moche, quand ils vont la voir dans les bacs, à mon avis il va y avoir du retournement direct (sourire)). Il y a un vrai travail, il y a, je pense, une vraie atmosphère derrière. Et ce que je veux faire avec ma musique, c'est ça. Et du coup, je m'oblige à… je me rends obligé à faire énormément de promotion pour en parler. Au final, ma démarche n'est pas… Je reçois énormément de courriers des gens qui... Quand je reçois des courriers de gens, ce n'est pas : «Ah, comment t'as fait pour trouver ce son de guitare ? Comment t'as fait pour jouer vite à ce moment ?» C'est toujours c'est de gens… ben qui me racontent leur vie à eux. Ils me disent «ben moi, je fais aussi de la musique tout seul dans mon coin et je pensais que ce n'était pas possible d'y arriver, et toi t'y arrive.». Et qui m'envoient leur musique, et qui me parlent de leurs rêves ou… Tout ça, ça m'intéresse, c'est vraiment une boucle que je trouve intéressante. A côté de ça, tout le cirque que l'on trouve, quand on me demande ma chanson préférée, ma couleur préférée ou si je préfère les blondes ou les brunes. Ou, je ne sais pas trop ce qu'on m'a demandé récemment… Il y a quelques interviews comme ça qui sont des fois un peu… Les interviews de rock stars de base, auxquels je n'arrive pas du tout à m'identifier. Mais heu… voilà, parler aux gens et écouter surtout les gens, et écouter leurs questions. Tout ça, c'est très intéressant et très profitable.

Arroway's : C'est tout le côté relations humaines autour de ta musique.

Nicolas : Voilà, c'est ça.

Arroway's : Tu aimes assez comparer la composition d'un album à l'écriture d'un livre, qui correspond assez bien à ton travail personnel. Il y a certains groupes qui lient concrètement le deux approches – je pense à Dyonisos par exemple. Est-ce c'est une démarche qui t'intéresse où à laquelle tu as déjà pensée ? Ou vraiment pour toi, c'est la musique et c'est juste une image ?

Nicolas : Non, c'est ni l'un ni l'autre. C'est juste que… j'avais juste envie de faire de la musique, et comme, je te redirais ce que je t'ai dit tout à l'heure, je vais peut-être me répéter, mais pour moi, je n'ai de leçon à donner à personne. Ça rejoint aussi ce qu'on disait sur la promo, c'est que quand on me présente comme un génie, un prodige, un gars qui sait tout faire, ça me dérange complètement parce que ça me met en avant par rapport à la musique. Ce que je veux faire, c'est que les gens écoute l'image que j'ai de la musique. Si ça a été enregistré comme ça, c'est parce que je ne pouvais pas faire autrement. Pas parce que je n'ai pas de musiciens aujourd'hui, mais simplement parce que le morceau, voilà, il est là dans ma tête, il faut le faire là et maintenant. Et ce ne serait pas possible autrement. Ce que je n'aime pas, c'est qu'on me présente comme quelqu'un de… quelqu'un qui fait. Je pose énormément de questions dans mes chansons, ce n'est peut-être pas fait littéralement, mais je pose pas mal de questions. Et du coup… bon après je changerai peut-être d'avis, j'en sais rien, je vais simplement évoluer et peut-être que j'y viendrai, je n'en sais rien du tout, mais j'aurai peut-être l'impression de faire la morale alors que tout ce que j'ai envie de faire, c'est plutôt de poser des questions et découvrir des choses. Et pour l'instant, le médium littéraire n'est pas approprié. Et si je reviens à ce que tu me disais sur la création d'un album par rapport à un livre, le seul parallèle que je fais, c'est uniquement dans le processus de création. C'est-à-dire que je ne comparerai pas la création d'un album avec l'écriture d'un livre, je comparerai ma façon de travailler sur mon album. Parce que… On m'a fait la remarque aussi récemment, parce qu'il y a quelqu'un qui avait mal interprété où je ne sais pas comment cela avait été retransmis, parce que je ne lis pas non plus trop internet et tout ça, je ne sais pas comment cela a été déformé ou pas, mais j'ai une personne qui m'a posé la question en me disant que dans la biographie j'ai écrit qu'on ne peut pas écrire un livre en partageant les adjectifs et les verbes entre les auteurs…

Arroway's : C'est rendu de manière assez stricte…

Nicolas : C'était non seulement rendu de manière assez stricte mais ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. Si on lit la phrase clairement, je ne voudrais pas jouer sur les mots, mais ce que j'ai dit, c'est écrit tel quel, c'est comme ça que c'est dans le dossier de presse, c'est : «Je ne pense pas, je pense qu'un livre ne serait pas meilleur si on partageait les verbes entre un auteur et les adjectifs avec un autre auteur.». Alors pour moi, ce qui fait vraiment la différence, c'est ce côté meilleur/moins bien. Parce qu'il a des questions qu'on me pose, pas systématiquement, mais très souvent, c'est en gros, «est-ce que ce serait pas mieux si c'était un autre batteur qui jouait sur ta musique ou si y t'avais un producteur ?» . Non, ce serait pas mieux ou moins bien, ce serait juste différent. Et moi, cette différence là, elle m'intéresse. J'ai quelque chose dans la tête, je veux que ce soit sur un cd et je veux qu'il y ait le moins de parasitage possible entre les deux. Donc après si… parce que la personne a commencé à rentrer dans une discussion qui ne menait nulle part en me disant «Il y a des livres qui sont coécrits.». Oui, il y a des livres qui sont coécrits. Mais pour moi, un livre qui a été écrit avec un auteur qui écrit les verbes et un autre les adjectifs pour sortir des phrases qui n'ont aucun intérêt… C'est juste ça, en fait : pour moi, un batteur… Je n'ai qu'une partie de lead de guitare, j'improvise avec un batteur. Le batteur, il va m'apporter des idées de batteur. Moi, j'ai aucun ego de batteur. J'ai une batterie, j'ai des micros autour, je peux faire tout ce que je veux. Je n'ai pas d'automatismes. Et ben pour l'écriture, c'est pareil. Pour répondre à ta question, pour l'instant, l'écriture n'est pas un médium qui m'intéresse parce que je préfère me tourner plus vers l'abstraction que mettre des mots avec précision et d'un autre côté, ma musique, je la comparerai à ce que je suis, très bien tout seul.

Arroway's : D'accord. Et sinon, les questions que tu te poses…

Nicolas : (coupe) Je suis désolé, c'est un peu compliqué pour moi de mettre des mots sur ce que je pense. J'ai énormément de choses à raconter là-dessus mais ce que je n'aime pas c'est quand on… quand tu fais une phrase de cinq mots et qu'on en retire quatre et ça ne donne pas du tout la même chose. Je me rappelle quand j'avais fait une interview pour un magasine, au tout début, pour le premier album et la personne m'avait posé la question : « est-ce que tu veux qu'on te considère comme un producteur, un compositeur, un musicien ?» et moi j'avais juste levé les épaules en disant «Moi, ça m'intéresse pas. Tout ce qui m'intéresse, c'est créer des choses.». Et c'était paru avec ma photo en gros avec en dessous la citation qui dit «Moi, ma seule ambition, c'est d'être un créateur.», avec mon nom dessous. Et là, voilà : entre le moment où je le dis, avec mon T-shirt pourri, dans une pièce, «allez viens on va faire une interview !», en levant les épaules et en disant »bof, moi ça m'intéresse pas, je veux juste écrire des chansons.» et ta photo en gros avec une citation qui n'est pas de toi qui dit que tu veux être un créateur et que c'est ton ambition… Voilà, je préfère maintenant passer du temps à essayer de trouver les mots à mettre sur les idées pour ait qu'il y ait de… pour pas qu'il y ait d'ambigüité.
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Arroway's : C'est un peu le piège des média, ce n'est pas propre à la musique.

Nicolas : Oui, ça je comprend. C'est pour ça que j'ai du mal à lire les articles, ne serait-ce que lire les interviews qui ont été retranscrites parce qu'il y a des fois des obligations… Tu vois, là, tu enregistres, tu vas pouvoir retranscrire tout ça, tu vas passer un sacré bout de temps, mais tu vas retranscrire ce que je dis avec tes impressions à toi, avec ta culture, ton expérience à toi qui ne seront peut-être pas exactement ce que je dis mais, moi je n'intellectualise pas, c'est pour ça que je préfère passer du temps à bien discuter pour être sûr que qu'à la fois ce que je dis et la façon dont je le dis soit appréhendée et bien retranscrit.

Arroway's : Par contre, je ne sais pas comment fonctionnent les autres journalistes, mais bon, chez les Eternels, c'est vraiment… quand on dit retranscription, c'est… au mot près, quoi. S'il y a une hésitation, on met trois petits points, s'il y a une coupure, on dit qu'il y a une coupure… Vraiment, c'est au mot près, il y a aucune déformation, aucune censure, aucune amélioration !

Nicolas : D'accord. Mais en fait, ce que je veux dire, c'est que toi tu vas passer… tu vois, tu prends tu temps pour faire l'interview, tu vas prendre du temps pour retranscrire et si tu ne t'intéresses pas des masses déjà un minimum à la musique ou à la démarche de l'artiste, personne ne va le faire. Ce que je veux dire par là, c'est que déjà, je pars du principe que – tu vois, je ne te connais pas, mais je sens déjà et je sais déjà qu'il y a un intérêt aux questions que tu poses. Ca c'est important. A côté de ça, je prends le cas d'un journaliste qui a un bouclage à finir et qui en est déjà à sa quarante-sixième interviews du mois, et il va de toute façon faire tenir ça sur deux pages maximum, ben des fois, il va donner son manuscrit à quelqu'un qui va le retranscrire à sa place et voilà. Les choses auxquelles - moi je ne psychote pas là-dessus, j'y porte pas attention, ce sont des choses avec lesquelles il faut faire : je préfère des fois répondre à moins de questions que… D'ailleurs, c'est quelque chose que j'aime aussi, c'est qu'à chaque fois que… il y a des gens qui préparent des questions à l'avance, au bout de deux questions ils balancent leur papier et posent les questions qu'ils ont vraiment envie de poser.

PhotoArroway's : C'est la différence aussi entre les webzines amateurs et les journalistes professionnels. C'est pas les mêmes impératifs, ce n'est pas les mêmes motivations.

Nicolas : Oui, voilà, c'est différent. C'est juste que tout ça, ça entraine aussi des choses. Par exemple, là j'ai une interview pour un magazine, vraiment de plus en plus par rapport à cet album-là. J'en fais plus en plus avec la presse spécialisé son, audio et production. Et les gens sont tout de suite surpris quand je leur dis que ça a été enregistré dans des conditions assez basiques. Je n'ai pas de connaissances, d'apprentissage de production à la base, et du coup tout est permis, toutes les expérimentations sont permises. Mais, après, il y a des amalgames qui sont faits, comme là, j'ai récemment eu une interview où le mec est fan de Gavin Harrison en tant que batteur et il a fait des parallèles avec mon jeu. Et je me retrouve dans une situation où moi je ne suis pas forcément batteur, je n'ai pas eu de formation là-dessus, je n'en ai fait que pendant l'enregistrement de l'album. A côté de ça, j'ai un gars en face qui me compare à un gars, à un batteur qui a trente ans de carrière et qui est un des batteurs que je connais qui a le plus de connaissances de l'instrument et d'expérience parmi les gens que je connais. Et… dont je n'aime pas forcément le jeu, ce n'est même pas du tout ce que je recherche non plus, mais il y avait des gens qui sont un peu emmenés dans cette direction-là… Ou peut-être que… leur laisser croire que, voilà, je suis une «génie». Mais moi, j'ai vraiment trop de mal avec ça, je suis plutôt un gars qui est bien tout seul chez lui et qui veut faire les choses, concentré; et du coup ça me met dans des situations, des fois, où je suis un peu… Je sais que quand je commence à composer un album, c'est à la fin de la promo où je me sens vraiment bien. Au début, j'ai toujours l'impression qu'il va falloir… Ben voilà, je suis professionnel mais je suis totalement amateur, c'est-à-dire que l'album… Faire la promo d'un album, c'est une chose. Faire la promotion de «cet» album-là, il y a que moi qui le ferais dans ma vie, je ne le ferais que maintenant et ça, ça s'apprend pas et il faut bien... J'ai juste envie que le message passe, c'est comme la pochette de l'album, j'ai envie que ça passe sans interférences.


Arroway's : Et bien cela passera !

Nicolas : D'accord !

Arroway's : Il y a aucun souci là-dessus. Ben écoute, si tu as quelque chose à ajouter ou un second message à faire passer ? Mais bon, je pense que tu as dit ce que tu voulais sur ce point-là.

Nicolas : Non, mais je pense que le seul message que je veux vraiment faire passer dans ma musique, c'est plus par rapport au procédé qu'à la musique elle-même. C'est écoutez ce que vous voulez, faites-ce que vous voulez, c'est des choses que vous avez sur le cœur, faites parce que personne ne pourra rien contre vous. Ca demande du temps, ça demande de l'énergie. Je te dis, j'adore quand on m'envoie un lien pour aller écouter ce que font les gens. Des fois j'aime, des fois j'aime pas. J'aime bien qu'il y ait cette… moi par exemple je balance des petites capsules comme ça, avec des idées et des questions tout le temps et toujours après la sortie, j'ai un Allemand, un Turc et un Américain qui vont pouvoir l'écouter. Et j'aime bien avoir des retours comme ça, que les gens n'hésitent pas à partager ce qu'ils ont sur le cœur.

Arroway's : Très bien. Merci beaucoup d'avoir répondu à mes questions. C'était très intéressant. Et tout sera retranscrit… au mot près ! (rires)

Nicolas : Ben bon courage à toi, alors !

Arroway's : Ben merci, et bon courage à toi pour tes autres interviews et la suite de ta promo, et ta tournée... à la rentrée, c'est ça ?

Nicolas : On va partir en tournée en octobre, et ça c'est pareil : j'ai envie de dire aux gens qui ont aimé les Demians sur scène de revenir parce qu'ils vont être surpris. Et à ceux qui n'ont pas été voir Demians sur scène, de venir et ils vont être surpris aussi !



Crédits photo :
http://www.myspace.com/demiansmusic


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