Vous savez, moi, j’ai toujours eu un p’tit faible pour Anthrax. Ça vient sans doute de l’admiration sans borne que je voue aux individus chauves mais néanmoins célèbres, comme Pascal Obispo, Vincent Lagaf’ … et Scott Ian bien sûr ! Seulement Scott Ian, lui, il a ce petit plus que les autres n’ont pas, ce petit quelque chose qui change tout : il a maintenu John Bush derrière le micro pour Stomp 442 (no comment sur la suite), et il a convaincu feu le génial Dimebag Darrel d’y assurer quelques soli. Hé, c’est quand même autre chose que de faire pleurer les gamines avec "Lucie", ou d’animer le Bigdil avec un droïde bleu et obèse.
L’écoute attentive de Stomp 442 nous replonge dans une période charnière pour le combo américain. Pour rappel, l’éviction de Belladonna, dont le style suranné tranchait de plus en plus avec ce qui se faisait à l’époque, avait amené John Bush, ancien d’Armored Saint, à débarquer et à casser la baraque avec le très bon Sound Of A White Noise. Son chant puissant et résolument moderne a plus que jamais aidé Anthrax à sortir du créneau «thrash old school». Un créneau qui certes l’a rendu culte, mais qui le limitait beaucoup trop dans l’expression de son (indéniable) talent. Stomp 442 devait, comme SOWN, en être la preuve et faire aussi bien, sinon mieux.
Hé bien c’est le cas, figurez-vous. On retrouve toujours ce heavy/thrash hargneux et incisif que le groupe n’a jamais cessé de pratiquer depuis (avec plus ou moins de réussite, je pense à Volume 8 notamment), et qui nous avait tant botté sur des titres comme "Only" ou "Packaged Rebellion", par exemple. La principale différence résidant dans le fait, et c’est complètement subjectif comme point de vue, que Stomp 442 évolue clairement un cran au-dessus, et qu’il ne compose pas, comme son prédécesseur, avec des morceaux poussifs, ou en tout cas un peu moins inspirés.
Il frôle même l’excellence avec "Nothing", désormais un classique qui figure, avec "Caught in a Mosh", "Indians" et d’autres bombes des années 80, au panthéon bien rempli des chefs-d’œuvre du thrash. Les autres morceaux ne sont pas en reste, et tabassent aussi bien la tête ("Random Acts of Senseless Violence", "Fueled", "Riding Shotgun", etc.) que les fûts (décidemment, le thrash est bel et bien le style qui a produit les meilleurs batteurs – monstres de puissance et de musicalité – et Charlie Benante ne me fera pas mentir sur cet album nom de Zeus) !
Notez également la présence d’un "American Pompeii" très … groovy, où Bush est au top de sa forme (je suis un gros fanboy, j’en ai conscience, et j’assume à 100%), et la ballade "Bare" – très pop hein, c’est une première, et sympathique mais sans plus ("Safe Home", sortie sur We’ve Come for You All, étant ce qu’ils ont fait de plus abouti dans le genre). Ha et puis les quelques démonstrations de branlette de l’ami Dimebag aussi, dont la technique est assez inhabituelle chez Anthrax, qui a toujours privilégié le chauffage à blanc des pits au gros shred, très populaire dans la Bay Area. Mais ça le fait bien, comme on pouvait s’y attendre.
Stomp 442 est, avec We’ve Come for You All, l’album le plus réussi de la période John Bush. Il prouve notamment que le groupe a su négocier avec succès le périlleux virage des années 90, une époque difficile s’il en est pour les monstres sacrés du thrash (en 1995, Metallica et Slayer pédalaient sacrément dans la semoule, ou s’apprêtaient à le faire ; c’est venu plus tard pour Megadeth). C’est dommage finalement qu’Anthrax n’ait pas su prolonger cette bonne série avec Volume 8, mais ceci est une autre histoire.