Si Internet a permis aux fans d’Hélène Ségara d’être acceptés malgré leurs différences – leur amour du shred et de la sauce piquante étant quand même de sacrées tares – il a surtout donné l’opportunité à quelques labels de vendre du vent sans pour autant perdre la face. C’est ainsi qu’on a vu se multiplier dans les bacs des best-of maquillés en « œuvres communautaires », les fans trouvant dans la possibilité de désigner leurs morceaux préférés sur la Toile une raison suffisante pour acheter ces produits. Produits dont on n’a même plus à justifier l’existence par la présence de je ne sais quelle vieille démo moisie. Vraiment fort …
Bon ok, la charge est peut-être un peu lourde, je le reconnais. Après tout, The Greater of Two Evils a un atout que les Back to the Starts (Megadeth) et autres First Strike Still Deadly (Testament) n’ont pas : il donne au grand John Bush l’occasion d’interpréter sur galette les titres de ses prédécesseurs Joe Belladonna et Neil Turbin. Une façon comme une autre de satisfaire les groupies, qui souhaitaient depuis longtemps rendre hommage au front man en lui donnant – enfin – l’occasion de s’approprier officiellement les vieux succès des 80’s. Pour ma part, j’aurais préféré que cette compile accompagne la sortie d’un nouvel album, ou que les morceaux réinterprétés viennent étoffer le trop court Music of Mass Destruction, mais bon… On se consolera en se disant que le packaging et l’artwork ont été vraiment travaillés, même si le livret n’est rien d’autre qu’un catalogue de la boutique officielle.
Fort heureusement la track-list, qui couvre la période 1984-1990 (de Fistful of Metal à Persistence of Time), est absolument démentielle. Non pas que ce soit un exploit – on était quand même en plein âge d’or – mais force est de reconnaître que The Greater of Two Evils donne lieu à un bel étalage de hits, du tranchant "Deathrider" (quelque peu retapé pour l’occasion) aux contestataires "Indians" et "Keep It in the Family". Les hymnes mosh n’ont bien sûr pas été oubliés, et les p’tits jeunes comme les vieux briscards se frotteront avec délice à des versions bien boostées de "Caught in a Mosh", "A.I.R." ou "N.F.L.", pour ne citer que les plus populaires. Les connaisseurs enfin retrouveront avec bonheur les versions dépoussiérées de speederies comme "Gung-Ho" ou "Panic" qu’on avait perdu de vue depuis pas mal d’années, il faut bien le reconnaître.
Avec un peu de chance, cela incitera les jeunes à découvrir par eux-mêmes d’antiques monuments du thrash, pour leur plus grand bien. Car les morceaux cités ci-dessus sont autant de clés leur permettant d’accéder aux albums incontournables que sont Spreading the Disease ou Among the Living, et à ce titre, The Greater of Two Evils remplit fort bien son office de best-of initiateur. A l’inverse, l’intérêt sera beaucoup plus limité pour les anciens qui ne se délecteront qu’un temps de la production en acier trempé et des petites retouches faites ici ou là. Mais que voulez-vous, c’est le lot commun de tous les thrasheux d’avoir été élevés avec des albums au son faiblard, aussi ne faudra-t-il pas s’étonner de les voir ressortir, une fois de plus, leurs vieux vinyles des cartons.
The Greater of Two Evils est un best-of, et c’est détestable, on est d’accord. Mais c’est un bon best-of, produit avec sérieux et avec une réelle volonté de combler les attentes des fans qui, paraît-il, le réclamaient de longue date. Reste que, comme d’habitude, on ne le conseillera qu’aux ignares ou aux thrasheux cherchant un bon disque à passer en soirée. Les autres passeront leur chemin.