1996, Kemi, Finlande. Tony Kakko et une bande d’autres jeunes paumés décident de fonder un groupe de hard-rock. Tricky Beans voit le jour et parvient bon gré mal gré à sortir quelques autoproductions. Arrive un événement imprévisible : la sortie de Visions en 1998, l’album de la révélation Stratovarius. Tony Kakko et Jani Liimaitanen vont alors totalement diverger d’orientation musicale et vont s’évertuer à reproduire ce speed-metal très festif.
L’émulation est plus que réussie ; car en un album, Sonata Arctica va quasiment redéfinir les bases du speed mélodique et devenir une nouvelle référence. L’influence Stratovarius est bien évidemment omniprésente - bonjour les morceaux clichesques à la Scandinave, emplis de double grosse caisse, de claviers et de vocalises haut perchées : "Blank File", "8th Commandment", "Kingdom For A Heart"… -, mais Ecliptica va plus loin qu’un simple copier-coller et affirme déjà un embryon d’identité, qui va d’entrée de jeu faire la différence. Les riffs et les mélodies de ces morceaux, pris isolément, sont de petits joyaux, et les « produits finis », grâce à la production très pro du Finnvox, atteignent sans peine le statut de tubes happy-metal.
Stratovarius, même à l’époque, était-il capable de composer avec une telle fraîcheur ? Car c’est bien cela que l’on apprécie dans ce premier album : difficile de ne pas se laisser toucher par la joie et l'insouciance qui l’imprègnent de toutes parts, au point parfois de faire passer certaines prouesses techniques au second plan, comme les riffs de "Kingdom For A Heart", "8th Commandment" ou encore – et surtout - "Picturing the Past". Et pourtant, écoutez-les attentivement : ces garçons en ont sous la pédale. Idem pour le chant de Tony Kakko, très instinctif à l’époque, et bien qu’approximatif parfois ("Blank File" et son deuxième refrain lyrique en voix de poitrine n’est plus chantable, et ne l’a d’ailleurs jamais vraiment été…), la qualité et la personnalité sont évidentes. Quand en plus les compos sont clairement orientées « hit », comme "Replica", "My Land" ou "Fullmoon", le cocktail est détonnant.
Les ambitions épiques du groupe sont affichées avec "Destruction Preventer", morceau conclusif d’emblée beaucoup plus long et plus construit. Le manque d’expérience se fait sentir au détour de quelques longueurs. Néanmoins l’intention prouve que Sonata Arctica vise plus haut que l’entertainment moyen, ce qui est appréciable. Surtout quand cette même mission est par ailleurs impeccablement remplie auparavant avec une bonne demi-douzaine de morceaux excellents. Restent un "Unopened" trop passe-partout et un "Letter To Dana" très « soupe aux poireaux » pour abaisser légèrement le niveau général. Non, évidemment, tout n’est pas parfait dans cet album.
Mais balancer une telle tripotée de hits dans un premier effort n’en relève pas moins de l’exploit. La scène metal bouge en Finlande à la fin des années 1990, et elle bouge vite. Stratovarius sort Visions et taquine le top 50. Nightwish surfe sur cette vague, s’envole et atteint les sommets des charts. Sonata Arctica, en un album, s’est contenté de copier, rattraper, et dépasser son maître. Les débuts fracassants d’un combo à suivre de près.