Ereb Altor -
Blot - Ilt - Taut (Tribute to Bathory)
Le tribute… En voilà un exercice qu’il est compliqué, comme aurait dit Coluche. L’intention est toujours louable, vu qu’il s’agit de rendre un hommage, en général mérité, à un des patriarches de notre genre préféré. La plupart du temps, les groupes s’y mettent à plusieurs et chacun pose sa petite pierre en vue de construire un autel musical de qualité décente. Les gars d’Ereb Altor ont plus d’ambition et se frottent au monument cosmique qu’est Bathory en solitaire… Il faut en avoir des bien dures pour tenter l’aventure…
C’est déjà vrai pour une simple cover, ça l’est donc encore bien plus pour un tribute : tout est dans l’art de la proportion. Si on respecte trop l’œuvre du groupe adulé, le tribute ne présente pas un grand intérêt, mais si on chamboule tout, on penche du côté de projets comme Driving Mrs. Satan. L’œuvre est totalement réinterprétée et on n’est plus dans une démarche de simple hommage. Comment les compatriotes de Quorthon ont-ils réglé la mire ? Réponse : du mieux qu’ils ont pu… d’une manière pas idiote, quoi, sans prétentions irréalistes. Ereb Altor est allé puiser dans les meilleurs titres bathoriens (bathoriques ?) de l’époque s’étendant entre The Return et Twilight of the Gods. Parmi les sept titres choisis, une seule surprise : la présence de "Song to Hall Up High", seul poids moyen au milieu des six poids superlourds, parmi lesquels on retrouve par exemple "A Fine Day to Die" ou l’incontournable, et meilleur titre de black metal de tous les temps, "Woman of Dark Desires". Bref, le choix de la playlist est raisonnable et l’introduction d’un titre un peu moins attendu n’est pas une mauvaise idée. Du côté de l’interprétation, Ereb Altor a également opté pour la sagesse en jouant la musique qu’ils savent jouer, à savoir un black/doom épique et lyrique, qu’ils se sont attelés à appliquer le mieux possible aux compos du sieur Quorthon. L’implication des musiciens et l’envie de bien faire est évidente. On sent que le respect envers Bathory est également immense, un peu trop grand d’ailleurs : ce Blot-Ilt-Taut est très sage, vraiment très sage et n’ose pas bousculer le mythe.
C’est dommage : "Woman of Dark Desires", seule chanson qu’ils ont osé vraiment transformer, est le moment fort de l’album. Certainement conscients qu’il leur serait IM-PO-SSIBLE d’aller plus loin dans la sauvagerie brute de cette pierre fondatrice de l’ensemble du black metal, les gars ont eu l’excellente idée de faire de l’ode à Elizabeth un morceau black/doom épique absolument fascinant. On aurait bien aimé qu’Ereb Altor inflige un traitement similaire au très raw "The Return of Darkness and Evil", mais les Suédois n’ont vraisemblablement pas osé être trop iconoclastes. Faisant une entorse ponctuelle aux règles de création de leur musique, ils sonnent presque aussi crus que le titre original, ce qui ne présente qu’un intérêt limité. Pour le reste, pas grand-chose à signaler. Le traitement épico-lyrique,vocalises incluses, ne déforme guère les titres issus de Blood Fire Death, Hammerheart ou Twilight of the Gods. Si l’on excepte la metalisation intéressante de "Song to Hall Up High", les reprises sont assez fidèles aux originaux, le timbre si spécial de Quorthon étant simplement remplacé par un chant plus classique - et plus juste donc. Cette « lyrisation » s’accorde assez bien à "Home of Once Brave" ou "Blood Fire Death". La substitution est en revanche moins réussie sur "A Fine Day to Die" où le timbre rauque du chanteur de Bathory est nettement préférable, ou sur "Twilight of the Gods", où elle rend le morceau traînant et un peu désagréable.
En conclusion, Blot-Ilt-Taut aura surtout le mérite d’ouvrir une porte aux jeûnots qui ne s`étaient pas encore plongés dans l’univers musical d’un des meilleurs groupes de metal extrême de tous les temps. L’hommage à Bathory est sincère et bien exécuté, et l’on sent à quel point Ereb Altor admire l’œuvre musicale de Quorthon. Cette admiration a hélas eu des effets inhibant sur la créativité des communiants qui n’arrivent à s’élever que sur une reprise aussi surprenante qu’excellente de "Woman of Dark Desires". Intéressant mais dispensable, qualificatifs que l'on peut apposer à 95% de ce type d’œuvres.