Ne vous trompez pas. Si j'ai accepté d'écrire une bafouille sur ce nouvel album des suédois d'Ereb Altor, c'est simplement par conscience professionnelle (enfin... le même genre de « professionnalisme » que chez Jacquie et Michel, quoi). L'idée était d'assurer une continuité dans la notation. Quelle autre motivation aurais-je pu trouver, au moment de jeter un œil sur les dernières notations d'Ereb Altor et d'Isole, son groupe jumeau ? Respectivement, 10/20 pour le dernier Ereb et 08/20 pour le dernier Isole : nos amis n'ont pas de quoi fanfaronner. Nattramn est-il d'un meilleur niveau ?
A contre-courant des séries américaines (ouais gros, on pose ses couilles ici) je ne ménage pas de suspens, aussi la réponse vous apparait-elle immédiatement : oh, oui, OH, OUI (comme dirait maman) Nattramn est d'un meilleur niveau que tout ce qu'a pu sortir Ereb Altor/Isole depuis au moins 2012 (probablement 2009, même). Malheureusement, Isole reste sur le côté de la piste, et c'est Ereb Altor, son versant « viking » (beurk ce terme, non ?), qui prend le pas sur la formation doom en termes de qualité. Qu'importe au final : l'important reste de ne pas saigner par les oreilles. Histoire de vous resituer le tableau, voici ce que l'on (je) pouvait reprocher aux deux projets parallèles depuis quelques années : auto-citation à foison, perte d'inspiration globale, utilisation à outrance de clichés rabattus encore et encore, manque d’âme ou encore niveau de composition bien faiblard. Triste tableau. Sans parvenir à l'exploit, force est d'admettre que Nattramn (pas celui de Silencer, celui d'Ereb Altor) remonte la barre sur quasiment tous ces points. La rédaction a enquêté.
Une fois n'est pas coutume, évacuons la question de la production qui frappe là où il faut et comme il le faut. La rondeur du son aide à mettre en valeur la lourdeur des guitares, ce qui à la vue du genre pratiqué (heavy/doom/viking) est une chose heureuse. Un autre élément notable est ce chant, ou devrais-je dire ces chants, étant donné l'alternance d'une voix claire - très jolie, qu'on connait également dans Isole et qui en fait le charme - , d'une voix black - efficace - et de son versant plus grave que nous qualifierons de death - qui ne va pas sans me rappeler le chant d'Aaron Stainthorpe de My Dying Bride par moments. Une piste comme (attention au cliché dans le titre) "Dark Waters" (rah, mais arrêtez avec les dark-ceci, dark-cela, bon sang !) est à cet égard remarquable. L'intensité roule tout du long comme les vagues venant s'écraser au pieds de falaises cyclopéennes, le clavier fait écho à l'orage qui se forme, et nos vikings se fraient un glorieux chemin au travers les éléments. Messieurs, ceci est une bonne piste.
Le reste est à l'avenant. Si ce n'était la mélodie efficace et réussie de "The Dance of The Elves" (titre approuvé par les 10-12 ans), l'album passerait sans trop se faire remarquer. Sans jamais faillir - ce qui, vu les espoirs placés dans le produit à la base, est une bonne surprise - mais sans trop de gloire non plus. Car la recette reste éculée, malgré sa qualité. Mais, mais, mais, me prend l'envie d'insister sur les bons côtés de cet album, plutôt que de vomir sur ce vilain corbeau noir et cliché qui en constitue l'artwork. Nous noterons donc un climat épique globalement maitrisé, des riffs sans déchets majeurs, des leads qui fonctionnent, des tempo qui varient de « blast » à « doom » en un clignement de hache (ce qui ne veut rien dire mais lol osef). Plus important que tout : les personnages redeviennent sympathiques. Voyez-vous, Nattramn m'aura donné envie de réécouter les derniers Isole et Ereb Altor. C'est là un signe qui ne trompe pas : vous pouvez lui donner sa chance sans trop de crainte.
Fi de fiel (biiiiim allitération labiale over ze world) ! Ereb Altor mérite mieux. Ce qui nous est présenté ici est un album honnête. L'un de ces albums bien foutu, mais de seconde division malgré tout. De la production aux compositions, rien de honteux à se mettre sous la dent. L'ensemble fonctionne, les parties s'imbriquent (comme chez Jacquie et Mi... - passons : comme chez maman - oups) et une véritable ambiance en ressort. Messieurs, gardez le cap, et de grâce, conservez quelques forces pour le prochain Isole.