- Ils arrivent…
- Qui ?
- Tu ne les vois pas, là-bas ? Pour l’instant, on dirait juste de petites têtes d’épingles, mais ce sont eux.
- Mais qu’est-ce que tu racontes ? Ecoute, il fait beau, la mer est d’huile, il n’y a personne sur la plage. On n’est pas bien, là ?
- Non, on n’est pas bien. Prends les jumelles et regarde !
- Ah. C’est curieux, oui. On dirait des gros oiseaux…
- C’est la Tribu Cannibale.
- La Tribu Cannibale Vint de la Mer. Les prophètes avaient raison.
Theo et Haris, les prophètes de la vague musicale rétro-avant-gardiste de rock-psycho-prog-black-metal, ont toujours raison. Toujours confiants en leurs possibilités, ils ont réussi à faire quelque chose que je pensais être très compliqué – voire impossible – à réaliser : améliorer leur musique sans réellement changer de direction musicale, tout en changeant quand même un peu... S’inspirant de la fameuse maxime « Ordo Ab Chao », les deux compères ont fait évoluer leurs compositions vers des horizons plus structurés, plus psyché, plus ambient… et plus effrayants. Mais comme nos deux amis hellènes sont à la base de bons gros farceurs, ils ne pouvaient pas afficher ce changement d’entrée, ça aurait été trop simple, trop direct, vous pensez… Ils ont donc pris un malin plaisir à concocter comme premier titre de ce fabuleux Mayhem In Blue – qui n’est PAS une référence consciente à Rhapsody In Blue, comme on pourrait croire – un morceau excellent, mais absolument pas représentatif du reste de l’album. Et forcément, ils l’ont publié comme « première » de l’album, emmenant leur public sur une fausse piste. Il n’y a en effet aucun équivalent de "I Mean You Harm" par la suite et c’est donc en vain que l’auditeur attend d’autres perles de type proggo-satanico-rock… Du coup, la première écoute de l’ensemble de l’album s’avère surprenante, et décevante – j’entends encore Theo et Haris se marrer…
Il faut bien deux ou trois écoutes pour faire son deuil de l’art-rock génial type Oi Magoi, qui n’apparaît plus que lors d’une interruption absolument inattendue de l’ambiance de fête foraine du pays des démons de "Lost In Satan’s Charms", et prendre conscience de la puissance de cette troisième offrande que les Grecs font à leurs fans. Fini la grosse rigolade noire, bienvenue la flippe. Lino Ventura ne sacrifie plus Micheline Presle en honneur à Lucifer avec un couteau en plastique, mais avec une dague bien réelle et incrustée de pierreries. "Mahyem In Blue" possède une puissante odeur d’Oranssi Pazuzu – vous savez ce groupe finlandais, dont le black psyché est tout sauf rigolo… - tandis que "The Cannibal Tribe Came From The Sea"… Je vous laisse écouter le morceau et juger par vous-même… Disons simplement qu’il n’est pas impossible que vous ayez la chair poule, et ce, pour des motifs contradictoires. Theo dit que le processus de création de cet album, ne dépassant pas plus les quarante minutes que ses deux frangins, a été long et compliqué, et on est enclin à le croire : il s’agit là d’un pur concentré d’Esprit Noir. Emmenés par une batterie beaucoup plus dure que sur les deux précédents albums, les gars déploient des trésors d’imagination pour que leur ambiance habituelle sonne, dans leur meilleur des cas, comme une sauterie étant sur le point de (très) mal tourner. Seule la conclusion de l’œuvre, plus légère que les cinq titres la précédant, nous laisse à penser que, peut-être, dans le fond, Hail Spirit Noir continue à n’être qu’une grosse blague… Peut-être…
Bon, on ne peut pas mettre 20 à un album qu’on a découvert il y a moins d’un mois. Ça ne se fait pas, hein. Donc on met 19. Voilà. Mais il ne fait aucun doute qu’il s’agit au minimum de l’album de l’année. Vous voulez avoir un résumé de ce Mayhem In Blue des enfers ? Regardez la pochette, tout y est dépeint. Ensuite, respirez un bon coup, et lancez vous. Les gars, bravo et merci, μπράβο και ευχαριστώ.