Darwin en était persuadé : l’humanité, comme toute espèce, est vouée à évoluer. La stagnation condamne une race à son extinction. Eh bien, ce cher Darwin se retournerait dans sa tombe à l’écoute de Dominion VIII, tellement celui-ci ne montre aucune évolution voire une régression assumée dans le joyeux génome de l’espèce metal. Si l’humanité avait été confrontée à une évolution similaire, nous aurions en 2008 sans doute tout juste commencé à utiliser des bâtons pour se les mettre les uns les autres sur la tronche.
Gageons qu’une telle vision de l’évolution aurait ses défenseurs, qui n’hésiteraient pas à dire que la Terre ne s’en porterait pas plus mal – ce qui ouvrirait certainement un débat passionné, mais là n’est pas le sujet. Parlons plutôt de Dominion VIII (prononcez Dominion Height et non pas Dominion Vé Bâton Bâton Bâton). VIII, parce que voici leur huitième album, même si le groupe nous revient frais comme s’il s’agissait de son premier opus – et en un sens, ça n’est pas loin de la vérité. Vous l’aurez compris, Grave reste Grave, et son credo, le death-metal, reste son credo contre vents, marrées et neometal. Aucune concession à qui que ce soit, aucune influence ne vient briser cette intégrité sans faille, c’est ici du 100% pur jus de concentré d’extraits de chair de death-metal tel que pratiqué avec ferveur dans les mid-90s.
Plus de dix ans après, on continuera de s’étonner que – d’une part – Grave existe toujours quand tellement de ses condisciples de l’époque ont raccroché les gants, et que – d’autre part – le groupe utilise encore et toujours cette bonne vieille recette : un riff, une batterie agressive (mais rarement en blast pur), un growl et point à la ligne : la messe est dite. À tel point que l’auditeur - a priori et par défaut un fan de death – qui en a vu d’autres, n’éprouve aucune surprise à l’écoute des neuf titres que contient Dominion VIII. De "Dark Signs" et son intro bien lourde à "Deathstorm" qui porte bien son nom, en passant par "Annililated God" et ses rythmes headbangants, l’efficacité est érigée en but à atteindre en dépit de toute réelle bonne idée. D’un titre à l’autre, l’objectif de Grave semble tour à tour s’éloigner puis se rapprocher, le groupe réussissant la prouesse d’être inégal tout en étant absolument constant.
Seules les intros identifient réellement un titre d’un autre. Le reste est calibré au millimètre près, et c’est vraiment dommage. Faire du death pur jus reste une intention noble (enfin, vous me comprenez, hein), et le faire bien est considéré de nos jours comme le minimum syndical. Et c’est exactement ce que fait Grave : un album sans risque, sans innovation, sans surprise, et presque sans saveur. Mais pas inefficace, en partie grâce à une production réussie, avec une basse qui apporte son lot de ronronnement dynamique. Mais là encore, l’originalité n’est pas de mise, là où Gorefest ou Dismember ont un son bien à eux, Grave reste somme toute très classique, se contentant d’une puissance certes réelle mais presque anonyme. Il ne semble pas ressortir grand-chose de cet album qui serait presque un cas d’école dans la section « ne pas changer une équipe qui gagne ».
Grave ravira ses fans, mais aucun risque (ou quasiment) d’en conquérir de nouveaux. Toutefois, si vous avez un petit cousin – ou une petite cousine, ou une grand-mère, ou un teckel-nain – qui vous demanderait innocemment « dis, c’est quoi le desse-métal ? », ne lui répondez pas : allumez votre chaîne hi-fi et mettez Dominion VIII.