Un groupe dont la première démo date de 1993, la dernière de 1995, et qui sort son premier album en 1999, ça en dit quelque chose sur le soin apporté aux compositions et aussi accessoirement sur ses déboires… Quoiqu’il en soit, on peut légitimement attendre beaucoup d’un groupe qui a mis tant de temps à se fendre d’un premier opus. Le moins que l'on puisse c’est que le premier contact nous met une petite claque. Déjà le son, très Darkthronien, nous fait nager en plein true black.
Pourtant et contrairement à cette mouvance qui se complaît dans une musicalité quasiment inexistante, Taake pose d’emblée un riff majestueux et mélodique. Surprise. On sent que cette compo a mûri longtemps dans la tête de ses créateurs. Du true black mélodique? Et bien il faut se faire à cette appellation car Taake n’est pas aussi stupide que ces groupes de l’Est qui sous couvert d’un son à chier et d’une appellation « true black » (les guillemets en l’occurrence pour signifier la fausseté de cette dénomination de ces groupes tout, sauf true) se permettent de donner une musique insipide et dénuée de maîtrise. Taake au contraire, en grand descendant de la lignée norvégienne de black metal puise dans son inspiration des riffs excellents. Renforcés par une production quasi parfaite (mais est-ce réellement voulu?), soit tout à fait sous produite et grossière, les riffs délivrent une ambiance à vous refroidir les veines. Riffs qui soit dit en passant sont extrêmement véloces. Taake ne joue pas pour les petits joueurs.
Sa musique est vraiment très rapide, sous blast constant, et puissante. On peut déceler un peu de Emperor ici. Car bien que d’une rapidité asphyxiante, la musique du groupe n’est pas brutale. Et c’est bien comme ça car le black metal au-delà d’être brutal est une affaire d’ambiance, et là la vitesse permet d’installer une ambiance oppressante. Dark Throne qui rencontre Emperor? Ben un peu finalement. Car du minimalisme de Dark Throne, il n’en a gardé que la production déplorable. Et de la spatialité de Emperor il en a pris sa vitesse fulgurante et son goût pour la mélodie. Et ce qui est bien avec Taake, c’est qu’il a su ne pas venir tout gâcher avec des claviers sirupeux. On reste dans le black pur et dur, point barre. Les seules friandises que se permet le duo sont les chœurs masculins, grandiloquents comme le veut la tradition, et des rares interventions d’arpèges pour ne pas les banaliser mais toujours à point pour venir souligner la beauté de la musique offerte et aérer l’ensemble bien qu’il n’en ait pas foncièrement besoin.
Le reste est ancré dans le black metal, ne cherchez pas ailleurs. Mais s’il reste arrimé à son genre de prédilection, Taake n’en oublie pas pour autant de sonner unique, et c’est ça qui fait sa grande force. Vous ne confondrez pas ce groupe avec un autre pour peu que vous soyez amateur de black metal. Encore une fois, je soulignerai la puissance et l’excellence des compositions mais c’est uniquement pour leur rendre hommage car elles sont tout le temps justes. Le groupe n’oublie pas non plus qu’un disque c’est sept chansons pour le coup, et que le remplissage est réservé aux faibles. Par conséquent il pare le disque de sept chansons toutes aussi bonnes les une que les autres. Vous ne passerez pas sur ce disque par une phase d’ennui consécutive à une baisse de régime coupable. Il n’en est pas ici.
Cela donne forcément un disque exceptionnel de black metal. La couleur qui ressort de cet album est évidemment le noir et l’ambiance, forte, est à la hauteur (petitesse?) des températures régnant dans le cercle polaire, glaciale. Un passage obligé pour celui qui adule Dark Throne et/ou Emperor car de la musique comme ça, il n’y en a pas tous les jours.