Scandale! On s’émeut, on s’insurge depuis que David, mon collègue et néanmoins ami, a signé une critique fâcheuse sur le sacro-saint Meddle. Il fallait donc donner un autre avis sur ce disque... Toutes les âmes bien pensantes concernées par la remarque ci-dessus vont pouvoir se réjouir, car voici venir la chronique de votre serviteur qui, lui, adôoooore Meddle. Ne croyez pas pour autant que je sois venu flatter votre ego : je suis ici pour défendre une opinion particulière, qui n’est ni la bonne, ni la mauvaise.
Et pour bien faire, commençons par les choses qui fâchent : bien que ce disque soit grand, il ne peut prétendre au statut d’album ultime du Floyd, la faute à un contenu assez disparate. Car il y a du déchet, dans Meddle, eh oui! Remarquez, c’était déjà le cas sur l’album précédent avec l’ennuyeuse suite "Alan’s Psychedelic Breakfast", mais comme elle fermait le disque, on pouvait la zapper sans problème, et on se retrouvait malgré tout avec quarante minutes de première qualité. Là, le déchet frappe en plein milieu du disque, gâchant ainsi le plaisir d’écoute. Les responsables ? "Fearless", où le Floyd tente de muscler son propos par l’emploi d’une guitare cradingue ; et c’est complètement raté! D’accord, la guitare est là, mais c’est mou, c’est tellement mou ! Quand on veut ajouter une teneur rock à un titre, mieux vaut éviter de chanter comme un chamallow vivant ; une leçon que nos amis retiendront pour "Dark Side Of The Moon", mais là, non, ils sont biiieen trrroop traaanquiiiiillles... Même remarque pour Mason, qui a dû enregistrer sa partie de batterie sous Xanax. Quant au choeur de stade à la fin du titre, désolé, je ne vois pas l’intérêt...
"Seamus" est un peu près aussi médiocre, tant elle brille par son inutilité: un blues pépère avec le chien de Gilmour qui vient pousser la chansonnette : amusant la première fois, agaçant par la suite. Le top, c’est que ça dure à peine deux minutes, et que j’arrive à trouver ça deux fois trop long... Belle performance les mecs. Le reste va du bon au suprême. N’y voyez là aucune exagération. Il y a d’abord "San Tropez", mignonne chanson pop qui ne casse pas des briques mais touche au but : créer une atmosphère sympathique du style «Je suis sur le canapé du salon, j’ai vue sur la mer et le soleil brille, et je passe maître dans l’art de la glandouille». Plaisant et reposant. On passe encore au niveau supérieur avec "A Pillow Of Winds", ballade mélancolique et languissante où nos Floyd peuvent se permettre de la jouer cool. Etendu sur l’herbe avec le soleil qui nous tape sur la tête, alors que les jeunes filles en fleurs dansent et virevoltent au ralenti tout autour de vous... Les oiseaux vous survolent, tranquillement... Et malgré cette atmosphère en tout point bucolique, vous avez l’âme en berne, sans pouvoir expliquer pourquoi.
Voilà selon moi ce que dégage ce morceau. Bien évidemment, Meddle ne serait pas ce qu’il est sans les titres d’ouverture et de clôture, deux morceaux emblématiques de la carrière du Floyd et qui me procurent un plaisir énorme à chaque fois que je les entends ; des morceaux qui, pour moi, appartiennent à la légende, aussi cliché que puisse vous paraître cette phrase. Comment passer sous silence le diabolique "One Of These Days" et son duo de basses infernales et étouffantes, sa myriade de sons inquiétants et hallucinés, et cette guitare plaintive et déchaînée qui nous incite à plonger toujours plus profond dans cet abîme de haine et de rancoeur... jusqu’au point de non-retour. Ne reste plus que le souffle du vent pour nous sortir de ce cauchemar dans lequel on s’est engouffré avec délectation. Stressant et génial.
Mais si "One Of These Days" est grand, alors "Echoes" est énorme. Dantesque. Orgasmique. Voyage extatique de plus de vingt-trois minutes, voilà le plus grand morceau de Pink Floyd, le plus ambitieux, le plus inspiré, le plus envoûtant et que sais-je encore... Une véritable Odyssée qui multiplie les moments de bravoure et les instants purement magiques, n’ayant l’air de rien mais donnant tout son charme et sa force à cette Œuvre incomparable. Ecouter "Echoes", c’est être confronté à une multitude d’émotions, sans forcer, tout en gardant une parfaite cohérence, conférant au morceau un pouvoir purement enchanteur. Je tiens tout de même à prèvenir: ce n’est PAS du progressif, ne vous attendez pas à un break toutes les trente secondes, non, les Floyd préfèrent prendre leur temps, et développer leurs thèmes durant cinq minutes si nécessaire. Mais à l’arrivée... mon dieu quel bonheur!
Mon opinion peut être biaisée, vu que j’ai écouté ce titre pour la première fois à quinze ans, à l’époque où l’on commence à forger son identité musicale... Et j’avais été purement ensorcelé, et l’écoutais pratiquement tous les jours. Et encore aujourd’hui, bien que je l’écoute de manière plus sporadique (peut-être pour préserver sa magie ?), je me fais encore avoir. Et je me laisse complètement aller, m’embarquant une énième fois dans un voyage dont je connais déjà l’issue, et j’y prends toujours autant de plaisir. Impossible de s’en lasser, ni de trouver le temps long. Une épopée FAN-TAS-TIQUE, et il y aurait encore bien d’autres superlatifs à employer ici, tant ce titre est grandiose. Inutile de préciser qu’il vaut à lui seul l’achat du disque, et qu’il rend ce dernier purement indispensable. Des titres aussi puissants et immersifs, ça court pas les rues, alors n’attendez pas. Courez vous procurer Meddle, ne serait-ce que pour goûter aux délices de "Echoes".
Voilà, j’en connais qui vont pouvoir dormir tranquille...
P.S.: D’après des sources plus ou moins sûres, "Echoes" pourrait servir de musique d’accompagnement à la dernière partie de 2001 Odyssée de l’Espace : il faut caler le troisième ping d’ "Echoes" juste à l’instant où apparaît le titre "Jupiter And Beyond The Infinite". Je n’ai pas essayé, mais j’avoue que la perspective d’allier ce monument à l’une des séquences les plus hypnotisantes de l’histoire du cinéma me plaît bien...