Ce qui est pratique lorsqu’on s’appelle Immortal, c’est que niveau influence, si on veut en trouver, il suffit de s’inspirer de soi-même. En effet, la carrière du groupe parle pour lui et sa voie tracée sans réel faux-pas apporte autant de conviction que nécessaire pour affirmer le bien-fondé d’une telle entreprise. C’est donc fort de ce postulat que la troupe des grands fjords norvégiens se relance dans la bataille. Ah oui, vous ne saviez pas ? Immortal était mort en 2002. Mais son nom trop fort, armé d’une trop grande inéluctabilité l’a ramené à la logique de son patronyme.
Ou alors était-ce la perspective de relancer des carrières sans coup d’éclat depuis l’arrêt du groupe ? Capitaliser sur une série de concerts estivaux fort réussis depuis 2007 et faire quelques menus profits ? Abbath est sûrement trop déconneur pour penser aussi sérieusement, alors accordons au groupe son intégrité, car Immortal n’est pas du genre à tricher. Quitte à ne pas tricher d’ailleurs, ils posent leurs jalons nouveaux dès le départ. "All Shall Fall" l’ouvreuse chanson-titre fait démesurément monter l’espoir chez le fan complètement cathartique depuis l’annonce de la sortie de ce disque. Un riff Immortal excellent, un bon gros blast, quelques arpèges et le tout est envoyé-pesé. Un peu dans le style de "One by One" sur le précédent Sons Of Northern Darkness. Sauf que certaines choses ont changé. Ô, rassurez-vous, pas grand chose !
Tout d’abord le son est moins compact que sur cette (alors) dernière offrande. Offrant des basses moins présentes et une assise sonore moins solide par la même occasion, All Shall Fall se rapproche plus en cela d’un At The Heart Of Winter. Ensuite, il faut notablement remarquer que si l’inspiration est là, Abbath n’a jamais été de ceux qui se fourvoient musicalement, et aussi bonne cette ouvreuse soit-elle, elle n’est pas du niveau de ce qu’on appellera désormais l’ancien Immortal. La différence n’est pas excessive mais elle est présente et audible. Elle sera d’ailleurs audible tout au long de l’album. Chaque chanson présente son lot de riffs solides, immortaliens et donc ce mélange heavy/black, black/heavy si caractéristique de la 2e partie de la vie du groupe. Pour autant, c’est un cran en-dessous. A noter le très sympa riff tourbillonnant de "Mount North", assez ... différent !
Néanmoins, que les fans se rassurent, ils aimeront cet album. Ils le trouveront bon, ça oui. Car Immortal ne s’est pas non plus risqué outre mesure. On retrouve tous les ingrédients qui ont fait le succès de sa recette. Le chant d’Abbath, si crapaud, les blasts alternés par de multiples rythmes plus heavy, le son froid et très costaud, les arpèges et les textes immuables de Demonaz, toujours sur le même sujet du froid/guerre/Nord etc .... Les chansons sont toutefois un peu plus courtes, autour des 5 minutes là où le groupe avait tendance à flirter avec les 6-7 minutes, donc peut-être mois lassantes. Mais il y a toujours la chanson longue évidemment, épique et emballante comme elle se doit avec un texte parlant de royaume, "Unearthly Kingdom" et ses 8 minutes pour clôturer l’album en écho à "Antarctica" et "Beyond the North Wave". Le groupe semble toutefois avoir mis un poil plus de soli dans ses compositions.
Alors qu’en penser ? Qu’Immortal la joue facile en restant en terrain (très) connu, en proposant un bien bel objet sous son format digipack s’ouvrant comme une porte. Pas que ce soit déplaisant puisque l’album mérite d’être écouté et de trôner à côté de ses fiers ascendants. C’est très bien pour un album de reprise après 7 longues années. Ca permet de se remettre en selle. Par contre, ce sera vain pour le prochain album. Celui-ci nécessitera plus de prises de risque. Pas une révolution, mais quelque chose en plus que ce que le groupe sait d’ores et déjà très bien faire, car il n’a plus rien à prouver dans son style.