CHRONIQUE PAR ...
Joe Le Hareng
Cette chronique a été mise en ligne le 01 juin 2021
Sa note :
14/20
LINE UP
-Till Lindemann
(chant)
-Richard Z. Kruspe
(guitare)
-Paul Landers
(guitare)
-Oliver Riedel
(basse)
-Christian Lorenz
(claviers)
-Christoph Schneider
(batterie)
TRACKLIST
1)Rammlied
2)Ich Tu Dir Weh
3)Waidmanns Heil
4)Haifisch
5)B******
6)Frühling in Paris
7)Wiener Blut
8)Pussy
9)Liebe Ist Für Alle Da
10)Mehr
11)Roter Sand
DISCOGRAPHIE
Imagerie sulfureuse, textes à double sens, paroles plus qu'explicites, Rammstein a toujours eu la provocation à fleur de peau... À grands coups de grand-guignol, de sexe, de sang et d'iconographie martiale, les Allemands se sont forgés une réputation d'hérétiques. Pourtant, et avec beaucoup d'intelligence, ils n'ont jamais dépassé le point de non retour. Jamais ? La promo qui a entouré la sortie de Liebe Ist Für Alle Da a fait couler beaucoup d'encre... Alors ? Coup d'éclat pour magnifier la sortie d'un album en demi-teinte, ou énième grosse farce d'un groupe qui cultive un certain non-conformisme ?
Un première écoute de Liebe Ist Für Alle Da nous confirme que les Allemands n'ont pas pris beaucoup de risques quant à leur musique. Riffs carrés, interventions de claviers éthérés et toujours cette grosse voix qui tabasse : on est en terrain conquis. Pourtant, cette première écoute laisse un goût amer dans la bouche : « ben dis donc, ils se sont pas foulés les Teutons !». Et oui, y'a comme un sentiment de déjà-entendu qui plane sur Liebe Ist Für Alle Da. Les die-hard mettront sans doute ça sur le dos de l'identité Rammsteinienne, les détracteurs crieront à l'auto-plagiat et les autres se diront qu'il y a sans doute un peu des deux.
Le morceau d'ouverture "Rammlied", n'aidera pas à défendre le groupe : gros riff qui tombe à intervalle régulier et un Lindemann qui scande à poumons déployés « Ramm-stein »... Mouais... D'aucuns diront sans doute qu'il s'agit d'un hommage, d'une auto-citation, pourtant la pilule a du mal a passer. Et ce ne sont pas les deux titres suivants qui l'aideront à descendre ! "Waidmann’s Heil" peut encore se targuer d'une certaine originalité (notamment grâce au pré-refrain arabisant fort sympathique) mais "Ich Tu Dir Weh" est d'une platitude affligeante, malgré une intro des plus prometteuses (il convient de noter que les intros sont globalement très réussies, ce qui est à mettre au crédit des Teutons). Pourtant, il serait dommage d'en rester là, car c'est à partir de "Haifisch" que les choses commencent à se préciser et que l'on retrouve le Rammstein que l'on connaît.
Et c'est justement ce morceau qui ouvre le bal : la dichotomie entre la mélodie très légère et ce chant millimétré est des plus rafraîchissantes. Mais avouons-nous quand même que l'on préférerait prendre un peu plus de gros pavés dans la face ! C'est chose faite avec "Wiener Blut" et "Liebe Ist Für Alle Da" : les Allemands emballent le rouleau compresseur, et c'est avec un plaisir non dissimulable que l'on se laisse écrabouiller par le duo guitares/batterie (et ce chant susurré sur "Wiener Blut"! Du caviar...) Et puis il y a le cas "Pussy"... Que penser de ce morceau « facile », assez peu original (le refrain a comme un arrière-goût de "Moskau") et pourtant diablement efficace. La première écoute fait crier au scandale (le thème abordé et les paroles enfoncent le clou) mais les écoutes rendent ce titre totalement indispensable, voire addictif : ce clavier qui déballe sa mélodie eurodance sur fond de guitares qui graillonnent n'y est sans doute pas pour rien. Le refrain simple et entêtant non plus d'ailleurs.
Dans un registre un peu plus lourd, "Mehr" fait son petit effet : batterie qui tabasse, Till qui fredonne et guitares qui plombent le refrain. C'est pas trop tôt. C'est pas trop tôt mais c'est déjà fini, car comme souvent Rammstein ferme la marche avec une ballade. Ici c'est "Roter Sand" qui s'y colle, avec un certain succès. Mais ce n'est rien à côté de l'énorme morceau qu'est "Frühling In Paris". Sur un arpège de guitare simple mais efficace, Till nous déballe tout son art. Entre un couplet chantant et un refrain qui rend hommage à une certaine Edith P., le charismatique frontman au timbre profond dégage une nostalgie et une émotion palpable. Puis la chanson s'emballe, les guitares grondent, bruitent et c'est reparti pour un second tour de manège. Superbe.
On pourra dire tout ce que l'on voudra de Rammstein en général et de Liebe Ist Für Alle Da en particulier mais en aucun cas on ne pourra reprocher au groupe de ne pas savoir faire parler de lui. Alors oui, cet album est bien loin de révolutionner leur musique comme l'avait fait Mutter et n'a pas le niveau de composition d'un Reise Reise (sans même parler d'un Sehnsucht) ; pourtant, au fur et à mesure des écoutes, il se laisse découvrir, apprivoiser et finalement on se laisse emporter sans trop résister dans l'univers à la fois sombre et haut en couleurs de Rammstein. Reste à savoir si Liebe Ist Für Alle Da aura la durée de vie de ces prédécesseurs. L'hétérogénéité des morceaux laisse supposer que non... Mais avec ces diables d'Allemands on ne sait jamais !